Suppléments naturels : des ingrédients miracles pour athlètes?
Ils portent des noms exotiques : maca, suma, cordyceps. Et ils viennent de lieux tout aussi exotiques : jungles, hauts plateaux d’Asie, plages d’Hawaï. À en croire leurs adeptes, ils donneraient du tonus aux grands-mères, diminueraient les courbatures ou feraient dormir comme un bébé. Toutes les vertus sont-elles dans la nature? Oui... et non.
Lacey Dumler est entrepreneure et mère d’une petite tornade blonde. À 38 ans, la Montréalaise d’adoption cherchait quelque chose pour se donner un petit « oumph » – un petit remontant – qui pourrait aussi l’aider à stabiliser son taux de sucre dans le sang.
Pendant l’hiver, son thé de chaga – un champignon qui stimulerait le système immunitaire – semble l’avoir aidée à repousser maladies et microbes virulents. Puis, elle a ajouté à son arsenal des cordyceps, alias les « champignons chenilles », reconnus pour donner plus d’énergie, entre autres vertus. « Ça m’aide énormément », dit-elle.
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Depuis plusieurs mois, Lacey note qu’elle a plus d’énergie durant ses entraînements d’escalade. Elle semble aussi capable d’en faire plus et récupère plus vite. « Je peux courir 17 kilomètres, et le lendemain, ça va, je peux continuer », dit-elle. Y a-t-il une corrélation entre la consommation de cordyceps et cet état physique? Elle n’en sait rien. « Mais depuis que j’en prends, je fais plus de course et d’entraînement en général », souligne-t-elle. Les athlètes chinois en consomment depuis longtemps, fait remarquer la jeune femme. Elle n’hésite pas à les recommander – même s’ils sont très coûteux. Étrangement, pour son conjoint, les mêmes « champignons » n’ont strictement rien fait. Placebo, ces suppléments et tous les autres? Pas tout à fait.
Thé de chaga © Shutterstock
C’est là que l’expertise du Dr Peter Jones entre en jeu. Directeur du Richardson Centre for Functional Foods and Nutraceuticals de l’Université du Manitoba, son travail consiste entre autres à se pencher sur l’effet des suppléments naturels. Selon lui, ces produits en valent la peine, « mais de façon conditionnelle », prévient le chercheur. Y a-t-il des études scientifiques qui soutiennent tous les suppléments? « Ma réponse, dans ce cas, c’est non », tranche-t-il.
Plusieurs produits de ce genre se retrouvent sur le marché après des preuves d’efficacité essentiellement anecdotiques. Pour de nombreux suppléments, des recherches ont démontré l’existence de bienfaits, avec des études publiées dans des revues scientifiques reconnues. Même des agences états-uniennes ont collaboré à des études sur des produits naturels comme la rhodiole, par exemple.
Comment s’y retrouver?
Si vous vous retrouvez dans une boutique de produits naturels, le choix de suppléments, d’herbes et autres capsules peut donner le vertige. Et il n’est pas dit que vous réagirez de la même manière que votre ami qui vous a vanté les mérites d’une racine indienne.
« Ce qui fonctionne pour Fred pourrait ne pas avoir le même effet sur Frida », dit Peter Jones. Il semblerait, selon le spécialiste, que des composantes physiques individuelles et génétiques expliqueraient pourquoi tout le monde ne réagit pas de la même façon à chacun de ces produits.
« C’est un peu comme chercher à comprendre ce qui ne va pas avec une auto, quand une lumière s’allume sur votre tableau de bord », explique le chercheur. À cet égard, il recommande de faire des tests génétiques – pour les plus zélés – afin de déterminer à quelle substance chaque personne réagit. Des dizaines d’entreprises le font désormais.
C’est sans compter le marketing. Les champignons sont le plus récent supplément à la mode – on offre entre autres du café intégrant des champignons aux différentes vertus. « Et ça se vend comme des petits pains! », s’exclame Peter Jones. En 2017, c’était l’huile de coco et avant, les oméga-3 et le curcuma.
Ironiquement, les recherches portant sur plusieurs de ces produits existent depuis longtemps. Le Dr Jones attribue la popularité cyclique de certains de ces suppléments à l’intérêt que leur portent les médias – une mention dans une émission de télé aux États-Unis, un gourou qui en prône l'utilisation – et, hop!, une racine, un champignon ou un autre ingrédient naturel devient la « saveur du mois ». Or, quand il y a un tel engouement, les vertus peuvent parfois être exagérées.
Cordyceps © Shutterstock
Quels produits le Dr Jones recommande-t-il? Le café aux cordyceps, les oméga-3, la fève des marais (fève fava, ou gourgane) ou l’huile de coco sont des exemples de produits naturels qui peuvent avoir des bienfaits intéressants pour les athlètes; tout dépend de ce que les sportifs recherchent. Il ajoute qu’il y a parfois une zone floue entre la nutrition et les suppléments.
Santé Canada, de son côté, recommande de se fier aux produits naturels qu’il a homologués (voir notre encadré). Peter Jones y va d’un dernier conseil: « Assurez-vous que l’efficacité de ce que vous prenez repose sur des preuves scientifiques qui proviennent de recherches sérieuses. »
Acheter local, c’est plus naturel
Les promesses des suppléments naturels vous titillent? Peut-être vaut-il mieux les acheter au Canada au lieu d’aller se les procurer en ligne s’ils proviennent d’autres pays. Pour vendre leurs produits ici, les entreprises doivent soumettre certains renseignements – notamment la provenance et le procédé pour la production des suppléments – ce qui n’est pas le cas aux États-Unis, par exemple. Les produits homologués au Canada reçoivent un numéro de produit naturel (NPN) et sont répertoriés dans la Base de données sur les produits de santé naturels homologués (BDPSNH) de Santé Canada. Le gouvernement canadien entend d’ailleurs revoir l’encadrement de ces produits. D’avril à octobre 2017, Santé Canada a mené des consultations auprès de l’industrie et des consommateurs sur les changements qui pourraient être apportés à la réglementation sur les produits d’autosoins, dont font partie les produits naturels.