Malaria, giardia, choléra… Des souvenirs à rendre malade
Fini le temps de l’imprudence. Le voyageur moderne insouciant risque de voir plus de salles d’hôpitaux que de pays s’il ne prend pas les précautions nécessaires avant de partir à l’aventure. Il y a des souvenirs qu’il vaut mieux ne pas ramener.
Les histoires de voyage ne font pas toutes rêver. Au retour d’un voyage, Catherine consulte son médecin de famille pour de fortes douleurs à une jambe. Il la traite pour une phlébite. Erreur : c’est la bactérie mangeuse de chair qu’elle a rapportée d’Amérique du Sud! Un spécialiste en santé voyage lui évitera de justesse l’amputation. Deux mois après un séjour en Thaïlande, Julien se sent fiévreux. Frissonnant et courbaturé, il croit d’abord à un rhume. Mais ni le temps ni les médicaments n’en viennent à bout. Alerté par du sang dans son urine, il décide de consulter. Résultat : la schistosomiase s’est infiltrée sous sa peau lors d’une expédition en rafting.
Près de 80 % des Québécois s’envolent vers l’étranger sans avoir reçu les vaccins recommandés ni même s’être renseignés sur les risques qu’ils peuvent courir dans les pays visités. Une situation dangereuse : « Les Nord-Américains ont tendance à croire que les conditions dans lesquelles ils se retrouveront seront les mêmes qu’ici », dit Jo-Anne Hudon-Duchesne, directrice de la Clinique Santé-voyage de la Fondation du CHUM. « La plupart pensent qu’ils s’en vont juste vivre un quotidien ailleurs. Ils se sentent rapidement en sécurité et adoptent des comportements qui les mettent à risque. »
Trois ans après son retour de Tanzanie, Marc éprouve des problèmes digestifs de plus en plus fréquents. Il ne tolère plus l’alcool, le café lui donne la nausée et les repas un peu trop riches le rendent malade. Trois parasites ont élu domicile dans son intestin, mais c’est une bactérie ramenée de Cuba qui permettra à son médecin de découvrir la présence des autres locataires. Convaincue qu’elle ne courait aucun danger dans les Caraïbes, Mélanie a refusé de se faire vacciner contre l’hépatite A avant de partir. À peine revenue, elle développe la maladie qui s’attaque avec virulence à son foie. En attendant une greffe, elle succombe faute de donneur compatible.
« Certains voyageurs sont mêmes prêts à croire n’importe quel touriste rencontré sur place plutôt que de suivre les recommandations données par leur expert en santé voyage », ajoute la Dre Dominique Tessier, directrice médicale en Santé-voyage chez Medisys et présidente de la nouvelle Société canadienne de médecine de voyage. « Si on leur dit là-bas d’abandonner leurs pilules contre la malaria en prétendant qu’il n’y a pas de danger dans la région visitée, ils le font! »
Autre mythe tenace : croire que l’immunité naturelle acquise dure toujours. Or, elle ne résiste que quelques mois : « Tous les Québécois courent un risque lorsqu’ils sortent des conditions sanitaires dans lesquelles ils vivent », affirme Nancy Lyons, infirmière bachelière et adjointe à la direction à la Clinique Santé-voyage de la Fondation du CHUM.
Et la réalité porte aussi au relâchement de la vigilance : en matière de santé voyage, le gouvernement du Québec défraie les soins reçus au retour de voyage, mais ne paye pas pour les vaccins recommandés au départ. « Le fait que ces services ne soient pas assurés par l’État laisse présumer qu’ils sont superflus. Or, ce n’est évidemment pas le cas », précise Jo-Anne Hudon-Duchesne. Ainsi, bon nombre de voyageurs au budget restreint s’envolent en décidant d’investir leur argent ailleurs. Une décision qui peut altérer considérablement le voyage…
Encore plus…
Clinique santé voyage de Medisys : 514 499-2772 • medisys.ca
Clinique Santé-voyage – Saint-Luc : 514 890-8332 • santevoyage.com
Quoi faire?
