Longue rando: à quand plus de flexibilité pour dormir dans les parcs nationaux?
Comment concilier les imprévus de la longue randonnée avec les impératifs de réservation des sites de camping? Notre collaboratrice s’interroge sur l’à-propos de règles d’hébergement strictes sur des itinéraires qui ne méritent rien de moins que de la flexibilité.
L’été dernier, j’ai eu la chance de marcher 350 km sur le Sentier International des Appalaches (SIA), entre le parc national Forillon et la réserve faunique de Matane, en Gaspésie. Même si une centaine de randonneurs se sont procuré le passeport Grande randonnée cette année-là, cette longue marche demeure une expérience solitaire.
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Lorsqu’on croise quelqu’un après six ou sept heures seul en forêt, on jase généralement un peu, avant de poursuivre sa route. Puisque j’ai entrepris le sentier dans la direction inverse de la très grande majorité des randonneurs, j’ai pu échanger avec plus d’une quarantaine d’entre eux. Et presque tout le monde a fini par aborder un sujet en particulier : celui des réservations à l’avance des sites de camping.
Tous ces grands randonneurs s’entendent en effet sur cet irritant : il faudrait que les parcs nationaux de la Gaspésie et Forillon trouvent un système plus flexible pour accommoder ceux qui s’attaquent au SIA, alias le GRA1. En effet, l’exigence de réserver à l’avance les nuitées de camping est incompatible avec la réalité des grands randonneurs. Avec tous les imprévus liés à la météo, le ravitaillement, les blessures mineures, la fatigue et autres ennuis inopinés, il est impossible de prévoir entièrement l’itinéraire au jour le jour. Si le randonneur connaît sa date de départ, confirmer des mois à l’avance que le 19 août prochain, il dormira assurément au camping du Kalmia, ça relève plutôt de la fiction.
De l’avis de plusieurs, cette pratique est presque impossible à respecter, et elle n’est pas du tout souhaitable non plus. Un des attraits de la longue randonnée, c’est justement de jouir de cette liberté immense de marcher en montagne et en forêt au rythme propre à chaque nouvelle journée. De décider de prendre un jour de repos lorsqu’on souhaite profiter de la mer ou qu’on est épuisé, tout simplement. De se taper une grosse journée de 25 ou 30 km (ou plusieurs grosses journées de suite) parce qu’on déborde d’énergie, là maintenant.
Pire : il arrive que cette contrainte pousse les randonneurs à prendre des risques plus grands que nécessaire. Hugo Drouin, un marcheur de la région de Québec, raconte ainsi qu’il terminait la traversée de la réserve faunique de Matane lorsqu’il a appris qu’on annonçait des orages sur les sommets exposés des monts Collins et Matawee. Il aurait préféré pouvoir retarder son itinéraire pour laisser passer le mauvais temps, mais faire preuve de prudence l’aurait rendu « illégal ». « Avec une journée de retard, l’effet domino m’aurait privé d'hébergement légal pour les six jours suivants dans le parc national de la Gaspésie. »
Parc national Shenandoah © Sallie Zhang, Unsplash
Ailleurs qu’au Québec, dans des parcs nationaux depuis longtemps sillonnés par des sentiers de longue randonnée bien fréquentés, on a trouvé des façons de respecter le mandat de conservation des lieux tout en favorisant la marche au long cours. Par exemple, le long du Sentier des Appalaches des États-Unis, les parcs nationaux Shenandoah (Virginie) et des Great Smoky Mountains (Tennessee et Caroline du Nord) demandent simplement aux randonneurs de s’auto-enregistrer à l’entrée et à la sortie du parc. Ils peuvent ensuite camper sur les sites désignés à cette fin durant la traversée des parcs. En France, le GR10 traverse le parc national des Pyrénées, et les autorités ne demandent pas de permis particulier, mais les GRdistes ne peuvent camper à moins d’une heure d’un accès routier et ils doivent avoir démonté leur tente avant 9 h du matin.
Le GR10 en France © Adobe Stock
La grande randonnée en est encore à ses débuts au Québec, et on commence à peine à réaliser tout son potentiel de contribution à la vitalité des régions. Mais au fur et à mesure qu’elle gagne en popularité, les sites et organismes visés (réserves, parcs nationaux, etc.) devront s’adapter. D’ici là, les randonneurs devront faire comme moi, dans le parc national de la Gaspésie, et expliquer à la préposée qui a vérifié mon permis, sur le site de camping de l’arrière-pays : « Oui, je sais, je suis arrivée 24 heures plus tôt que prévu… »
Mais pas d’inquiétude : ce soir-là, avec l’esprit d’entraide qui anime les randonneurs, tout le monde sur place m’a offert avec enthousiasme de partager sa plate-forme de camping…
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Depuis quelques années j'ai le SIA en tête, mais plus je regarde comment fonctionne le tout et moins j'ai envie de le faire :(
Pourquoi est-ce si compliqué? On va pas se taper une longue randonnée pour se casser la tête, on va là pour vivre une expérience dans la forêt!
Vivement que le Québec copie les USA! Ça fait un bail que ça existe et c'est bien rodé et ça semble très bien fonctionner.
D'ici là, ce ne sera certainement pas le SIA que je vais faire lorsque j'aurai accès à mon congé différé. Il y a d'autres endroits au Canada qui sont bien moins compliqués!
En espérant qu’ils comprennent un jour l’idée de la longue randonnée et la philosophie des longs randonneurs… plusieurs font ça! Justement pour ne pas se casser la tête et vivre ces aventures au gré du temps et du moment présent.