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  • Crédit: YiAN Kourt

Sébastien Lazure : un champion cultivé maison

À la force de ses doigts, Sébastien Lazure est devenu le nouveau champion canadien de bloc. Il a bien voulu nous dévoiler les secrets de son entraînement, de ses performances et le futur de son sport.

Je rencontre Sébastien Lazure dans ce qui pourrait être sa deuxième maison. Non seulement il étudie au Cégep André-Laurendeau, mais c'est également ici que se trouve le gymnase d'escalade Vertical, l'endroit où il s'entraîne, travaille et grimpe. Bref, là où il est devenu, petit à petit, un champion d'escalade.

Cheveux courts, sourire timide, à 21 ans, Sébastien Lazure est aujourd'hui le champion canadien de bloc – ce type d'escalade qui se pratique sans harnais et sans corde, sur de faibles hauteurs, mais avec des degrés de difficultés élevés. Sa « victoire » au Tour du bloc a été en demi-teinte : il a terminé troisième, derrière Sean McColl et Alex Johnson. Le premier est Canadien, le second Américain. Sébastien Lazure a néanmoins remporté le titre de champion canadien grâce aux points qu'il avait amassés durant toute la saison. « Je suis vraiment content, c'est comme un but que je voulais atteindre depuis que je suis petit », dit-il à propos de son nouveau titre.

Si certains grimpeurs développent une impressionnante musculature, le jeune homme, lui, est tout en longueurs. Des veines saillantes sur ses avant-bras trahissent cependant ses capacités, et les muscles se manifestent lorsqu'il grimpe. « Grimper » est d'ailleurs un verbe assez relatif : il semble plutôt flotter sur les prises de problèmes complexes – d'où son surnom « Helium boy ».

C'est à neuf ans qu'il tâte ses premières prises d'escalade. Peu de temps après, il commence à s'entraîner sérieusement. Sous la tutelle de Mélissa Lacasse, il développe ses capacités et se fait vite remarquer sur le circuit des compétitions. Il attribue sa progression rapide au fait d'avoir grimpé tôt avec des adultes : « Quand j'ai commencé, j'étais le seul jeune. Comme je n'avais personne d'autre avec qui grimper, j'essayais les problèmes durs que les adultes faisaient. »

Pour devenir un champion, il a « mangé » beaucoup de plastique : « C'est sûr qu'il y a probablement un peu de génétique. Mais je ne l'ai pas si naturellement que ça, il faut que je travaille fort. Si j'arrête de m'entraîner un peu, je vois que mes performances diminuent. »

Il n'est donc pas si loin du commun des mortels! Pour maintenir sa forme, il suit un entraînement intensif, rigoureux et constant. Le lendemain du championnat canadien, il était de retour au gymnase pour faire des tractions lestées et des renforcements de doigts. Deux fois par semaine, il s'entraîne avec l'équipe du Vertical, le reste du temps, il grimpe seul. « Des fois, il faut que Mélissa me restreigne! »

La partie la plus dure de l'entraînement, c'est l'aspect mental, dit-il : « C'est probablement là où le trophée aide. Ça donne un peu plus de confiance. Mais je pense que c'est avec la pratique et les compétitions que ça vient. » Selon lui, il est au sommet de sa forme en ce moment : « J'ai senti une progression. Je me sens bien quand je grimpe, les mouvements coulent mieux, ma gestuelle s'améliore. »

Sébastien Lazure dit aimer la compétition, un environnement où voir d'autres personnes bien grimper le motive. Depuis 2004, il fait partie du circuit, si bien qu'aujourd'hui, il a presque une centaine de compétitions dans le corps, et de nombreuses places sur le podium.

