8 choses à savoir sur le sentier des Appalaches / Appalachian Trail
Si vous faites partie de ceux qui ressentent l'appel du sentier des Appalaches, sachez que c’est une expédition de 3 510 kilomètres qui doit être préparée avec minutie. Pour vous y aider, Espaces a passé en entrevue quatre thru hikers (randonneurs qui ont complété la traversée intégrale).
1. Pas besoin de s’entraîner tant que ça avant de partir
Sur l'Appalachian Trail, dans le Maine © AdobeStock
« Il n’y a pas grand-chose qui peut te préparer à marcher 10 heures par jour avec 40 livres de matériel sur le dos », lance l’auteur et recherchiste Christian Letendre, qui a complété l’Appalachian Trail en 2010.
Peu de gens s’entraînent en effet de façon spécifique pour marcher les 3500 km du sentier, une randonnée qui prend de quatre à six mois. « La trail, c’est le vrai entraînement », ajoute M. Letendre, qui souligne toutefois l’importance de faire quelques randonnées, incluant au moins une nuit à l’extérieur, afin de tester son équipement.
Avoir une bonne forme physique de base est tout de même nécessaire : marcher souvent dans les semaines et les mois qui précèdent peut faire une bonne différence, si l’on veut faire partie des quelque 20 % de randonneurs qui complètent le sentier et deviennent des thru hikers.
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2. Il faut prévoir un bon budget
Marqueur de l'Appalachian Trail © AdobeStock
À moins d’avoir déjà tout le matériel requis, il faudra vous équiper. Jeny Comeau, qui a fait l’Appalachian Trail en direction sud - l'une des rares dans ce sens - et avec son chien (encore plus rare) en 2017, a dépensé près de 3000 dollars pour sa tente, son matelas de sol, son sac de couchage, ses bottes et tout le reste.
« Quand j’ai acheté mon équipement, j’avais le meilleur de tout ce qu’on pouvait se procurer sur le marché à ce moment-là, dit-elle. Quand tu marches pendant plusieurs mois, ça vaut la peine, parce que c’est vraiment dur sur le matériel, quand tu l’utilises tous les jours. »
Lors des ravitaillements en ville, les randonneurs choisissent des hébergements en fonction de leur budget, et se paient de bons repas au restaurant, ce qui influence le coût de l’aventure. Il faut compter environ 1000 dollars américains par mois, estime Christian Letendre.
Mais cela varie grandement. Si elle a investi beaucoup d’argent dans son équipement, Jeny Comeau, quant à elle, est restée très économe pendant le voyage. « Je n’ai pas dormi dans un hôtel une seule fois, et je n’ai presque jamais mangé au resto », dit-elle. Ses cinq mois de marche lui ont coûté environ 2500 dollars.
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3. Une journée typique
Camping sur Roan Mountain, Caroline du Nord © AdobeStock
En 2019, Charlotte Huebner a marché l’Appalachian Trail d’un pas très rapide, en seulement quatre mois et un jour. « Chaque jour, je me levais et me couchais avec le soleil », dit-elle.
Après une période de rodage, elle paquetait toutes ses affaires en 40 minutes précises, et se mettait en route. « Je déjeunais en marchant pour aller plus vite. » Elle a parcouru environ 28,7 km par jour, ce qui est un peu plus que la moyenne.
« J’aimais ça finir mes journées tôt, explique Charlotte. Tu marches pendant des heures et quand tu t’arrêtes, tu es vraiment fatigué, sauf que tu as encore des choses à faire, comme monter ta tente, filtrer ton eau et cuisiner. »
Et que fait-on pendant la journée, outre marcher? « J’ai eu le temps de penser à ma vie au complet et de revoir tous mes souvenirs d’enfance, dit Charlotte. Mais la plupart du temps, les pensées sont super concrètes : où vais-je prendre mon eau? À quelle heure vais-je manger? »
Certains randonneurs écoutent de la musique, des balados ou des livres audio. D’autres méditent en marchant. Certains ne font que placoter et rigoler avec leurs camarades de sentier.
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4. Maintenir son énergie tout au long de l’aventure
Appalachian Trail dans le Maine © AdobeStock
Marcher autant d’heures en pleine nature est très exigeant pour le corps, qui dépense plusieurs milliers de calories par jour. Pour soutenir un tel effort, « je prenais des collations toute la journée, raconte Charlotte Huebner. À chaque heure, je mangeais quelque chose, j’avais tellement faim! »
Les sorties de ravitaillement en ville sont une belle occasion pour manger encore plus abondamment - souvent dans un buffet - afin de faire des réserves. C’est aussi l’occasion, pour une fois, de manger sainement. Car la plupart des randonneurs mangent mal, reconnaît Charlotte. Ils consomment des sucres rapides, comme des produits issus de l’industrie alimentaire. « Je commençais la journée avec des Pop-Tarts », avoue-t-elle.
En plus de l’alimentation, il faut penser au repos, rappelle pour sa part Jeny Comeau. Elle dormait souvent 12 heures par nuit pour récupérer de ses journées. « Il faut se donner du temps. Notre corps est capable de s’adapter. On développe des trail legs, puisque que c’est tous les jours et sans arrêt », dit-elle.
