François-Guy Thivierge au sommet de El Capitan à Yosemite
L’extase d’atteindre un sommet n’est pas moins grandiose quand le chemin parcouru pour y arriver n’est pas celui qui était escompté. L’alpiniste François-Guy Thivierge l’a compris en se mesurant à l’immensité du mur vertical que représente le El Capitan, figure emblématique du parc national de Yosemite, en Californie.
Le grimpeur de Québec est passé par toute la gamme des émotions avec le colossal Big Wall d’un kilomètre purement vertical du Capitan, dans le cadre de son projet de parcourir 55 montagnes en 55 mois.
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Sachant que les plus grosses structures rocheuses du genre au Québec font à peine plus de quelques centaines de mètres, Thivierge savait pertinemment qu’il s’en allait se frotter à un monstre.
François-Guy Thivierge et Jeff Rivest © Courtoisie François-Guy Thivierge
D’autant plus qu’en 2011, le grand aventurier avait vécu une scène dramatique sur une autre montagne de cette région, le Half Dome. Deux Autrichiens avaient filé devant Thivierge et son compère d’escalade de l’époque pour tenter de battre une marque de vitesse. L’un d’entre eux avait chuté et trouvé la mort au pied de la montagne.
« C’était un film d’horreur dans ma tête pendant un moment, mais il ne faut pas s’arrêter pour autant. Ma témérité a diminué avec l’âge, mais j’ai toujours eu l’attirance de retourner dans le Yosemite pour gravir un Big Wall », fait valoir celui qui ne recule devant rien.
Toute une technique
Un grand mur comme le Capitan n’a évidemment rien d’une douce balade en montagne. Avec son compagnon d’armes Jeff Rivest, Thivierge a méticuleusement préparé l’expédition au pays des séquoias.
« La technique est complètement différente, avec des gros sacs et poulies. On avait 90 kilos à soulever, dont 30 litres d’eau et cinq jours de nourriture. On traînait trois sacs attachés comme des wagons de train.
« Le premier de cordée grimpe une longueur de corde avec les équipements et installe des ancrages. Le deuxième va monter sur les cordes puis enlever les ancrages et doit monter le plus vite possible pour aider à hisser les sacs. Il y a 30 longueurs de corde, donc quand tu regardes ça d’en bas, tu te dis que ça n’a pas d’allure ! », explique le routier des montagnes sous toutes leurs formes.
Avis à ceux qui sont aux prises avec des vertiges, les deux grimpeurs devaient aussi dormir à bord d’un portaledge, une sorte de hamac rigide accroché à la grande paroi et suspendu dans le vide.
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« C’est capoté pas mal ! Tu dors bien parce que tu es tellement fatigué, mais c’est spécial quand même. C’est comme perdre connaissance », rigole Thivierge.
Quand Dame Nature s’en mêle
Pour braver le Capitan par la mythique voie The Nose, Thivierge avait donc prévu cinq jours d’ascension très physique et technique. Le premier jour a permis de monter cinq longueurs de corde, tandis que le deuxième était consacré à hisser les sacs.
Les troisièmes et quatrièmes jours se déroulaient à bon rythme avec deux dodos dans les hauteurs et le vide, mais vers la mi-parcours, à une hauteur de 500 m, dame Nature a contrecarré les plans.
Une tempête hivernale s’est annoncée et il devenait impensable d’aller plus loin. La voie s’est vidée rapidement de tous ses grimpeurs.
Thivierge et son acolyte n’ont eu d’autre choix que de se résigner à atteindre le sommet par une autre voie d’accès plus rapide.
« On n’était pas à l’aise de prendre l’engagement dans ces mauvaises conditions. Déjà, notre vie tient à un fil quand on grimpe le El Capitan. Quand survient un événement météorologique qui peut te faire basculer vers la mort, il faut prendre la bonne décision. On ne serait jamais sortis à temps de la voie. C’est une belle leçon de sagesse. Il faut être téméraire, mais jusqu’à une certaine limite », réfléchit l’alpiniste.
Belle récompense
Même si le tandem n’est pas parvenu au sommet tel qu’anticipé par la légendaire voie du Nose, le sentiment du devoir accompli était au rendez-vous.
« Je le vois comme une aventure réussie, plutôt qu’un échec, même si ce n’était pas la voie que je voulais emprunter.
« Il y avait une certaine amertume, mais c’était quand même le bonheur de pouvoir atteindre le sommet. Ce n’était pas comparable au Nose, mais la route était grandiose. Les vues étaient spectaculaires. Dans un tel voyage, le but principal demeure toujours de revenir vivant. C’est un apprentissage très enrichissant », conclut celui qui ne lâche jamais vraiment le morceau.
« Je n’écarte pas la possibilité d’y retourner un jour », laisse-t-il planer.
El Capitan en chiffres
© Unsplash
- Altitude : 2307 m
- Pays : États-Unis
- Région : Parc du Yosemite, Californie
- Première ascension : 1958
- Ascension : 1000 m
- Durée : 5 jours
Pour suivre ses aventures : francoisguythivierge.com, Facebook et Instagram