Un ultramarathon… mais pourquoi?
En parallèle des nombreux événements de courses qui fleurissent au Québec, se développent également les ultra-marathons; ces courses aux distances d’au moins 50 kilomètres… et souvent beaucoup plus! Pourquoi ce type d’événement se multiplie-t-il? Qu’est-ce qui plait à ces coureurs d’endurance?
L’ultra-marathon n’est pas une discipline sportive uniforme : elle renferme de nombreuses réalités. C’est un nom un peu fourre-tout où l’on retrouve aussi bien les courses de sentiers (trail) comme les 65 km de The North Face Ultra Trail Harricana de Charlevoix (UTHC) ou le Vermont 100 Mile Endurance Run (160 km) aux États-Unis, des épreuves sur route comme la Course Trans-Montréal (60 km qui traversent l’île de Montréal d’ouest en est) ou encore des ultra-marathons intérieurs (comme les 50 km organisés sur des pistes d’athlétisme à Québec, Sherbrooke et Montréal). Le plateau des courses est large, avec des distances et des temps d’épreuves différents; des parcours et des terrains variés; des courses avec ravitaillement, en semi-autonomie ou en autonomie complète. Chaque course d’ultra a son identité propre, une signature unique et attire des publics et des coureurs différents.
La force de l’ultra, c’est que tous les coureurs peuvent trouver chaussure à leur pied. Mais, encore faut-il être prêt à subir le défi physique et endurer le défi mental. Sylvain Burguet en sait quelque chose. Fin octobre 2013, il a couru 246 km (soit la distance de six marathons!), de Montréal à Québec, en 41 heures : « Plus que la performance sportive, je voulais sortir de ma zone de confort pour voir ce qu’il y a après, découvrir qui l’on est véritablement au fond de soi. L’ultra, c’est une culture du dépassement. On ne peut pas tricher sur son état de forme, ou jouer un personnage. On joue cartes sur table ». José Nicolas dit la même chose, lui qui est coureur et directeur de la Trans Gaspesia 2014, une nouvelle épreuve de course à pied (la première du genre par étapes au Canada) de 280 km à faire en sept jours… en autonomie totale : « Sur le parcours d’un ultra, on est seul avec soi-même. Il n’y a personne à blâmer. On est le seul responsable de son état, mais c’est dans la difficulté que naissent les souvenirs impérissables... »
« L’Homme a la capacité d’accomplir beaucoup de choses », estime Sébastien Roulier, coureur d’ultra depuis deux ans et vainqueur de la Cat 50 miles Trail Race, un 80 km à Ipswitch, Massachusetts, avec un nouveau record de l’épreuve (6 h 10:54). « Mais cela demande une bonne dose de motivation et une force mentale bien développée. »
Est-ce accessible à tout le monde? La plupart des participants interrogés répondent par un « oui, mais… ». Oui, le monde de l’endurance est à la portée de tous les coureurs. Richard Ferron, un coureur d’ultra-trail québécois qui a participé avec son ami David MacDonald, en septembre 2013 à la Gore-Tex Transalpine Run, une course de 260 km en huit étapes, dans les Alpes d’Europe en est convaincu : « Les courses d’ultra sont pour tous les publics, à condition d’être suffisamment entrainé et préparé. Au niveau amateur, il y a une grosse composante de marche, contrairement à l’élite qui vise un temps précis ou une place précise sur la feuille de résultats. » Mais… il faut se donner les moyens de réussir. Cela demande rigueur, investissements et discipline personnelle. « Il faut être dédié à cela. On ne se s’improvise pas coureur d’ultra quelques jours avant la course. C’est un projet qui doit s’étaler sur du long terme. Il faut être rigoureux et investi », dit Sylvain Burguet. Même discours chez Sébastien Roulier : « Courir un ultra demande une part de folie. Il faut vraiment avoir l’envie de courir 80 km, mais aussi un aspect réfléchi en ce qui concerne la préparation physique et mentale ». Pas de demi-mesure pour ce type d’effort.
L’autre facteur qui explique le développement de l’ultra-marathon, c’est le fait que ces courses marquent une évolution naturelle dans la progression du coureur. Peut-être qu’en commençant à courir un 5 km, on ne s’imagine pas en faire plus. Pourtant, au fil des pas et des sorties, le goût pour la chose vous poussera à en faire plus : 10 km, 15 km, un demi-marathon (21 km) et enfin le marathon. De l’avis de tous, la distance du 42,195 km reste un moment clef dans la vie d’un coureur. On se souvient de la date, du lieu et du temps de son premier marathon. Mais, pour certains coureurs, cette étape, aussi importante soit-elle, n’est pas une fin en soi, mais le départ vers de plus longues distances. Comme l’explique Sébastien Côté, directeur général de l’UTHC : « En course, le sentiment d’accomplissement est vite atteint. On veut toucher au plus près les limites de notre corps et de notre mental ». On comprend mieux pourquoi le mot qui revient dans la bouche de tous les ultra-marathoniens, c’est le dépassement de soi. Une fois la barrière du marathon tombée, la nature humaine vous pousse à chercher de nouveaux défis. Alors, pourquoi ne pas s’inscrire sur un 50 km ou un 50 miles (80 km)? « Comme coureur, on est toujours dans la recherche de l’après, confie Richard Ferron. On veut toujours aller plus loin, plus haut, plus fort. Avec la popularité croissante des marathons, une frange des coureurs veut pousser plus, courir de plus longues distances ». Les épreuves d’ultra ont donc surfé sur l’augmentation de participation aux marathons. « On peut se représenter le monde de la course à pied comme une pyramide », compare Michel Lampron, directeur de course de La Chute du Diable Mountain Hardwear / Montrail (trail de 1, 5, 10, 25 et 50 km). « Au sommet, il y a l’ultra-marathon. La base des coureurs ayant augmenté, cela a entrainé petit à petit une augmentation de la taille de la pyramide jusqu’à sa pointe ».