Les virées en ville permettent également de prendre des journées de repos complet, dont le corps a grandement besoin.
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5. Connaître les risques pour s’y préparer
© Jeny Comeau
« Des ours, c’est pas mal sûr qu’on en voit, mais ce n’est pas dangereux, affirme Christian Letendre. Ils se sauvent. » Il faut tout de même connaître les comportements à adopter lors de telles rencontres.
On trouve aussi dans les sentiers des serpents à sonnette et des serpents à tête cuivrée, qui sont venimeux. Il faut être prudent.
Mais « le plus dangereux, c’est l’eau, si tu ne la traites pas », dit M. Letendre. « Et les tiques », ajoute-t-il, puisqu’il y a des risques élevés de maladie de Lyme. Lui-même a été piqué, heureusement sans conséquence.
Charlotte Huebner a été confrontée à un problème d’un tout autre ordre : la météo. Au début de son périple, il a fait très froid. Pendant toute une semaine, elle a connu des températures négatives. Son eau était gelée, même ses lentilles cornéennes! « Le soir, je ne pouvais rien faire. J’étais dans mon sac de couchage en train de survivre et ne pas mourir de froid », lance-t-elle.
Parmi les autres risques à ne pas négliger : les fractures, foulures et égratignures. Connaître les soins de base est un must.
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6. Il y a du beau et du moins beau sur le parcours
Sud de la Viriginie © AdobeStock
Il y en a pour tous les goûts sur l’Appalachian Trail. « Ça dépend de ce que tu cherches », lance Jean-Mathieu Chénier, qui a complété le sentier en 2011. Certains segments sont moins intéressants, et il faut travailler un peu plus avec le mental pour passer au travers.
C’est le cas d’une partie de la Pennsylvanie, dont plusieurs kilomètres sont très rocheux et difficiles à marcher. Des bouts de l’État de New York sont aussi un peu drabes, confie-t-il.
Le coup de coeur? Le sud de la Virginie. « C'est vraiment juste des beaux paysages », dit Jean-Mathieu.
Christian Letendre est d’accord. « Il y a un segment de trois ou quatre jours de marche un peu hors de la forêt. C'est gazonneux, ça fait vraiment "Écosse". Tu te sens un peu dans un autre monde, et il n'y a ça nulle part ailleurs sur la trail », explique-t-il.
De plus, on y trouve des poneys sauvages que l’on peut approcher et toucher, surtout les bébés, qui sont « tout fluffy », dit Christian. « Ça participe à une impression d’intemporalité. »
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7. C’est une expérience majeure dans une vie
Stokes State Forest, New Jersey © AdobeStock
« Ça a sûrement été les six plus beaux mois de ma vie », confie Jean-Mathieu Chénier, qui s’est attaqué à l’Appalachian Trail tout de suite après ses études universitaires. Ça m’a permis de réfléchir à ce que je voulais faire de mon existence. »
C’est un fait : vivre aussi intensément dans la nature ramène à l’essentiel. Plusieurs randonneurs prennent conscience que l’on a besoin de bien peu pour vivre. « La simplicité de ce mode de vie-là m’a toujours suivi par la suite, ajoute Jean-Mathieu Chénier. Souvent, je cherche comment retrouver ça, parce que je trouve que je me complique parfois la vie. »
L’Appalachian Trail a des effets subtils sur la psychologie des randonneurs, qui développent souvent une plus grande écoute intérieure et un sentiment de connexion à eux-mêmes. L’esprit se renforce, explique Jeny Comeau. « On apprend à ne pas faire d’une souffrance physique une souffrance mentale, parce que si tu rumines pendant des heures sur tes ampoules ou ta fatigue, ça va être trop dur de continuer. On apprend à apprécier chaque moment. »
Physiquement aussi, des transformations surviennent. La plupart des randonneurs perdent du mauvais gras et se font des bons muscles dans les jambes. Ça met en forme!
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8. Et si on ne veut faire qu’une petite section?
Shenandoah National Park, Viriginie © AdobeStock
Ce n’est pas tout le monde qui dispose de plusieurs mois pour compléter l’Appalachian Trail. Pour les Québécois qui aimeraient en explorer des petits bouts, il est très facile de se rendre dans le Nord-Est des États-Unis, à quelques heures de route seulement.
« Si tu as juste deux semaines de vacances, le Vermont ou le Maine sont vraiment accessibles, dit Jeny Comeau. Il y a là parmi les plus grosses montagnes du sentier. Pour quelqu’un qui n’est pas expérimenté, il y a des lodges, et c’est une bonne façon de commencer, parce que tu ne traînes pas vraiment de nourriture, juste des collations. »
Mais un randonneur qui aurait envie d’aller plus loin, quitte à prendre l’avion jusqu’à une métropole et ensuite un peu d’autobus, devrait se rendre à Damascus, en Virginie, affirme pour sa part Jean-Mathieu Chénier.
« C’est la capitale de l’Appalachian Trail », dit-il. En montant vers le nord, les randonneurs connaîtront le plus beau du sentier, ainsi que les fameux petits poneys, si charmants.
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