La chrononutrition : l’art de savoir quand manger et quand bouger
La pandémie a entraîné plusieurs changements dans nos habitudes de vie : exposition réduite à la lumière du jour, réduction de l’activité physique, changements d’horaires pour ce qui est de la consommation des repas et bouleversement des cycles du sommeil.
En vue de contrer les effets négatifs de ces conséquences fâcheuses, la chrononutrition pourrait être une solution pour nous maintenir en santé.
De nombreux processus métaboliques sont influencés par le système circadien, un mot provenant des termes latins circa (qui veut dire « autour ») et diem (qui signifie « jour »). Telle une horloge, le système circadien est régi selon un cycle qui se répète toutes les 24 heures. Ce système comprend une horloge principale, logée dans le système nerveux central du cerveau, et une série d'horloges périphériques, qui se trouvent dans les organes et les muscles.
© Shutterstock
L'horloge centrale est principalement régie par un cycle de lumière-obscurité, et son rythme est influencé par des hormones — comme la mélatonine et le cortisol — ainsi que par la température corporelle. Elle influence elle-même les phases et les amplitudes des horloges périphériques, mais des signaux externes nommés zeitgebers (produits par l’environnement et par nos comportements) peuvent aussi avoir une incidence sur l’horloge centrale.
À lire aussi : Remettre ses pendules (internes) à l'heure par le camping
Étant donné que des stimuli différents définissent les phases des horloges centrale et périphériques, ces deux types d’horloges se désalignent chaque fois que leur zeitgeber respectif n’est pas synchronisé. C’est le cas, par exemple, lorsque nous nous exposons à une lumière vive la nuit, que nous dormons pendant le jour ou que nous mangeons à 3 h du matin. Une perturbation du système circadien nuit au métabolisme et influence négativement la production d’insuline (le sucre dans le sang reste plus élevé) ainsi que le taux de cholestérol sanguin (les triglycérides augmentent), alors que la dépense énergétique diminue tout en augmentant l’appétit, ce qui contribuerait à favoriser le risque de maladies métaboliques; le diabète, l’obésité et les maladies cardiovasculaires, par exemple.
C’est ici qu’intervient le concept de chrononutrition, qui fait référence à la synchronisation de l’acte de manger en fonction des cycles circadiens et qui reflète l’idée de base selon laquelle le moment où nous prenons nos repas est essentiel à la santé métabolique, tout comme c’est le cas pour la quantité d’aliments consommée et leur contenu. Afin de réduire les risques d’avoir des problèmes de santé, le fait de mieux comprendre les rythmes du système circadien pourrait ainsi nous guider sur le moment optimal pour bouger, manger et dormir.
S’exposer à la lumière du jour
© pixpoetry, Unsplash
La lumière est le principal zeitgeber de l'horloge centrale, et tant le moment que l'intensité et la durée de l'exposition à la lumière du soleil sont liés à la santé métabolique.
L’exposition à une lumière vive pendant la journée augmente la sécrétion de mélatonine la nuit, de telle sorte qu’une exposition insuffisante à la lumière pendant le jour peut atténuer le rythme de l’horloge centrale et, par conséquent, altérer le métabolisme.
Modifier les heures de sommeil, même lorsque la durée de celui-ci est maintenue constante, induit également un désalignement circadien. La luminothérapie matinale et des heures de sommeil stables permettraient donc d’améliorer la sensibilité à l'insuline, de réduire l’appétit et d’optimiser la santé métabolique.
Manger plus en début de journée
© Adobe Stock
Chez bon nombre de Nord-Américains, plus d'un tiers de l'apport calorique quotidien est fourni après 18 h. Ce modèle d'alimentation tardive peut conduire à un désalignement circadien et influencer négativement le contrôle de la glycémie. Le métabolisme du glucose n’est pas seulement affecté par ce que nous mangeons et en quelle quantité, mais également par le moment où le repas est consommé.
Des études épidémiologiques ont ainsi démontré que la glycémie suit un schéma circadien influencé par les niveaux d’insuline et de cortisol, et que les repas riches en glucides, s’ils sont pris en début de journée, ont des effets bénéfiques contre le développement du diabète. Des études transversales et expérimentales ont aussi mis en évidence qu’un repas riche en glucides dégusté en soirée augmente davantage la glycémie après le repas — plus qu’un repas identique consommé en matinée.
