Voyage au cœur d’une culture millénaire
Le monde maya, « concept » aujourd’hui utilisé à tort et à travers par les organisateurs de voyage, signifie plus qu’une série de ruines que l’on part visiter en minibus depuis Cancun! Fort de coutumes et de croyances religieuses ancestrales, ce peuple métissé est demeuré au fil des siècles sur ses terres d’origine, ancré dans les mêmes visions de l’univers et de la vie. Récit de quatre mois d’expédition, du Mexique au Honduras, à la découverte de cette culture plusieurs fois millénaire…
C’est au sein d’une vaste et riche région d’Amérique centrale que s’est épanouie l’une des plus brillantes civilisations du monde antique, riche de cités et de pyramides, de rituels et de sacrifices, de plumes et de jade : les Mayas. L’Empire de cette nation, fondé il y a plus de 3 000 ans, a atteint son apogée au 8e siècle. Organisée en une vingtaine de « villes-États », cette civilisation couvrait alors une vaste région qui correspond aujourd’hui aux provinces du sud du Mexique — péninsule du Yucatan, Tabasco et Chiapas, Guatemala, Belize et l’extrémité nord-ouest du Honduras et du Salvador. Son organisation sociale et ses connaissances scientifiques pouvaient alors rivaliser avec celles des civilisations égyptiennes et chinoises. Mais un effondrement culturel aussi soudain que mystérieux a provoqué l’éclatement de cette civilisation fascinante : ses habitants ont fui les grandes cités et se sont dispersés sur le territoire avant que les conquistadores ne débarquent et ne les réduisent en esclavage. Les révolutions et les guerres civiles ont ensuite achevé le processus de marginalisation.
Tous ces événements auraient pu engendrer la disparition complète de ce peuple « maudit » par le destin. Mais il n’en fut rien. Les Mayas ont survécu aux agressions et se sont adaptés en traduisant leurs influences, et en mélangeant leurs croyances et leurs pratiques à celles des leurs oppresseurs.
Nous sommes partis explorer pendant plus de quatre mois cet univers, en canoë, à pied et à cheval, dans une grande boucle couvrant le sud du Mexique et le nord de l’Amérique centrale. Des ruines majestueuses aux parcs naturels, en passant par les villes coloniales et les villages des hauts plateaux, nous sommes allés à la rencontre des Mayas d’aujourd’hui et de leur mode de vie, en cherchant à comprendre leurs rêves, leurs aspirations et leurs difficultés.
Premier contact…
C’est dans les eaux du Rio Grijalva, au fond du canyon de Sumidero dans l’État mexicain du Chiapas, que nous mettons pour la première fois à l’eau le canoë, mode de transport traditionnel des Mayas. Avec un fort vent de face, nous avançons difficilement, ballottés par les remous provoqués par les bateaux à moteur qui nous dépassent à toute vitesse. À l’entrée du canyon, les bourrasques sont tellement violentes qu’il est impossible d’avancer : nous nous accrochons aux broussailles et aux branches que nous trouvons sur le bord pour éviter de dériver. L’ambiance apocalyptique n’est pas sans rappeler l’histoire du lieu : quand le conquistador Diego de Mazariegos débarque en 1528, les Indiens du Chiapas réalisant leur défaite, préfèrent se jeter du haut des falaises plutôt que de se rendre… Une colonie espagnole est ensuite rapidement créée, puis déplacée sur le site de ce qui est aujourd’hui la ville coloniale de San Cristobal de las Casas. Prise en otage il y a une dizaine d’années par le mouvement zapatiste du commandant Marcos, la cité est aujourd’hui sous haute surveillance militaire, ponctuée de postes de contrôle permanents.
Autour de San Cristobal, les habitants des hautes terres ont maintenu leurs traditions et leurs croyances traditionnelles. Alejandro, métisse d’origine Tzotzil et anthropologiste, nous accompagne à l’intérieur du Templo de San Juan, la principale église du petit village de Chamula, célèbre pour son indépendance inébranlable et ses pratiques religieuses uniques. Nos yeux à peine habitués à l’obscurité, nous ne distinguons que le scintillement de milliers de bougies posées en cercle sur le sol. Nos pieds glissent silencieusement sur un tapis d’épines de pin, faiblement éclairé par un bric-à-brac de néons fluorescents accrochés aux murs. Le lieu exhale une odeur grasse, mélange de bougies qui brûlent, d’encens, d’alcool bon marché et de bois moisi. Intimidés, nous retenons notre respiration pour laisser pénétrer en nous ce murmure rauque qui remplit l’air moite. Le long des murs de l’antre, des dizaines de statues de saints se tiennent dans des cages en verre entourées de miroirs et, à même le sol, des hommes et des femmes prient à genoux. Au milieu de cette assemblée silencieuse, un curandero, chamane guérisseur, est en train de frotter le corps de son patient avec des œufs et des os pour faire fuir les mauvaises énergies.
