Conseils santé : La piqûre du voyage
C’est l’un des aspects les moins amusants de la préparation d’un séjour à l’étranger : le moment où vous tentez de savoir à combien d’aiguilles dans le bras vous devrez vous soumettre et combien de pilules vous devrez ingérer pour prévenir tout problème. Comme vaccins et cliniques n’épargnent pas les bourses, Espaces vous propose quelques conseils.
Il y a de ces choses qu’il vaut mieux éviter de ramener de voyage. Typhoïde, malaria, rage, tétanos, hépatite A et B : la liste de ces maladies qui font de très mauvais souvenirs est longue. D’où l’idée de passer par une clinique avant de partir en voyage.
La première chose à faire, avant même d’y mettre les pieds, c’est d’avoir une idée de votre destination, du trajet et du temps que vous passerez aux endroits que vous visiterez. Il sera alors plus facile de déterminer avec l’infirmière ou le médecin ce dont vous avez besoin comme protection. Et la façon de voyager aura aussi un impact sur cette décision : loger à l’hôtel ne pose pas le même risque que de partir en camping.
Un peu de recherche pourra vous aiguiller dans vos choix — et vous pourrez poser des questions plus précises. Avez-vous besoin du vaccin contre l’encéphalite japonaise, ou pas? Votre dose contre l’hépatite A était-elle complète? Et le chikungunya, vous connaissez?
Avoir une idée des périls sanitaires auxquels vous pourriez faire face durant votre voyage vous aidera également. Santé Canada offre certainement de bonnes indications, mais le site Fit For Travel (www.fitfortravel.nhs.uk) — malheureusement en anglais et sans équivalent en français — est une mine d’informations unique en son genre, consulté par de nombreuses cliniques. Vous y trouverez des informations sur 238 destinations, les risques posés et une carte de la distribution de la malaria selon les pays.
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Sous les tropiques
En matière de maladies tropicales, Michael Libman en connaît tout un rayon. Docteur spécialisé en microbiologie, il prend part à la direction de plusieurs associations professionnelles versées en la matière, dont la Société internationale de médecine de voyage et le Centre des maladies tropicales du CUSM. Jusqu’à quel point les connaissances sont-elles pointues d’une clinique à l’autre? « C’est difficile à dire, soupire le spécialiste. Il y a un problème dans le fait que ce genre de clinique n’est pas très bien encadré : vous n’avez pas besoin d’une certification de spécialisation pour en ouvrir une. »
À son avis, les cliniques les plus connues ou encore celles qui sont associées aux institutions universitaires auront des connaissances plus poussées. Il ajoute qu’il faut peu d’expertise pour conseiller quelqu’un qui part une semaine dans un tout-inclus à Cuba, mais pour partir six mois en Afrique, mieux vaut se fier à une clinique réputée pour la spécialisation de ses connaissances.
Certaines cliniques offrent des consultations préliminaires — une discussion téléphonique avec une infirmière par exemple —, d’autres vous feront voir un médecin. Chaque consultation est payante (entre 40 et 55 $), mais le gros de la facture viendra des vaccins. Attention : en consultation, il arrive que les conseils divergent d’un endroit à l’autre, ou encore qu’on ait droit à quelques perles, dans le genre : « en Amazonie, les singes sont mongols », ou « en trekking, il faut toujours suivre la personne la plus grosse », entre autres commentaires déjà entendus (sans rire).
Quoi qu’il en soit, toutes les cliniques devraient vous demander votre carnet de vaccins — où l’aviez-vous mis la dernière fois? Certaines maladies peuvent aussi évoluer d’ici votre départ, selon l’arrivée de la saison des moustiques ou d’une éclosion impromptue, etc. Mieux vaut donc faire une vérification de dernière minute auprès d’une clinique.
La question du budget pourrait peser sur le choix des vaccins. Celui contre la rage s’élève à 600 $, et pour la typhoïde, vous devez débourser au moins 47 $. En ajoutant les consultations, la facture grimpe vite. « C’est presque plus cher que le prix d’un billet d’avion! » s’exclame Julie Brodeur. Auteure, recherchiste et éditrice pour les guides Ulysse, celle-ci connaît bien la routine prédépart. Avec toute sa petite tribu, elle a parcouru l’Asie pendant quelques mois. C’est notamment pour une question de budget que ses enfants ont été vaccinés contre la rage, mais pas les parents. « Ce que j’ai appris d’intéressant, depuis que j’ai commencé à voyager, c’est qu’aujourd’hui, les vaccins ont une durée de vie plus longue, explique l’auteure. Les vaccins contre l’hépatite, c’est à vie. »
Quelques trucs permettent d’économiser ici et là un peu d’argent : le coût de certains vaccins peut être déduit des impôts, d’autres sont couverts par des assurances. Il est parfois possible de recevoir un vaccin sous une forme différente — orale ou sous-cutanée par exemple —, ce qui rend l’opération moins onéreuse.