Aucun vaccin ou médication ne protège à 100 %. Vaut donc mieux prendre certaines précautions. « En voyage, une règle d’or s’applique : Cook it, boil it, peel it or forget it », mentionne Geneviève Ostiguy, médecin à la Clinique Santé-voyage de la Fondation du CHUM.
L’eau
Elle peut être infectée par des micro-organismes qui entraînent plusieurs maladies allant de la simple diarrhée à l’hépatite A, en passant par la giardia et le choléra. Pour se protéger, vaut donc mieux boire de l’eau embouteillée. Ouvrez-les vous-même pour être sûr qu’elles étaient bien scellées. Sinon, faites-la bouillir. Une seule minute suffit pour qu’elle devienne propre à la consommation (cinq minutes en altitude). L’eau peut également être traitée chimiquement. Ne prenez jamais de glaçons dans vos boissons, y compris dans les hôtels cinq étoiles… même si on vous assure qu’il n’y a aucun danger.
Côté hygiène, on ne court aucun risque à se laver avec de l’eau contaminée. Toutefois, il faut toujours se brosser les dents avec de l’eau stérilisée. Dans les zones tropicales, vaut mieux éviter les baignades en eau douce et stagnante : un milieu dans lequel les micro-organismes prolifèrent allègrement. Si vous chutez en kayak, prenez garde aux bouillons et aux égratignures par lesquelles elles peuvent pénétrer. Certains médecins recommandent même un examen médical au retour. « Dans les Tropiques, le virus de l’hépatite A peut survivre jusqu’à dix mois en eau douce », explique la Dre Dominique Tessier. Il n’y a donc aucun risque à prendre.
Les aliments
Pour s’assurer que les aliments ne soient pas contaminés (par la salmonellose, la campylobacter, le E. coli, la Listeria ou autre parasite), ils devraient toujours être consommés chauds et bien cuits. Évitez les légumes crus, les produits laitiers non pasteurisés et les fruits que vous ne pouvez peler vous-même. Si vous fréquentez les buffets, vaut mieux y aller dès l’ouverture. Évitez de manger sur la rue en raison des conditions d’hygiène douteuses et des modes de conservation souvent déficients. « Si vous n’avez pas le choix, optez pour des aliments frits ou bouillis. Il n’y a pas beaucoup de bactéries qui résistent à la friture », dit la Dre Dominique Tessier. Faites attention à la vaisselle dans laquelle on vous sert cette nourriture : l’assiette vient-elle d’être lavée dans le seau avec lequel on nettoie tout? Dans les marchés flottants en Asie, il n’est pas rare qu’on rince, à même la rivière, la louche avec laquelle on vous sert la soupe.
Évitez les gros poissons : ils mangent les plus petits et transmettent ainsi plus de toxines. « Récemment, 200 voyageurs ont été intoxiqués en Colombie par une ciguatera, une maladie transmissible par des poissons contaminés », avise la Dre Geneviève Ostiguy. « Dans les pays où sévit la grippe aviaire, ne mangez jamais du poulet rosé ou encore de jaunes d’œuf coulants. Dans les marchés, tenez-vous loin de la volaille. »
Les insectes
Plusieurs maladies telles que la malaria, la fièvre jaune et la dengue sont transmises par des piqûres d’insectes. Certains attaquent le jour, d’autres la nuit ou en tout temps. Dans les zones à risque, utilisez un chasse-moustique à base de « deet 30 % » sur la peau exposée et réappliquez-en aux quatre à six heures. Les marques les plus efficaces sont Ungava ou la solution Watkins.
