L'école en voyage... avec 9 enfants!
Qui ne rêve pas d'une salle de classe avec vue sur les pyramides d'Égypte ou carrément sur une banquise en Arctique? Chez nous, nos neuf enfants ont troqué leur chaise contre une selle de vélo ou un dos de cheval!
Les cours de récréation de nos petits aventuriers s’agrémentent d'un château de sable sur une plage ou d’une balade à dos de dromadaire. Dans l'avion, ils rédigent leur première page de journal. Dans les dernières, nous y lisonsde la sagesse entre les lignes et de la maturité entre les mots. Comment y arrive-t-on? Combien de temps y consacrent-ils? Et surtout, qu’en pense la loi québécoise?
Selon la législation de la province, le voyage ne doit pas avoir pour conséquence de créer des lacunes ou un retard dans la scolarité de nos petits. D’après le Code civil du Québec, L.Q. (art. 599 et 601), « les parents ont le droit et le devoir de procurer une éducation à leur enfant ». Dans l’article 15, on y lit : « Est dispensé de l'obligation de fréquenter une école l'enfant qui reçoit à la maison un enseignement et y vit une expérience éducative qui (...) sont équivalents à ce qui est dispensé ou vécu à l'école. »
Avant de partir, il faut d'abord informer l'école de notre projet. Puis, plusieurs possibilités s'offrent aux instructeurs-parents-voyageurs : pour de courts séjours, la méthode unschooling favorise l'apprentissage en fonction du vécu de nos écoliers curieux. Au pied des Pyramides de Gizeh, ils ont appris l'histoire des temps anciens. « Nous avons assistéà un cours en accéléré lors de la révolution en Égypte en février 2011. De tels évènements prennent une autre signification après les avoir vécus. Quelles leçons de politique, de sociologie et d’histoire pour nos jeunes! Ils comprennent la structure d'un gouvernement démocratique ou totalitaire; ils connaissent le rôle de l'armée et la définition du mot solidarité »,raconte Pierre Dury, le père de mes enfants.
Pour de longs séjours, nous avons opté pour une formation par correspondance. Le Centre National d'Éducation à Distance (C.N.E.D) couvre toutes les matières, le suivi des devoirs et les examens. Guillaume et son frère Jean-Cristoph ont été admis à l'université avec ce diplôme. Au Québec, le Cégep Maisonneuve offre aussi des cours à distance. Lors d'un voyage de trois à six mois, nous choisissons plutôt −pour certaines disciplines −des livres de maison d'éditions spécialisées reconnues par le Ministère. Nous complétons, pour les autres sujets, par une approche d'apprentissage par thèmes permettant de couvrir des connaissances tirées à partir du vécu. Par exemple, à cheval, dans les ruines de Copán (Honduras), un guide nous explique la triste histoire des Mayas anéantis par les conquistadores. Génial!
Le temps consacré à l'enseignement académique structuré varie. Environ quatre heures réparties en deux blocs de deux heures tôt le matin et en fin de journée. En réalité, les enfants de l'école buissonnière passent beaucoup plus de temps à apprendre : ils sont constamment témoins d'évènements qui viennent se greffer à leur bagage culturel. Au Nicaragua, Charles visitait une culture d'hévéa, où le latex est récolté en vue de fabriquer le caoutchouc. Il a observé le cytoplasme couler de la saignée de l'arbre. Guillaume et Louis-Philippe, après avoir nagé avec des dauphins sauvages dans la mer Rouge, s'inscrivaient à un cours de plongée en eau libre. Au milieu des coraux multicolores, des poissons-clowns et des poissons-lions, ils obtiennent leur certification PADI.
Enseigner à des enfants de différents niveaux reste toute une gageure. « C’est un défi de discipline et de constance! », ajoute Pierre Dury. La recherche du matériel pédagogique est primordiale. Il faut tout préparer d'avance, être à l'affût des opportunités, les exploiter et les orienter. Ces situations exaltantes stimulent le besoin de s'exprimer des jeunes. En tant que parents-professeurs, nous dirigeons cette expression vers l'écriture et la communication orale avec une pensée structurée. La tête encore fébrile, nos filles se jettent sur leur journal. Avec leur fusain, elles dessinent des croquis des gobies et ophiures vus dans la mer Rouge.
