Une randonnée ratée, est-ce vraiment possible?
La vue du coucher du soleil à partir du sommet de Baldpate Mountain est magnifique. J’essaie de l’admirer, d’être dans le moment présent et d’en profiter. Mais je sais qu’il nous reste 2,3 milles de marche sur un sentier pas facile pour se rendre à notre emplacement de camping. Et que cette section du sentier des Appalaches, dans le Maine, avec ses forêts denses et accidentées, ne nous offre pas de lieu propice pour monter la tente dans l’éventualité où nous voudrions nous arrêter plus tôt. Même pas un tout petit carré entouré de roches et d’épinettes.
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Je me résous donc à l’idée que nous marcherons dans la noirceur. Je n’aime pas randonner à la lampe frontale. Non seulement ça m’enlève le plaisir de voir la nature qui m’entoure, mais je trouve ça stressant. Est-ce que je vais manquer un embranchement et prendre le mauvais sentier? Est-ce que je vais me planter dans une section difficile? Sans compter ma peur irrépressible des ours...
Grafton Notch State Park © Adobe Stock
Je mets ces émotions de côté et me concentre sur le but de la journée : me rendre au site de camping d’arrière-pays d’East Baldpate. J’essaie de ne pas ruminer de pensées négatives, mais c’est difficile… Pourquoi mon chum a-t-il planifié cette randonnée de trois jours de telle sorte que nous sommes arrivés très tard au point de départ, dans le parc de Grafton Notch? Pourquoi nos lampes frontales sont-elles si peu puissantes? Et pourquoi n’avons-nous pas dormi dans l’abri qui se trouvait à mi-chemin lors de la montée?
Après le sommet, nous pénétrons dans une forêt de conifères si dense que les faibles lueurs de la fin du jour disparaissent complètement. Je n’ai pas le choix, j’allume ma frontale. Je précise que celle-ci a été choisie selon le critère principal du randonneur longue distance, c’est-à-dire son poids (26 grammes). Sauf qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas en train de faire l’entièreté du sentier des Appalaches, mais plutôt une petite section de trois jours. Au lieu d’une frontale trois fois plus lourde (82 grammes) mais produisant 300 lumens, j’ai droit à 10 fois moins de puissance (30 petits lumens), juste assez pour maintenir allumée mon attitude positive.
Image d'illustration © Adobe Stock
Nous avons franchi environ la moitié des 2,3 milles qui nous séparent d’un souper et d’un dodo sous la tente. Les piles de la frontale de mon conjoint lâchent. « Pas grave, dit-il, je vois bien dans la noirceur. » D’accord. Petit serrement au ventre, car je sais que les piles de ma frontale ont le même âge que les siennes. Nous continuons, lentement mais sûrement. Je fais mentalement le tour du contenu de mon sac à dos. J’ai des piles additionnelles, donc pas de souci. Immanquablement, ma lampe flanche quelques minutes plus tard. Le nouveau défi du jour : trouver et installer de minuscules piles dans l’obscurité. Le soulagement du jour : mon porte-clés comporte une petite lumière DEL.
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Avec une petite frontale pour deux randonneurs, nous réussissons enfin à trouver l’intersection pour le site de camping sauvage. Nous montons la tente rapidement sur un bel endroit très plat, nous mangeons à la hâte en nous nous couchons. Durant la nuit, la pluie commence, une grosse pluie froide d’automne bien soutenue. Au petit matin, nous réalisons que notre site est l’endroit parfait pour accumuler de l’eau sous la tente… Celle-ci flotte et nos sacs de couchage ont bien absorbé le tout. Nous déjeunons dans notre petit milieu humide à nous, en vérifiant la météo pour les prochains jours : on annonce de la pluie forte pour le reste du séjour. Sécher les sacs de couchage ne sera pas simple…
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La classique conversation du couple de randonneurs s’amorce. « Toi, qu’est-ce que tu veux faire? Garder le même itinéraire et espérer pour le mieux, ou changer les plans et rebrousser chemin? » La beauté de la randonnée, c’est la liberté. On peut choisir son chemin, faire de nouveaux plans selon notre état d’âme ou la situation. Ce matin-là, l’humeur du couple allait plutôt vers le retour à la voiture et un repas chaud dans un village. Peut-être une randonnée d’une journée le lendemain, après une nuit au sec?
Est-ce que cette randonnée a été un échec? Pas la meilleure planification, c’est sûr. Je n’ai pas pu faire la traversée que j’espérais. Mais chaque sortie en montagne est unique, elle a son histoire à elle avec ses mésaventures et ses beaux moments, en proportions variables. Et tout bien réfléchi, chaque heure passée en montagne, en forêt, en nature est précieuse. Même si la randonnée ne se déroule pas comme prévu.
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