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  • Crédit: ÉDITIONS JCL

Surviethon : au gré de la nature

Au premier jour du Surviethon, André-François Bourbeau et Jacques Montminy ont mis toute leur énergie et leur temps à allumer un feu en frottant du bois. Une fois la célébration de cette épreuve réussie, à la tombée du jour, il ne leur restait guère de temps pour cueillir du bois et construire un abri. Ils s’installèrent près du feu sur quelques minces branches de sapin en guise de lit. Nous les rattrapons ici le matin du deuxième jour…

JOUR 2

Je me réveille en sursaut. Quel cauchemar, ces fourmis qui me dévorent vivant! Où suis-je? Ah oui, en forêt! Ce ne sont pas des fourmis qui me mordent, mais plutôt des mouches noires. Je jette un coup d’œil à ma montre : 7 h 37.

Le feu se meurt. Je l’attise en essayant de ne pas réveiller Jacques. Comment peut-il dormir si mal installé? Je ne réalise pas tout de suite que j’ai subi le même sort : couché sur un mince tapis vert tout bosselé par les branches et les cailloux qu’il recouvre, la tête proche du feu, plus basse que les pieds! Le thermomètre indique 9 °C, mais l’indicateur minimum-maximum montre que la température a baissé jusqu’à 1 °C. Un seul degré de moins et c’était le point de congélation! Iln’est guère surprenant que nous ayons eu si froid! Nous pouvions bien nous lever toutes les 20 minutes pour alimenter le feu!

Mes bottes sont encore humides. Je n’ai pas eu le temps de les mettre à sécher hier soir. Je les place près du feu, mais un de mes lacets s’enflamme. Bravo! J’ai encore les pieds gelés, mes bottes sont mouillées, mon lacet brûlé et mes bas ratatinés!

Je me palpe le front et le derrière des oreilles. Mes doigts ne rencontrent que des piqûres enflées et croûteuses. Je regarde le derrière des oreilles de Jacques. C’est affreux, répugnant. Heureusement, nous n’avons pas de miroir! Jacques se réveille.

- Bonjour! As-tu bien dormi?

- Fantastique, mieux que chez moi, merci!

- J’ai gelé un peu... et puis chauffer le feu, ce n’est pas drôle. L’épinette brûle trop vite et le gros bouleau pourri boucane sans brûler; il n’y a pas de juste milieu.

- Je sais. Et en plus, c’est dur de dormir avec un mouchoir sur le visage. Et ça ne sert à rien; on dirait que j’ai des piqûres par-dessus mes piqûres.

- Moi aussi.

- Ouais. Je vais essayer d’établir le contact avec la station.

- O.K.

Jacques tente, sans succès, d’établir un contact radio. Trop d’interférence... Voilà que je ne trouve plus la clef qui me sert de couteau. Je l’avais pourtant bel et bien piquée dans ce peuplier! Après quelques minutes de recherche improductive, je me rends à l’évidence qu’elle est perdue. Jacques m’annonce qu’il a égaré son trousseau de clefs au complet. Ça va bien, ce matin!

En désespoir de cause face aux mouches noires, j’étale de la résine de sapin sur ma figure, mon cou et mes mains pour recouvrir ma peau d’une sorte de vernis. C’est pire que de la colle. Voilà que j’en ai partout, non seulement sur la peau, mais aussi sur mes vêtements, dans la barbe, dans les cheveux. Je frotte de la terre noire sur la résine pour l’empêcher de coller. Je dois avoir fière allure! Tant pis, j’essaierai tous les trucs qui pourraient aider un tant soit peu.

8 h 45. Ilest temps de quitter cet incubateur à mouches. Ilfaut trouver un endroit plus venteux et moins humide. Nous avons décidé de suivre le ruisseau boueux vers l’étang que nous avons cru apercevoir un peu plus loin. Il mène sûrement à un lac. 

Je ne sais trop comment m’y prendre pour transporter le feu, car il n’y a aucun champignon polypore dans les parages. Quel dommage qu’il n’y ait pas non plus de cèdre dont je pourrais utiliser l’écorce pour expérimenter ces fameux « fire bundles » que décrivent les livres de survie! En désespoir de cause, je placerai donc mon feu dans une vieille souche pourrie et je soufflerai dessus en m’en allant.

Très vite, nous arrivons àun étang d’eau stagnante, d’un noir d’encre. Pas de castor. Nous continuons... Nos bottes sont vite trempées, mais c’est le moindre de nos soucis; en ce moment, on s’en fiche éperdument.

Le thé du Labrador et d’autres broussailles emmêlées rendent la marche pénible et ralentissent notre progression. À9 h 23, ànotre grande satisfaction, nous découvrons un nouveau lac en forme de cigare, plus grand que le premier. Mais attention! Le tison semble vouloir s’éteindre.

- Vite, Jacques, apporte-moi de l’écorce de bouleau!

Désespérément, nous tâchons d’enflammer le petit tison qui persiste. Nous soufflons, soufflons et soufflons, mais il est trop tard. Malheur! La dernière petite lueur rougeâtre pâlit et meurt. C’est le vide total... (…)


Surviethon au gré de la nature
Éditions JCL / 1988 / 408 pages

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