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  • Crédit: Nathalie Fortin

Nathalie Fortin : atteindre de nouveaux sommets

Au mois de mai dernier, Nathalie Fortin partait à la conquête de ses deux premiers sommets de plus de 8 000 mètres : les Gasherbrum I et II. Dans les hauteurs du Pakistan, les conditions météorologiques l’ont contrainte à rebrousser chemin. Mais elle revient comblée par l’expérience.

Au mois de mai dernier, Nathalie Fortin partait à la conquête de ses deux premiers sommets de plus de 8 000 mètres : les Gasherbrum I et II. Dans les hauteurs du Pakistan, les conditions météorologiques l’ont contrainte à rebrousser chemin. Mais elle revient comblée par l’expérience.

« Juste de savoir que je peux faire de la haute montagne à nouveau, pour moi, c’est mon sommet », commente celle qui a été clouée au lit pendant plusieurs mois en raison de graves problèmes de dos en 2007. Après un an de tentatives de réadaptation avec des spécialistes en tout genre, une nouvelle technique de décompression vertébrale lui a permis de recommencer à rêver. Peu de temps après son rétablissement, un alpiniste rencontré sur l’Aconcagua lui proposait une expédition sur les Gasherbrum I et II en 2010. « Peu d’expéditions sont organisées au Pakistan et c’était un rêve pour moi d’essayer un 8 000 mètres. C’était une offre exceptionnelle que je ne pouvais refuser », dit-elle.

Après trois mois de préparation et d’entraînement intenses et parfois difficiles (elle s’est cassé deux orteils deux mois avant le départ), elle s’envolait pour le Pakistan. « Moi qui pensais ne plus pouvoir partir en expédition, voilà que je me retrouvais dans le Karakoram au Pakistan devant plusieurs des plus belles montagnes au monde! »

Le Karakoram est un massif montagneux situé à la frontière du Pakistan, de l’Inde et de la Chine. Il s’étend sur plus de 500 kilomètres et compte cinq sommets de plus de 8 000 mètres. « On dirait que les montagnes sont empilées les unes sur les autres tellement il y en a. Ça donne des idées de projets pour la vie! C’est encore plus majestueux qu’au Népal », relate l’alpiniste qui a gravi l’Ama Dablam en 2006.

Cette année, le but de l’expédition de 40 jours était de gravir le Gasherbrum I (8 068 m) et II (8 035 m). La première étape à franchir est les 80 kilomètres de marche pour se rendre du village d’Askole (3 100 m) au Camp de base (5 100 m). « Dès le départ, tout était magnifique. Je me disais que ça devait être la plus belle vallée au monde », raconte l’alpiniste. L’expérience culturelle l’a aussi marquée : « Tout est différent de ce qu’on nous présente dans les médias. L’hospitalité des Pakistanais a été remarquable. Pour une fille, je ne savais pas à quoi m’attendre. Ils étaient vraiment curieux de nous connaître et ils ne cessaient de prendre des photos de nous. Mais ce qui m’a le plus marquée, c’est leur esprit communautaire », dit-elle.

L’équipe dont faisait partie la Québécoise fut la première à arriver au Camp de base où la température varie de 30 degrés le jour à -15 degrés la nuit. Une fois sur le glacier, la météo dicte l’horaire et l’ascension débute dès que c’est possible. « Mon acclimatation ne s’est pas faite aussi rapidement que celle des autres membres de mon équipe. Après ma première ascension au Camp 1 (5 900 m), je suis redescendue au Camp de base reprendre mes forces, alors qu’une partie de l’équipe fixait les cordes en direction du Camp 2 (6 400 m) », relate l’ingénieure de 42 ans.

De retour au Camp de base, plusieurs équipes d’un peu partout sur la planète s’étaient installées et Nathalie Fortin en profita pour socialiser : « J’ai eu la chance de rencontrer des gens extraordinaires, en particulier des Tchèques, des Polonais et des Néo-Zélandais. J’ai eu beaucoup de plaisir à apprendre sur la culture de l’alpinisme dans leur pays et je me suis fait d’excellents contacts pour mes futures ascensions ». Avec plus de 15 années d’expérience en escalade de glace et 10 ans d’alpinisme, Nathalie Fortin compte à son palmarès le mont Blanc en France (4 807 m), plusieurs 6 000 m au Pérou et l’Aconcagua (6 960 m) en Argentine.

Mais au Pakistan, les conditions météo se font attendre. « Les fenêtres de beau temps sont de très courte durée dans le massif du Karakoram. Les équipes sont constamment en contact avec des compagnies météorologiques spécialisées. Les alpinistes qui reviennent des camps plus élevés donnent des renseignements sur la condition de la montagne. Au Camp de base, tout le monde s’échange les informations afin de maximiser les chances de réussite. »

Le temps s’écoule et l’alpiniste décide de monter seule au Camp 1 afin de poursuivre son acclimatation. « Il m’a fallu beaucoup de courage pour prendre cette décision. Il est tellement plus agréable de partager ce genre d’expérience avec un partenaire ». Le lendemain, elle se rend même au Camp 2 en solo.

Quelques jours plus tard, elle retourne au Camp 2, mais cette fois-ci avec des Tchèques. Les dangers de la montagne se font sentir : le brouillard, le vent, la visibilité réduite et la neige qui recouvre les crevasses. Un collègue fait une chute dans une crevasse de cinq mètres avec plus de peur que de mal.

La neige continue de tomber et le temps file. « Mon permis d’ascension tirait à sa fin et il n’y avait pas de possibilité de le prolonger. J’ai alors pris la difficile décision de quitter la montagne ». Les astres n’étaient pas alignés, mais ce n’est que partie remise.

Est-elle déçue ? « Pas du tout. Je n’en retire que du positif. Je regardais les montagnes et je n’y croyais pas d’être là, alors que j’ai été alitée pendant sept mois. J’étais enfin de retour dans mon élément. J’ai rencontré des gens formidables qui m’ont véhiculé une telle énergie. J’ai vécu la culture pakistanaise et j’ai appris à mieux me connaître », raconte celle qui a recommencé à rêver. « Bien sûr, j’aurais aimé faire le sommet et aller au bout de mes capacités, mais je suis allée au bout des possibilités. C’est aussi ça, la beauté de la montagne. L’important c’est l’apprentissage qu’on peut en faire. »

L’ingénieure, conseillère en environnement pour la défense nationale, compte bien retourner au Pakistan un jour, mais « il y a tellement de montagnes, que j’aimerais en essayer d’autres. C’est un pays si particulier, si différent, si beau, et en même temps difficile d’accès. Je me sens privilégiée d’y être allée ». La prochaine fois, elle utilisera l’expérience acquise lors de ce périple pour atteindre le sommet : « Je resterais plus longtemps avec un permis d’ascension plus long afin d’augmenter mes chances d’avoir la fameuse fenêtre météo. Je me préparerai aussi plus spécifiquement pour la haute montagne. »

L’expédition de Nathalie Fortin lui aura couté environ 15 000 $ en plus de sept à huit semaines de vacances. L’alpinisme est souvent une question de synchronisme et de budget. « Et tu ne connais pas toujours les gens avec qui tu fais équipe. Dans la mesure du possible, je m’arrangerais pour y aller avec un partenaire qui a de l’éthique et que je connais bien. On est toujours plus fort à deux. »

 

          

 

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