Crédit: Christian LévesqueMais il ne s'est pas contenté de faire de belles performances à l'intérieur. Selon le site Web 8a.nu – qui fait le classement de grimpeurs inscrits, Sébastien Lazure se classe deuxième au Canada dans la catégorie du bloc. Sa fiche est impressionnante : durant un voyage récent de quelques jours aux Gunks, dans l'État de New York, Sébastien Lazure a enchaîné deux V10 à vue – c'est-à-dire sans aucune information préalable, simplement en regardant les prises avant de compléter le problème. Plusieurs grimpeurs rêvent de faire un V10 au cours de leur vie! Le jeune homme a aussi ajouté de nouvelles voies au site de Val-David, dans les Laurentides, notamment le premier V12 de la région. Sébastien serait également le grimpeur de bloc le plus fort du Québec – il est le seul à avoir enchaîné un problème coté V14, sans oublier la demi-douzaine de V13 qu'il a déjà au compteur. « Chaque fois que tu fais un nouveau niveau, dans le fond, on dirait que tu te rends compte que l'autre n'est pas si loin que ça. Surtout en grimpant avec du monde plus fort, j'ai l'impression qu’il n’y a pas une grosse différence entre un V14 et un V15. »

À l'heure actuelle, la cote V15 est la plus élevée dans le sport. Pourtant, le jeune homme pense que c'est à portée de main pour lui : « J'en ai travaillé quelques-uns, mais pas assez longtemps. Je pense que ce serait faisable à plus long terme. Éventuellement. »

Durant ses voyages, il a pu passer du temps avec des gros noms du sport. « J'ai eu la chance de grimper avec certains d'entre eux, comme Paul Robinson. C'est assez motivant, mais tu vois qu'eux le font à temps plein et c'est probablement ce qui fait la différence. » A-t-il l'impression de stagner au Québec, là où les problèmes difficiles viennent en quantité limitée? « Peut-être un peu, pour ce qui est de l'escalade à l'extérieur. » Il songe d'ailleurs à voyager en Europe, en Suisse plus précisément, où se retrouvent de nombreux problèmes exigeants. Mais tout dépend en ce moment de la grève étudiante – qui n'était pas encore réglée au moment de mettre sous presse.

Le futur

Son objectif, pour 2012-2013, sera de continuer dans le monde de la compétition, là où il peut se dépasser. Plus tôt cette année, il a fait quelques incursions dans de grosses compétitions aux États-Unis, comme le Dark Horse Series, qui se tenait à Boston cet hiver. Le style américain n'est pas tout à fait son genre, avec de gros mouvements dynamiques sur de bonnes prises : « Ils aiment ça avoir un spectacle, que les pieds partent, que tu doives faire des mouvements en campus, c'est une escalade plus gymnastique. Les premières fois que j'allais là-bas, je me faisais ramasser, c'est là que j'ai vu que je devais travailler là-dessus », explique Sébastien Lazure, lui qui a tendance à faire des mouvements plus statiques. La suite? La Coupe du monde de bloc, où les grimpeurs « sont tous des machines, ça fait un peu peur! » Des machines nommées Nalle Hukkataival, Daniel Woods et Killian Fischhuber. Bref, la crème de l'escalade. Sébastien Lazure compte se frotter à eux plus souvent. « J'ai déjà fait quelques étapes à Vail, au Colorado, et Canmore, en Alberta, mais j'aimerais éventuellement aller voir en Europe. » Il songe notamment aux championnats du monde d'escalade, qui se tiendront à Paris cette année, « pour aller voir d'autres styles. »

Mais il ne se sent pas prêt à faire le saut et s'établir ailleurs pour son sport. Pour l'instant, l'école et la famille le retiennent ici. « Pour l'instant! » précise-t-il. Le jeune Lazure aurait envie de vivre de l'escalade, de devenir un athlète professionnel. « Mais en ce moment, c'est assez difficile », explique-t-il. À l'heure actuelle, trois commanditaires le soutiennent : « On a de la misère, au Canada, à avoir de l'aide. Il faut que je paie même pour ma camisole de l'équipe canadienne! » Il admet cependant qu'il trouve l'exercice de marketing difficile, alors qu'il peine à se vendre auprès des compagnies.

Selon lui, les athlètes doivent être encadrés dans une structure. Faute de quoi, les grimpeurs qui veulent devenir professionnels doivent travailler ou étudier, sans pouvoir uniquement vivre de leur sport. « Les grimpeurs de France ont des physiothérapeutes pour les masser. On n’en est pas là! » Mais professionnel ou pas, il aimerait vivre de son sport jusqu'à sa retraite. 

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