Happy Yak : lyophilisation, mon amour
Lancée il y a un an, la compagnie Happy Yak fabrique et vend des plats lyophilisés. Si cette jeune marque québécoise s’est fait connaitre grâce aux aventuriers et aux explorateurs avec qui elle collabore (comme Mylène Paquette), elle vise surtout le grand public amateur de plein air et de bonne bouffe. Entrevue avec les deux fondateurs de la « bête heureuse ».
Comment est née Happy Yak?
Christine Chénard : Je suis nutritionniste. J’ai été approchée il y a une quinzaine d’années par Bernard Voyer pour préparer ses expéditions, au niveau de la logistique alimentaire. Je le faisais dans le cadre de la compagnie pour laquelle je travaillais, le Centre d’innovation technologique en agroalimentaire (Cintech) à Saint-Hyacinthe. Mais comme ce n’est qu’un centre de recherche et non un lieu de production, j’ai demandé la permission de le faire en marge du reste du boulot. Je profitais de leurs installations et notamment des incubateurs industriels. Fin 2012, j’ai décidé qu’après 18 ans, il fallait que je passe à autre chose. Cela faisait plusieurs années que l’on me poussait à créer ma compagnie. Comme je faisais de la montagne, j’avais développé au fil du temps des recettes pour moi, par exemple, des soupes-repas que l’on pouvait manger en altitude. On développait également d’autres mets pour Les Karavaniers. De fil en aiguille, ceux qui avaient voyagé avec eux me commandaient des plats. D'ailleurs, nos plats ont déjà voyagé partout sur la planète : le Pôle Sud, les sommets, le désert, les mers... Happy Yak a officiellement été lancée en mars 2013.
La lyophilisation, c’est quoi?
CC : Il faut bien faire la différence entre la déshydratation et la lyophilisation. La première, c’est le fait de laisser sécher des aliments sous une source de chaleur. L’eau à l’intérieur des cellules va s’évaporer. Cela existe depuis des millénaires. Pour sa part, la lyophilisation est un procédé de séchage à froid : on prend le produit congelé, on le met dans une chambre sous vide, puis on enlève l’air. L’eau passe directement de l’état solide à l’état de vapeur : c’est la sublimation.
Quels sont les avantages de ce procédé?
CC : Cela donne un produit qui garde sa texture quand on le réhydrate, contrairement à la déshydratation où le produit perd de sa consistance. Cela préserve aussi les vitamines, car elles sont très sensibles à la chaleur.
Pourtant, la nourriture lyophilisée n’a pas bonne presse... Comment les gens réagissent-ils quand ils goutent vos plats?
CC : Il y a deux types de réactions : la première, c’est ceux qui n’en ont jamais mangé. Ils comparent l'aliment lyophilisé aux rations militaires de l’armée ou à de la bouffe d’astronautes. Puis, il y a ceux qui goutent nos produits, qui sont surpris et qui disent aimer ça. Il y a un travail de pédagogie à faire, d’éducation auprès des gens qui ne connaissent pas ou qui confondent cette méthode avec la nourriture déshydratée trop sèche qui goute le caoutchouc. Je considère que l’on fait de la bonne bouffe maison, qui s’emporte facilement de surcroit!
Quel est votre plat préféré?
CC : C’est difficile à dire. Cela dépend des situations. Lorsque j’ai fait le mont McKinley, c’était la bataille pour savoir qui allait manger le pâté chinois! J’aime aussi le bœuf mandarin et riz pour le gout sucré-salé : jus d’orange, mandarines et plein de gros légumes dedans! Le festin marocain me plait également, car il est riche en saveur, avec la coriandre et le cumin. Quand j’ai fait une expédition dans les montagnes du Pérou, ça passait très bien au déjeuner. Les gouts changent en altitude : moi, je ne peux pas manger de sucre ou du chocolat en montagne.
Est-ce que vous conseillez différents plats en fonction des lieux de voyage ou des activités?
