La météo sous la loupe : prévisions ensoleillées avec résultats nuageux?
Est-ce que les prévisions météo se réalisent? Notre journaliste a analysé un mois de prévisions pour le savoir. La météo est l’un de nos sujets de conversation préférés entre amis, avec la coiffeuse, le facteur, etc. Mais elle jouit néanmoins d’une mauvaise réputation quant à la fiabilité des prévisions des météorologues. « Ils se trompent tout le temps! » clament certains. Cette triste renommée est-elle méritée? Nous avons suivi un mois de prévisions pour le savoir.
Au Québec, c’est Environnement Canada, MétéoMédia et son pendant anglophone The Weather Channel (actionnaire minoritiaire de MétéoMédia) qui sont les sources de pas mal tous les annonceurs météo. Notre résultat : sur les 72 prévisions faites pour la journée du lendemain par ces trois organismes (24 jours d’analyses), 71 % des prévisions se sont révélées correctes, 19 % partiellement correctes (légères différences n’affectant pas la prévision d’ensemble) et 10 % incorrectes (importantes différences). Et entre ces trois sources, c’est The Weather Channel qui arrive en tête avec 19 prévisions correctes, 4 partielles et 1 mauvaise, mais talonné de près par MétéoMédia (17-5-2) et Environnement Canada (15-5-4).
Des statistiques de fiabilité très honorables, confirmées par les principaux intéressés : « Notre système de vérification et de compilation des données météorologiques nous montre que nos prévisions sont bonnes à plus de 90 % pour le lendemain et 80 % pour les 48 prochaines heures », affirme René Héroux, météorologiste chez Environnement Canada. « Plus l’échéance est éloignée, plus le degré de précision diminue et la marge d’erreur augmente ». Même son de cloche à MétéoMédia selon le météorologiste Didier Robert-Lacroix qui travaille pour la chaine de télévision québécoise : « La fiabilité est très bonne sur le court terme, sauf en cas de tempêtes. Les prévisions restent assez bonnes pour le troisième jour. Sur le plus long terme, les détails sont encore incertains mais on est capable de dégager une tendance générale. Au-delà de sept jours, cela devient plus chaotique. Ce n’est pas du hasard, mais on n’en est pas loin! »
Comment expliquer ce sentiment largement partagé par le public que les prévisions météo, c’est un peu comme l’horoscope, avec les météorologues dans le rôle des astrologues, devins ou autres diseuses de bonne aventure? Plusieurs explications sont possibles. Tout d’abord, les mauvaises nouvelles font toujours meilleure recette que les bonnes. On parle toujours des trains qui arrivent en retard, jamais de ceux qui sont à l’heure. Il en va de même pour la météo : on se souviendra toujours des mauvaises prévisions au détriment de toutes les autres qui sont correctes. Parce que la pluie aura gâché notre journée, faute d’avoir pris son imperméable ou son parapluie. Nous avons donc une mémoire sélective!
Orage, ô désespoir!
Statistiques et palmarès climatiques au Québec et ailleurs > La ville la plus froide du Canada est Yellowknife (Territoires du Nord-Ouest) avec -4,6 °C de température moyenne annuelle. Également la ville la plus froide de l’hiver, avec -28,9 °C de température moyenne la nuit, entre décembre et février. > La ville la plus froide du Québec est Sept-Îles avec 0,8 °C de moyenne annuelle, soit la cinquième ville la plus froide du Canada. > Le 3 février 1975, la localité de Snag (une dizaine d’habitants à l’époque, aujourd’hui ville fantôme) dans le Yukon, détient le record de la température la plus basse jamais enregistré au Canada : -62,8 °C. > La température la plus basse jamais enregistrée dans une zone habitée en permanence a été mesurée en 1926 à Oymayakon (800 habitants), en Russie, avec -71,2 °C. Un pays qui compte aussi la ville la plus froide du monde : Yakouskt (270 000 habitants) et des températures en hiver oscillant entre -40 °C et -50 °C. > À Montréal, la température la plus basse jamais enregistrée a été de - 37,8 °C, le 15 janvier 1957. La température la plus élevée a été de 37,6 °C, le 1er aout 1975. La température moyenne maximum est de 26,2 °C, au mois de juillet. Celle minimum atteint -14,7 °C en janvier. > La ville de Saguenay, et surtout les arrondissements Chicoutimi et Jonquière, est la capitale canadienne de la poudrerie, avec 31 jours. > Selon une étude du ministère du Développement durable de l'Environnement et des Parcs du Québec, l'ouest du Québec méridional s’est réchauffé de 1 à 1,25 °C entre 1960 et 2003. > Si vous voulez vivre l’été le plus chaud du Québec, aller à Sorel-Tracy, avec 25,28 °C de température moyenne le jour, entre juin et août. Sources : Environnement Canada, ministère du Développement durable de l'Environnement et des Parcs du Québec, MétéoMédia. |
