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  • © Fionn Claydon, Unsplash

L'escalade atteint des sommets de popularité au Québec

Conquérir le vertical aura rarement été aussi populaire au Québec. Or, si l'intérêt pour l’escalade grandit à vitesse grand V, des douleurs de croissance viennent aussi avec cet engouement. Petit portrait de ce sport dont la popularité grimpe sans cesse.

Ceux qui pratiquent l'escalade l'auront remarqué : les sites québécois n'ont jamais été aussi achalandés, et ce, pour toutes les disciplines. Qu'ils choisissent l'escalade traditionnelle, sportive ou de bloc, les adeptes sont en effet de plus en plus nombreux à tâter du caillou dans la province. Pour un sport qui était encore étiqueté comme extrême ou marginal il y a 10 ans à peine, c'est un sacré changement.

Qu’est-ce qui a donc permis de faire carburer cette croissance inédite ? D’abord l’accessibilité : les centres d'escalade ont poussé comme des champignons au Québec ces dernières années, suivant la tendance nord-américaine. Ensuite, il ne faut pas oublier l'effet « Olympiques », qui aura donné une visibilité incomparable au sport depuis les Jeux de Tokyo, en 2021.


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Au cours des dernières années, Hollywood et les plateformes d’écoute en ligne ont aussi normalisé cette activité en présentant une poignée de films et de documentaires — notamment Free Solo et The Dawn Wall — qui mettent en vedette des grimpeurs. C’est sans compter que l'escalade est l’un des sports qui auront, en quelque sorte, bénéficié de la pandémie : l'activité a été autorisée par le gouvernement, car il est facile de respecter la distanciation physique quand on est sur un mur ou sur une paroi.



Les nombreux confinements et reconfinements ont même généré des scènes encore jamais vues de mémoire de grimpeur. Des sites d’escalade de bloc connus d'une poignée de personnes ont été pris d'assaut et le stationnement de petits centres de grimpe a souvent débordé de véhicules, alors qu'en temps normal, ces lieux sont fréquentés par une dizaine de sportifs.

Le coronavirus n'a même pas été un frein pour quiconque a voulu s'initier à la pratique. Mikael Fleury Larocque fait ainsi partie de ceux qui ont adopté l'escalade en pleine pandémie. Quand un collègue l'a emmené dans un centre de Boisbriand, le coup de foudre a été instantané pour lui. Depuis, dès que ces centres ne sont pas fermés pour des raisons sanitaires, il s'y rend deux fois par semaine, en plus de pratiquer la grimpe à l’extérieur aussi souvent que possible. Ironiquement, ce résident de Blainville a peur… des hauteurs. « J'aime sortir de ma zone de confort; la raison principale pour laquelle je fais de l'escalade, c'est que ça me challenge au complet! » lance-t-il en riant.

Une communauté grandissante


Festiroc 2018 © Page Facebook de la FQME

Le nombre de nouveaux adeptes de la grimpe est cependant difficile à quantifier, et on ne trouve aucune statistique fiable sur le sujet au Québec. En 2021, la Fédération québécoise de la montagne et de l'escalade (FQME) a néanmoins observé une hausse de 20 % du nombre de ses membres, lequel s’établit aujourd’hui à 8 000, soit le double d’il y a trois ans (même si une partie de ces nouveaux adhérents pratique surtout le ski de montagne, également sous la houlette de la FQME). Selon le directeur général de l’organisme, Éric Lachance, un des facteurs importants qui expliquent cette croissance tient à la multiplication des salles de bloc : « Je pense que les gens réalisent que c'est un sport qui est accessible et qui n'est pas dangereux », dit-il.

Les propriétaires de centres d’escalade ont aussi constaté cet intérêt croissant pour le sport. Déjà, avant la pandémie, les salles étaient bien remplies chaque soir. Malgré la situation sanitaire complexe, l'équipe du gym Délire, à Québec, a décidé d’aménager un mur extérieur dans la baie de Beauport, en 2021, avec une cinquantaine de problèmes; une première au Québec, mais un risque calculé, selon l’un des copropriétaires de l'entreprise d'escalade, Vincent Légaré, qui était convaincu que les grimpeurs allaient être au rendez-vous.


© Page Facebook de Delire Escalade

Celui-ci dit d’ailleurs avoir constaté une évolution dans la mentalité de la clientèle qui fréquente ses salles. « Les gens qui viennent grimper ont intégré le sport à leur horaire, note-t-il. Ce n'est plus une activité ponctuelle; ils font de l'escalade comme ils font du vélo, de la course ou de la randonnée ».