Lorsque vous dormez dans des hôtels ou des auberges sans moustiquaires, badigeonnez avec de la perméthrine ou de la deltaméthrine un filet moustiquaire que vous installerez autour de votre lit pour empêcher les moustiques de vous piquer pendant votre sommeil. Lorsque vous restez longtemps en zone infectée, il est aussi recommandé de traiter vos vêtements avec ces produits, dont l’effet persiste jusqu’à six lavages. De plus, il est conseillé de porter des chaussures et des vêtements longs aux couleurs pâles. Les couleurs rouge et orange sont à proscrire. Lorsque vous utilisez un écran solaire, appliquez-le en premier, puis étendez l’insectifuge.
Les animaux
« Dans plusieurs pays sous-développés, les animaux domestiques ne sont pas vaccinés contre la rage », signale Geneviève Ostiguy. S’il y a morsure ou contact avec la salive d’un animal (chat, chien, singe, etc.), il faut d’abord laver la plaie avec de l’eau et du savon puis consulter sans tarder un médecin. Dans plusieurs régions du monde, il y a encore beaucoup de décès liés à la rage. « Si vous partez longtemps dans un pays comme l’Inde, vous auriez intérêt à recevoir deux doses de vaccination contre la rage avant votre départ pour éviter de courir après les immunoglobulines dans un délai de 24 heures, car il y a parfois pénuries », avise-t-elle.
Parmi les histoires d’horreur répertoriées, Jo-Anne Hudon-Duchesne raconte celle d’une jeune touriste néerlandaise qui s’est fait égratigner par une chauve-souris en Afrique. Bien qu’elle ait consulté un médecin sur place, celui-ci n’a pas effectué toute la procédure recommandée. Résultat : peu de temps après son retour, elle a développé des problèmes neurologiques et est morte en quelques jours.
Le sable, la terre et le sang
Plusieurs bactéries qui vivent dans le sable et la terre peuvent aussi causer des infections si elles entrent en contact avec la peau éraflée. C’est pourquoi il vaut toujours mieux porter des chaussures.
Quant aux maladies transmissibles par le sang, il suffit d’une quantité microscopique pour vous infecter. « Alors ne croyez pas qu’il sera perceptible à l’œil nu sur cette lame qui vous rasera de trop près en Inde ou encore sur ces instruments de pédicure en Thaïlande », prévient Nancy Lyons. Certains jeunes voyageurs profitent de leur passage en Asie (ou ailleurs) pour se faire tatouer. « Non seulement ces tatous sont souvent réalisés avec des os de poissons ou du corail, mais l’encre qu’ils utilisent comporte une foule de produits toxiques », met en garde Nancy Lyons.
Le sexe et… la route
« Aussi surprenant que cela puisse paraître, 12 % des personnes voyageant seules ont des relations sexuelles non protégées à l’étranger. Le pire, c’est que la plupart d’entre elles ne négligent pas de le faire habituellement. Mais la solitude, l’alcool ou l’euphorie du moment peut leur faire adopter des comportements à risque », dit Dominique Tessier.
Les accidents et les noyades représentent la première cause de mortalité en voyage chez les 20 à 30 ans. À ce chapitre, Geneviève Ostiguy raconte le cas malheureux d’un jeune homme qui s’est retrouvé paraplégique à la suite d’un accident de moto en Thaïlande et qui, après six mois d’hospitalisation, a dû être rapatrié d’urgence au Québec : il n’avait plus d’assurances pour couvrir les frais médicaux. « Cette histoire nous fait prendre conscience qu’il faut non seulement redoubler de prudence sur ces routes, mais aussi qu’il est important de se prémunir d’une assurance qui nous protège plus que la durée du voyage », recommande la médecin.
« Certains voyageurs mettent leur vie en péril juste pour pouvoir cocher dans leur carnet qu’ils sont allés à tel endroit ou encore qu’ils ont accompli tel exploit. Malheureusement, ces intrépides peuvent souffrir tout le reste de leur vie des conséquences de leurs gestes : handicap majeur, maladie chronique ou encore débilitante, voire parfois mortelle », conclut Dominique Tessier. Sans devenir paranoïaque, vaut mieux se préparer avant de partir pour savoir dans quoi l’on s’embarque.