Avantages
Une éducation expérientielle, remplie d'aventures, motive nos jeunes et augmente la compréhension. Le besoin encourage l'apprentissage et favorise l'acquisition. Il décuple nos sensations engourdies par la routine. Les difficultés sont travaillées individuellement. D'autres matières se greffent à leurs bagages comme la confiance en soi et le respect des autres. Le parent a également le loisir de décider quoi enseigner : tenir un budget ne fait pas partie du programme du Ministère, mais demeure primordial dans notre vie d'adulte. Dormir à la belle étoile, au milieu du Sahara, amène des questions philosophiques. Ces moments de félicité nous rapprochent les uns les autres.
Inconvénients
Se métamorphoser en professeur devrait être une tâche naturelle. Mais cela peut générer des émotions ou des impatiences. Notre souci de bien faire, d'exiger trop ou pas assez risque de paralyser nos élèves. Les motiver à travailler n'est pas toujours évident. Sur le bord d'une plage, sous les palmiers, à 30 degrés, la dictée doit se donner quand même! Délaisser les éléments que nous jugeons facultatifs demeure un risque.Qui aime insister sur l'imparfait du subjectif? « Je voulais qu'ils prissent leurs décisions de travailler par eux-mêmes et qu'ils me plussent et m'épatassent davantage! » Mais l'idée ne plaît pas à tous. D'autress'inquiètent de la sociabilité de nos jeunes. L'école en voyage implique de laisser les proches et d'aller à la rencontre des autres et d'établir de nouvelles connaissances.
Retour en classe
Les petits voyageurs réintègrent leur groupe sans souci. En face d'eux : un tableau où défilent mille et un paysages en rêve. Le professeur les ramène vite à la réalité. Au moment de leurs tests, nous savons que l'essentiel ne se quantifie pas. L'autonomie, la confiance en soi et la soif d'apprendre ne s'évaluent pas. L'important germera plus tard. Ces aventures changent nos jeunes. Ils sont plus outillés devant leur avenir. Sac au dos, nos aînés se sont dirigés vers l'université. Les voyages ne remplaceront jamais le puits de savoir qui s'y trouve. Les chaussures de Jean-Cristoph lui font mal aux pieds. Il semble victime, pour quelques jours, du syndrome de l'aborigène en ville. Il vient d'échanger la liberté contre une vie au rythme effréné. L'aisance de la vie citadine cache un piège : celui du tourbillon de l'horaire chargé entre l'école, les examens et le travail. Nos enfants assoiffés d'apprendre, se lamentent du rôle passif, rigide et strict qu'on donne aux étudiants et au mode d'enseignement « papier crayon ». Ils se plaignent de la forme d'interrogation testant la mémoire et non le savoir-faire! L'aîné poursuit sa maîtrise en entomologie tropicale au Panama. Le troisième a préféré continuer avec un programme par correspondance : « Je n'ai pas besoin qu'on me lise ce qui est écrit mot par mot, je suis capable de le faire moi-même! » Avec le temps, un effet magique opère sur eux. Ils s'adaptent. D'autres projets se dessinent pour eux. Ils découvrent vite l'appel vers de nouveaux horizons.
Références
• Loi de l'instruction publique : http://www2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/
• Objectifs du primaire et du secondaire : mels.gouv.qc.ca/scolaire/educqc/systemeScolaire/
• Matériel didactique approuvé par le Ministère : http://www3.mels.gouv.qc.ca/bamd/menu.asp
Association pour l’école à la maison
Site sur l'École à la maison : http://pages.infinit.net/touze/ecolemaison.html
Association Québécoise pour l'Éducation à Domicile : http://www.aqed.qc.ca/
Programme par correspondance
Programme de France avec correction et diplôme : www.cned.fr/
Cégep Maisonneuve, programme par correspondance : www.cegepadistance.ca/
Sites de familles expérimentées
• Famille Lavoie-Roberge : voilierbalthazar.ca
• Famille Mailhot-Manny : pages.infinit.net/vlimeuse
• Famille Giguère-Bourassa : catmousses.ca
• Famille Dury-Leclerc : familleavelo.muvmedia.com/familleavelo