Quel avenir pour le sport ?

Comme c’est le cas pour les marchés après une forte croissance, doit-on s’attendre à voir retomber cette popularité? Loin de là : selon certains, on n'a vu que le début de cette vague! « Des villes, des écoles veulent avoir leur mur d'escalade », indique Éric Lachance, ce qui amènera encore plus de jeunes à s'intéresser à ce sport, d’autant plus que les programmes de sport-études se multiplieront. « Plus il y va y avoir de l'offre, plus la demande va être là », ajoute le directeur général de la FQME. D'ailleurs, l'offre commerciale ne semble pas vouloir s’essouffler non plus : au moins deux nouvelles salles d'escalade devraient voir le jour à Montréal sous peu, des projets annoncés par Allez Up.



Du reste, force est de constater que le caillou est offert en quantité limitée dans la Belle Province verticale. Certes, il y a encore des parois à développer, mais la plupart de celles qui sont situées autour des grands centres urbains l'ont déjà été. C’est sans compter que la difficulté d'accès — dans les Laurentides et les Cantons-de-l’Est, notamment — empêche théoriquement les grimpeurs d'aller jouer sur certains morceaux de roche, ce qui risque d'entraîner une pression sur les sites déjà populaires. L'accès à ces lieux peut d’ailleurs se révéler fragile; parlez-en aux grimpeurs de Québec. Un site de la région, celui de Val-Bélair, a dû être fermé en raison du comportement déplacé de quelques personnes, qui y allumaient des feux nocturnes ou y faisaient jouer de la musique trop fort.

Pour l’heure, la FQME mise sur la sensibilisation et l'éducation, non seulement pour discipliner les grimpeurs, mais aussi pour leur faire connaître d'autres sites, dans le but d'éviter la congestion ou les comportements problématiques. C'est un peu le mandat de la FQME : « Montrer aux grimpeurs qu'il y a de beaux sites près de Montréal, Québec ou Sherbrooke... mais qu’ils ne sont pas collés dessus non plus », souligne Éric Lachance.

Pour sa part, même si sa pratique de l'escalade est assez récente, Mikael Fleury Larocque compte bien continuer à grimper les murs pendant plusieurs années. « Je vois ça vraiment à long terme, dit-il. Au moins jusqu'à ce que j’aie de l'arthrite… »


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Ça tire fort vers le haut au Québec!


© Page Facebook de la FQME

Si l’escalade est de plus en plus populaire, ce qui fascine également, c'est que le niveau des grimpeurs semble avoir suivi la tendance à la hausse partout au Québec. En escalade sportive, la cote 5.14 était jugée mythique au début des années 2000. Avance rapide en 2021 : une demi-douzaine de grimpeurs québécois peuvent désormais enchaîner une voie de cette difficulté lors d'une fin de semaine à la météo clémente.

En bloc aussi, on tire fort vers le haut. Par exemple, le grimpeur Yves Gravelle a établi, à l'automne 2021, un problème qu'il a coté V15, soit le plus difficile au Québec, voire au pays. À titre indicatif, il y existe moins d'une cinquantaine de problèmes cotés V16 dans le monde, et seulement deux problèmes V17, qui n’ont été établis qu’une seule fois pour l'heure. Partout ailleurs sur le territoire québécois, d'autres combattants du vertical ont multiplié les problèmes avec des difficultés très élevées.



Félix Gendron, préparateur physique en escalade et entraîneur professionnel depuis 10 ans, a remarqué ces changements, même auprès de sa clientèle. « Quand j'ai commencé à entraîner des gens, j'avais quatre ou cinq personnes qui grimpaient 5.14 parmi mes clients, observe-t-il. Maintenant, plusieurs dizaines d’entre eux peuvent le faire ».

Plusieurs éléments expliquent ces performances à la hausse, d’après lui : une multiplication des centres d’escalade, qui sont plus attrayants qu'auparavant; l'offre de problèmes de meilleure qualité; un plus grand nombre d'espaces adaptés à l'entraînement spécifique; et plus d'entraîneurs compétents. N’oublions pas la technologie : il est désormais facile de savoir ce qu'il faut faire dans tel ou tel problème; il suffit de sortir son téléphone de sa poche. Idem pour trouver de l'information sur l'entraînement, puisque tout se fait maintenant en quelques clics. Selon Félix Gendron, il ne faudra donc pas s'étonner de voir encore plus de grimpeurs mutants au cours des prochaines années.


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