Dengue
Méconnue, la fièvre dengue affecte pourtant plus de 50 millions de personnes dans une centaine de pays du monde. Le virus est transmis par un moustique qui pique surtout le jour en milieu urbain. Ses symptômes : de deux à sept jours de température, courbatures, douleurs articulaires et maux de tête. La convalescence peut prendre entre deux à trois semaines. Dans sa forme sévère, elle se traduit par une fièvre hémorragique qui affecte surtout les moins de 15 ans et les vieillards qui ont déjà été piqués par le moustique. Il n’existe aucun vaccin ni médication préventive contre la dengue. Pour l’éviter, suivre les recommandations pour tenir les insectes à distance.
Malaria (ou paludisme)
La malaria est transmise par un moustique qui pique surtout le soir. Il en existe quatre formes : « La plus fulgurante et inquiétante est causée par le Plasmodium falciparum », précise Geneviève Ostiguy. « Elle peut s’attaquer au foie, au cerveau, aux reins et aux poumons. Elle est débilitante et peut entraîner la mort en 48 à 72 heures ». Une fois le sang infecté, le parasite se multiplie dans le foie et retourne dans la circulation sanguine pour s’attaquer aux globules rouges. Deux autres formes de malaria (Plasmodium vivax et Plasmodium ovale) peuvent rester dans le foie pendant des mois, voire des années, avant de se développer.
En voyage, consultez un médecin dans les 24 heures dès que l’on fait de la température (38,5 degrés Celcius et plus), surtout lorsqu’on voyage en zone de malaria. Un simple examen sanguin permet de la dépister : on peut alors la traiter avant qu’il n’y ait trop de dommages. « Nous disposons d’une médication qui peut guérir toutes les formes de malaria, suffit de pouvoir l’identifier à temps », rassure Geneviève Ostiguy.
Fièvre jaune
Présente dans plusieurs pays africains et sud-américains, cette maladie se propage par un moustique qui pique à toutes heures du jour. Pouvant provoquer une toxicité sévère au foie et au cerveau, la fièvre jaune peut aussi entraîner la mort. Quoi faire si on l’attrape? « Essayez de passer au travers sans avoir trop de séquelles », explique Geneviève Ostiguy. Les personnes les plus vulnérables éprouvent évidemment plus de difficulté à la surmonter. La maladie peut incuber pendant quelques jours avant que les premiers symptômes se fassent ressentir : douleurs musculaires, température, et yeux qui deviennent jaunes. Un simple vaccin peut la prévenir et constitue parfois une condition d’entrée dans plusieurs pays.
Méningite
Essentiellement propagée dans les régions bondées de gens, cette maladie se transmet par les sécrétions respiratoires (salive, éternuements, toux, etc.). Même si on y survit, la méningite peut entraîner des séquelles telles que la surdité, l’amputation des membres ou des troubles neurologiques. « La guérison dépend de la rapidité avec laquelle le diagnostic est effectué et de la disponibilité des antibiotiques… ce qui peut être un problème dans plusieurs pays! », commente Geneviève Ostiguy. Le pourcentage de décès est assez élevé. Quoi faire pour y échapper? Éviter les foules denses et se faire vacciner : il existe désormais un vaccin qui protège contre quatre souches de méningite.
L’hépatite A
Fréquente dans presque tous les pays sous-développés, cette maladie est transmise par l’eau et les aliments. L’hépatite A se caractérise par une période d’incubation qui varie de 10 à 50 jours. Elle peut même passer totalement inaperçue chez certains enfants. On la reconnaît par la jaunisse qu’elle provoque et par des nausées, diarrhées et vomissements. Bien que rarement mortelle, l’hépatite A peut rendre très malade. Certaines formes peuvent également nécessiter une greffe du foie. Les modalités de prévention? Se faire vacciner et suivre les conseils relatifs aux aliments et à l’eau.