Comment se détermine une prévision météo? « En trois étapes, répond René Héroux. D’abord, l’analyse de données recueillies dans des stations terrestres, par satellites, par des radars météorologiques de télédétection ou par ballons sonde, nous renseignent sur l’atmosphère : le vent, la pression, la température et l’humidité. La deuxième étape, c’est le diagnostic pour comprendre ces données. La dernière étape est le pronostic météorologique, grâce aux modèles numériques. Un programme informatique très puissant qui effectue des milliards de calculs à la seconde, qui va simuler le comportement de l’atmosphère dans les heures et les jours à venir. Dans un monde idéal, ces prévisions seraient parfaites. Mais ce n’est pas le cas! » Pourquoi? Parce que l’atmosphère est un élément dynamique, en perpétuel changement. « La couverture géographique pour recueillir ces prévisions est parcellaire, poursuit René Héroux. On ne peut pas installer des stations à tous les kilomètres. Donc notre connaissance de l’atmosphère à un certain temps donné n’est pas parfaite. Et à mesure que nous extrapolons nos prévisions dans le temps, la marge d’erreurs et d’imprécisions augmente, car d’autres phénomènes climatiques ont pu se produire entre-temps ». La science météo requiert donc autant la connaissance humaine que l’analyse mathématique de la machine. Une collusion qui peut expliquer une différence de prévisions entre Environnement Canada et MétéoMédia pour une même journée. L’agence gouvernementale utilise uniquement le modèle numérique canadien dans l’analyse informatique des données atmosphériques, tandis que MétéoMédia utilise indifféremment plusieurs modèles (canadien, américains, européen) selon la pertinence des prévisions passées. Ainsi, si les données de base sont les mêmes, car fournies à tous par Environnement Canada, l’interprétation et donc les prévisions pourront être différentes.
Autre facteur important dans l’incertitude des prévisions : l’élément géographique. « À MétéoMédia, nous faisons des prévisions à l’échelle du pays, mais beaucoup d’effets climatiques se jouent à une échelle plus locale, particulièrement au Québec avec des microclimats fascinants, indique Didier Robert-Lacroix. Selon que vous êtes sur le versant nord ou sud d’une montagne ou d’une rive à l’autre du fleuve, la météo peut varier. Cela demanderait beaucoup de temps de faire des prévisions ciblées et très localisées. C’est un luxe que nous ne pouvons pas nous permettre, car nous sommes bien obligés de livrer une prévision pour le lendemain. »
Enfin, le choix du vocabulaire qui peut s’avère parfois hasardeux et même obscur pour décrire la météo. Dans un domaine pourtant scientifique, il est étonnant de voir se glisser une aussi grande part de subjectivité et d’imprécisions. Que veut dire concrètement « ciel variable »? Comment faire la différence entre « partiellement ensoleillé » et « partiellement nuageux »? Il est donc nécessaire d’être pédagogue sur les termes, autant pour les experts que pour les non-initiés. C’est particulièrement vrai pour réussir à décrypter correctement la notion de probabilité de précipitations, souvent l’objet de railleries et d’incompréhension. « Pour une prévision d’une région donnée, si l’on dit 40 % de probabilité d’averses en fin de journée, on devrait se dire : “J’ai 40 % de chances de me faire mouiller en fin de journée”. En revanche, une faible probabilité de précipitations n'indique aucunement qu'il fera soleil. Ça signifie uniquement que la probabilité de pluie ou de neige est faible », explique René Héroux.
On est donc encore loin de pouvoir prédire, à la seconde près, le début et la fin d’une averse – comme le faisait Emmet « Doc » Brown dans Retour vers le futur 2, lors d’un voyage temporel... en 2015! La réalité n’a pas (encore) rattrapé la fiction. La technologie a pourtant beaucoup progressé depuis une vingtaine d’années, avec l’ère de l’informatique et du numérique. « L’amélioration des prévisions météorologiques est liée à l'augmentation de la capacité de calcul des ordinateurs, explique Didier Robert-Lacroix. Les modèles numériques se sont complexifiés et les approximations tendent à diminuer, mais ce n’est pas une science exacte et la météo ne pourra jamais être à 100 % parfaite. Et on aura toujours besoin de l’expertise humaine, ne serait-ce que parce que la machine peut parfois se mettre à déconner! »