Rire jaune, petites pilules et autres histoires
Mieux vaut prévenir que guérir, dit l’adage. Mais dans le cas du vaccin contre la fièvre jaune, la chose se complique au Canada depuis plusieurs mois. À l’heure actuelle, il y en a même une pénurie, ce qui amène des cliniques à proposer des doses réduites du vaccin à ceux qui souhaitent visiter des zones à risque. Ces « portions » de vaccin vous protégeront pendant un an, alors qu’une dose complète est bonne à vie. Si vous souhaitez obtenir la dose complète, vous trouverez la liste des cliniques qui l’offrent sur le site canada.ca.
Autre médicament dont l’offre ne répond pas à la demande en ce moment : l’EpiPen, ce tube d’autoinjection pour les personnes souffrant de diverses allergies. Il est toujours pratique d’en avoir au moins un — sinon deux — sur soi; mieux vaut donc, là aussi, se renseigner un peu à l’avance.
Enfin, s’il est un sujet qui fait toujours réagir jusqu’aux bourlingueurs les plus avertis, ce sont bien les (més)aventures avec divers médicaments. Un nom bien connu dans cette catégorie est le Lariam. L’an dernier, le chanteur Stromae a confié avoir souffert d’effets secondaires (lire : il a eu des pensées suicidaires) après avoir ingéré le controversé médicament antipaludéen.
Les anecdotes et histoires cauchemardesques sont nombreuses chez ceux qui l’ont utilisé : sentiment de confusion, profond malaise physique, hallucinations… Interdit dans plusieurs pays, le médicament pourrait bientôt l’être en France; au Canada, il n’est pas en vente et les médecins proposent d’autres options. Julie Brodeur a eu une mauvaise expérience avec le Lariam. Depuis, elle se tient loin de tout médicament contre la malaria. « J’ai décidé d’y aller davantage avec la prévention », précise-t-elle. Après tout, n’est-ce pas ce que font les Chinois depuis des millénaires?
Le mal aigu des montagnes
Vous songez à aller faire une randonnée ou un trek au-dessus des 2000 mètres? Vous risquez d’entendre parler du Diamox — le nom commercial le plus commun pour l’acétazolamide. Plus une personne monte en altitude, plus les globules rouges ont du mal à tirer l’oxygène. Pour ne pas en subir les conséquences, il n’y a que deux solutions : s’acclimater lentement ou accélérer le processus avec des médicaments, comme le Diamox. Dans les faits, les cliniques visitées par Espaces ont systématiquement suggéré cette option, avec des variations sur la dose et la fréquence d’utilisation.
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Il est très difficile de savoir à l’avance comment une personne va réagir à l’altitude élevée. Par contre, quiconque a déjà eu une réaction par le passé risque très fortement de voir le scénario se reproduire.
Guide en haute montagne et auteur d’un ouvrage sur le sujet, Emmanuel Daigle connaît le sujet comme le fond de sa poche. À son avis, les médicaments comme le Diamox ne sont pas nécessaires pour aller en haute montagne : il faut tout simplement prendre son temps en montant.
Pour lui, la meilleure approche, c’est (encore une fois) la prévention : graduellement augmenter l’altitude — entre 300 et 500 mètres à chaque dodo — et rester 48 heures à chaque palier de 1000 mètres. « Ça ne garantit rien, mais tu as beaucoup plus de chances que ton corps ait du temps pour s’adapter à l’altitude », dit-il.
Passer outre à ces précautions, c’est favoriser les éventuelles catastrophes : un œdème pulmonaire ou cérébral peut dès lors se produire, entre autres complications. Emmanuel Daigle s’insurge d’ailleurs contre les expéditions en altitude qui se déroulent en cinq ou sept jours, et qui vont à l’encontre de cette philosophie. « Il faut conscientiser les gens aux dangers pour leur santé », conclut-il.