L’ultra-marathon comme lien social
Qu’est-ce qui peut pousser ces coureurs, marathoniens ou non, à faire le pas supplémentaire, passé les 42 kilomètres? « Difficile à dire, car il y autant de profils qu’il y a de coureurs, répond Sébastien Côté. Ils viennent chercher une réussite à l’objectif de distance qu’ils se sont fixé. Il y a derrière cela, une soif d’accomplissement et de reconnaissance ». Cette reconnaissance, elle peut venir de la communauté de coureurs que l’on rencontre pendant les courses. « J’y ai rencontré des gens formidables, se souvient José Nicolas. Avec de belles valeurs, comme l’entraide. Il m’est arrivé de courir avec des inconnus, mais on jasait ensemble quelques kilomètres. » Il ne faut pas minimiser l’importance de ce sentiment d’appartenance, surtout à une époque où les sphères traditionnelles de la société, que sont la famille, le travail, la politique, la religion, ont vu leur influence baisser. L’ultra (et le sport en général) rassemble autour d’une activité commune un groupe d’individus qui partagent les mêmes valeurs de vie.
Michel Lampron le confirme : « L’ultra est un milieu très socialisant. On ne court pas tout seul dans son coin. C’est un milieu simple et sain, pas encore affecté par l’esprit de compétition ». Une communauté avec ses têtes d’affiche, comme l’Espagnol Kilian Jornet, triple vainqueur de Ultra-Trail du Mont-Blanc (environ 170 km sur des sentiers autour du plus haut sommet d’Europe), des professionnels commandités. Tout cela a permis de créer une certaine émulation autour de l’ultra. « On n’est plus le “fou du village” quand on court. La course est devenue un élément de lifestyle reconnu et moins marginalisé, qui a toute sa place dans un mode de vie normal et sain », poursuit Michel Lampron. Et comme l’explique Matthew Nelson, coureur et directeur de la Trans Gaspesia 2014 : « Cela a permis de démystifier l’endurance. Le grand public a pu se rendre compte que c’était possible. C’est la même mécanique que dans le monde de l’alpinisme. Personne ne pensait que l’on pouvait atteindre le sommet de l’Everest, jusqu’au jour où quelqu’un y est arrivé, puis un autre, puis un autre… Cela a débouché l’horizon et ouvert le champ des possibilités ».
Enfin, les ultra-marathons participent aussi à la découverte du territoire et de la région où ils se déroulent. C’est donc un outil de tourisme intéressant, notamment pour attirer des coureurs du monde entier : « De plus en plus d’agences de voyages proposent des formules de voyage avec un événement sportif, un marathon ou une course de trail. Des jumelages et partenariats internationaux se tissent entre les courses pour attirer des coureurs de partout dans le monde. Mais ça reste encore très limité au Québec. Il n’y a pratiquement que des Québécois dans nos courses provinciales. » Ici, l’ultra est encore une niche trop peu développée pour permettre d’organiser des événements économiquement viables. Pour Daniel Desrosiers, organisateur du Ultimate XC (festival de course à pied avec des courses de 5 et 13 km en cross country et 11, 21, 38, et 60 km en trail) : « La communauté québécoise de l’ultra est petite, environ 150 à 200 coureurs. Pour moi, elle n'est pas en croissance. Elle est même saturée. Économiquement, organiser une course d’ultra est très dispendieux et pas viable. On est obligé de la coupler avec des distances moins longues pour attirer d’autres coureurs ». Une opinion partagée par Michel Lampron, du moins sur l’aspect financier : « Il est difficile de faire de l’argent avec les ultra-trails. Organiser le 50 km m’a couté de l’argent, mais je suis rentré dans mes frais avec les autres distances. En revanche, j’ai l’impression que le nombre de coureurs longues distances est en progression. Une cinquantaine de coureurs ont défilé sur mon 50 km, dont une vingtaine pour la première fois ». Dans le même esprit, les organisateurs de l’UTHC vont augmenter le nombre d’inscription pour le 65 km à 200 coureurs, en plus des 50 places soumis à la loterie.
Les questions économiques n’ont donc pas l’air de décourager les acteurs du milieu qui vont continuer de répondre à la demande par une offre variée. De nouvelles courses et de nouvelles distances se greffent à des événements déjà existants, sont d’ores et déjà annoncées au calendrier 2014, qui en comptait déjà une dizaine en 2013 : la Trans Gaspesia 2014, un 120 km au Festival Ultimate XC, un 80 km pour La Chute du Diable. Les organisateurs de l’UTHC proposeront un 80 km dès 2014, mais réfléchissent également à un 100 ou 120 km pour 2015.
Encore plus
Pour un calendrier complet des courses ultra au Québec, au Canada et dans le monde : ultramarathonquebec.ca
Du Marathon, à l'île de la Réunion je suis passé à la montagne après avoir couru 3 marathons en 3 mois, je suis passé au 53 kms avec 3300m de dénivelé, puis c'est la "Diagonale des fous" de 140kms qui m'a séduite, découvrir le cœur de l'île et son volcan actif dans le cadre de cette course, un vrai bonheur pendant 59h30. La Trans Gaspesia est mon prochain "Objectif Lune" juste pour le plaisir de découvrir cette belle région et de relever ce plus grand défi. Merci pour l'article, je m'y retrouve dans plusieurs points.