À lire aussi : Dis-moi ce que tu manges, je te dirai comment tu vas
La plupart des rythmes circadiens sont à leur point culminant en matinée et en début d’après-midi, ce qui suggère que le début de la journée représenterait donc le moment optimal pour manger. Une autre stratégie pour améliorer le contrôle de la glycémie serait de réduire l’apport en glucides et d’augmenter la teneur en protéines et en gras lors du repas du soir, surtout pour les personnes atteintes de diabète. Même l’ordre de consommation des aliments pourrait influencer la glycémie; ainsi, il vaudrait mieux consommer d’abord les légumes, ensuite la viande et finalement les féculents, ce qui s’avérerait bénéfique pour les diabétiques.
Cela dit, la pratique d’activité physique le soir permettrait d’améliorer le contrôle de la glycémie, indépendamment du contenu du repas, et les personnes actives peuvent bénéficier d’un apport en glucides en soirée en vue d’optimiser la récupération du glycogène (le sucre en réserve dans les muscles).
De nos jours, le Nord-Américain moyen répartit ses repas sur environ 12 heures consécutives, tandis que les personnes en surpoids prennent leurs repas quotidiens sur une période pouvant aller jusqu'à 15 heures. Pendant le confinement, alors que la pratique de l’exercice physique est plus difficile, faire passer les périodes où nous nous alimentons de 12 à 14 heures par jour à d’autres de 8 à 10 heures pourrait aider à réduire l’apport énergétique total, à faciliter la réduction de la consommation d’aliments moins nutritifs en soirée (comme les confiseries et l’alcool) et à influencer positivement la santé métabolique. La pratique du jeûne intermittent, qui consiste à limiter l’apport alimentaire à moins de 10 heures par jour, est une autre façon simple d’améliorer la sensibilité à l’insuline, le cholestérol sanguin de même que les signaux de la faim et de la satiété.
Bouger après le repas
© Tomasz Woniak, Unsplash
Une conséquence inévitable du confinement lié à la pandémie : les gens passent plus de temps assis pour travailler devant leur ordinateur et pour regarder la télévision, ce qui mène à une réduction substantielle de la dépense énergétique habituelle.
À titre indicatif, lors du confinement de mars 2020, le nombre de pas quotidiens de plus de 30 millions d’utilisateurs de montres Fitbit a diminué jusqu’à 38 % par rapport à 2019.
À lire aussi : L’activité physique au temps du coronavirus
La sédentarité entraîne plusieurs problèmes de santé, tels que :
- des niveaux plus élevés de cholestérol sanguin.
- une résistance à l’insuline.
- une prédisposition au gain de poids.
À court terme, les régimes faibles en calories peuvent former de bonnes stratégies pour perdre rapidement du poids, mais le risque élevé de se départir à la fois de masse grasse et de masse musculaire est alors bien présent. Non seulement l’exercice peut-il aider à contrôler l’appétit, mais il a aussi une incidence significative sur la composition corporelle en réduisant la graisse sous-cutanée et viscérale, tout en préservant la masse musculaire.
L’amélioration de la qualité de l’alimentation, combinée à une activité physique régulière, constitue sans aucun doute la meilleure approche pour prévenir et traiter les maladies chroniques comme l’obésité et les maladies cardiovasculaires.
Toutefois, le moment optimal pour faire de l'exercice au cours de la journée afin de maximiser les bienfaits pour notre santé est encore inconnu à l’heure actuelle. Cela dit, moins de 40 minutes d’exercice par jour peut améliorer la santé métabolique, et cette amélioration est plus marquée lorsque l’exercice est divisé en trois périodes de 10 à 13 minutes après les repas plutôt que pratiqué en continu.
En résumé...
Le manque d’activité physique ainsi qu’un changement dans les habitudes alimentaires et de sommeil ont des conséquences négatives sur la santé. L'exposition à la lumière vive pendant la journée, la consommation de nourriture surtout en matinée — et sur une période de 10 heures — ainsi que la pratique d’exercice physique après le repas favorisent l'alignement circadien entre les horloges centrale et périphériques.
La chrononutrition pourrait donc jouer un rôle bénéfique dans la prévention et le traitement du diabète, de l’obésité et des maladies cardiovasculaires. Un plus grand nombre d’études sont toutefois nécessaires pour déterminer si les interventions qui améliorent l'alignement circadien ou qui influencent le système circadien peuvent effectivement prévenir ou inverser les maladies métaboliques.