CC : J’aime bien parler avec nos clients, car on est capable à ce moment-là d’identifier leurs préférences selon leur propre expérience. Au début, on avait de petites icônes en fonction des activités. Mais on a abandonné ce système pour davantage faire du sur-mesure et être à l’écoute des gens qui viennent acheter nos plats. On peut s’adapter et moduler les portions en fonction des besoins des gens. Ils peuvent commander un sac d’une, deux, quatre, six ou douze portions...
Avec quelles organisations travaillez-vous?
Guy Dubuc : Happy Yak a seulement un an d’existence, mais avec un de 15 ans. On ne s’est pas improvisés « cuisiniers de plein air ». En plus des Karavaniers, on travaille avec Attitude montagne, Terra Ultima, Chinook Aventure. On a fait un test cet hiver avec la Sépaq et le parc national des Monts-Valins. Les gens pourront commander nos produits en même temps qu'ils feront leur réservation d’hébergement. Ils pourront les recevoir chez eux ou directement au parc. Il y aura aussi une sélection de nos produits au centre d’accueil pour les acheter sur place.
CC : Sur le même principe du prêt-à-camper de la Sépaq, nous, on fait du « prêt-à-manger »! Quand on voit certains néophytes du plein air, qui débarquent avec leur glacière ou la roulotte, on pense qu’on a tout un marché à nourrir. Et certains endroits de la Sépaq sont plus reculés; on veut faciliter la vie aux gens.
Quel est le but des ambassadeurs de Happy Yak comme Mylène Paquette ou l’équipe de XP Antarctik?
GD : Tester nos repas dans différents endroits du monde. Créer de la visibilité, bien sûr. Mais c’est aussi pour nous un moyen d’aider ces gens qui font des choses extraordinaires. On ne leur donne pas juste de la nourriture, mais également du temps dans tout ce qui touche la logistique alimentaire avec la préparation des menus. On les aide à vivre leurs rêves.
Quel type de consommateurs visez-vous?
CC : Monsieur et Madame Tout-Le-Monde. Des gens qui veulent bien manger, prendre du plaisir en plein air, mais qui ne recherchent pas la rapidité à tout prix. On a des plats « express », mais la majorité de nos mets nécessitent plusieurs minutes de cuisson. On ne fait pas seulement rajouter de l’eau bouillante dans le sac et brasser. On veut que les gens aient aussi le plaisir de cuisiner. On met la préparation dans un chaudron, on ajoute de l’eau et amène à ébullition, on cuit durant deux minutes et on attend environ 10 minutes avant de déguster.
GD : Avoir le plaisir de cuisiner, de sentir les arômes, ça éveille les sens. Le but n’est pas de manger dans un sac, mais bien de partager un vrai et bon repas. Certains vont manger dans le sac pour la rapidité, mais la majorité veut prendre son temps. Il y aussi des gens qui sont venus nous acheter des plats pour en manger pendant leur « soirée paresseuse » à la maison! Tu peux les garder dans l’armoire pendant six mois à deux ans. D’autres en veulent pour leurs parents en manque d’autonomie, pour leur fils ou fille étudiante, pour le mettre dans un thermos et le manger le midi sur le chantier ou encore pour ceux qui n’ont pas de cantine le midi...
Il existe d’autres marques sur le marché, comme Lyo-San. Comment appréhendez-vous la concurrence?
CC : Il y a de la place pour tout le monde. On ne vise pas nécessairement la même clientèle. On veut offrir une alternative aux gens lors de leurs sorties plein air. On aime dire que l’on fait de la gastronomie pratique aux gens actifs. Chacun a ses recettes. Tous les gouts sont dans la nature. On ne veut rentrer en guerre avec personne. Nos canaux de distribution sont différents. Nous, on vend nos produits par Internet pour les particuliers, aux organisateurs de voyage en tant que fournisseur-partenaire d’Aventure Écotourisme Québec (AEQ), aux institutions comme la Sépaq. On a donc déjà pas mal de jeu avec ces trois créneaux.
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happyyak.ca