« Pour bien comprendre le monde maya d’aujourd’hui, il est fondamental de prendre conscience du mélange entre les croyances précolombiennes et les traditions catholiques apportées par les conquistadores…», nous explique Alejandro. « L’univers maya est composé de trois mondes. Dans le ciel résident les astres et les divinités, comme Itzamna, le dragon, représenté par un serpent à plumes à deux têtes. La Terre est une planche plate qui flotte sur l’eau. Au-dessous s’étendent les neuf royaumes souterrains : le plus bas d’entre eux abrite le dieu de la mort, Ach Puch, représenté sous la forme d’un squelette. Cet univers est symbolisé par l’arbre de vie qui ressemble étrangement au crucifix que les Espagnols présentèrent aux Mayas à leur arrivée … »
Nous rejoignons ensuite les superbes ruines de Palenque, célèbres pour leurs riches décorations architecturales, puis naviguons sur les eaux laiteuses et turquoise de Agua Azul avant de redescendre dans la péninsule du Yucatan. La grande majorité des haciendas, ces immenses fermes bourgeoises, ont été transformées en hôtels de luxe, mais l’histoire des lieux n’a pas été oubliée par les habitants de la péninsule. Jorge est aujourd’hui jardinier pour l’Hacienda Temozon : « Ma famille a toujours travaillé ici. Sous le règne des Espagnols et après l’indépendance, nous étions réduits en esclavage, juste bons pour travailler comme des damnés en échange d’un peu de nourriture. Puis la révolution a provoqué une nouvelle répartition des terres, mais les bas prix pratiqués ne nous permettaient toujours pas de vivre décemment. Aujourd’hui, nous sommes toujours aussi pauvres. Rares sont ceux qui, comme moi, ont pu garder leur emploi sur l’hacienda… »
Liés par les eaux et les hauts plateaux
Les Mayas de la tribu Chontal étaient de bons marins, manœuvrant leurs longs canoës de bois le long de la côte de la péninsule du Yucatan pour faire le commerce du cacao, des plumes d’oiseaux, du sel… En raison des difficultés du relief entre jungle et montagne, le canoë était le plus important moyen de transport et de commerce.
Entourés de centaines de flamands roses, nous mettons à l’eau dans la réserve de Rio Lagartos et commençons à longer la côte du Mexique au Belize. Nous découvrons la magie des journées à pagayer sur le liquide translucide! Lorsque la chaleur devient insupportable, un petit plongeon dans l’eau turquoise s’impose, avec masque et tuba, pour découvrir l’immense barrière de corail. Quand le vent est dans le bon sens, la voile ajoutée à notre embarcation nous permet de nous reposer sous le soleil et de contempler les rives bordées de palmiers. Le soir, il nous suffit de trouver une plage sur la côte ou sur un îlot... Le bonheur, tout simplement! Après notre exploration dans la barrière de corail au large de Belize, nous rejoignons l’intérieur des terres à San Ignacio et partons explorer la grotte sacrée de Chechem Ha. Augusto vient juste d’allumer sa torche et nous commençons à peine à distinguer le fond du tunnel dont l’entrée est perchée sur les hauteurs de la propriété familiale. Soudain, une volée de chauve-souris passe au-dessus de nos têtes. Moyennement rassurés, nous suivons notre spéléologue dans l’air humide et suffocant de Xibalba, le royaume souterrain... Après que nous ayons marché pendant une dizaine de minutes en évitant de glisser sur la glaise humide, nous découvrons des pots et différents plats cérémoniels en terre cuite laissés en offrande aux dieux il y a plus de 1 000 ans...
Nous quittons Belize et rejoignons la cordillère des Cuchumatanes au nord-ouest du Guatemala où nous continuons à cheval depuis Todos Santos, un village de la tribu Mam. À la suite de leur travail pour le Haut Commissariat aux réfugiés sur le retour des Guatémaltèques dans leur pays à la fin de la guerre civile, Pauline et son mari Fernando ont décidé de s’installer au milieu de la cordillère avec leurs chevaux. Ils nous font rencontrer Géronimo, gardien de la Torre, le point non volcanique le plus élevé d’Amérique centrale : « Pendant la guerre civile, les Mams se sont retrouvés dans une situation extrêmement délicate entre l’armée régulière et la guérilla communiste. Il était impossible pour nous d’être neutre, il fallait choisir son camp. Si nous étions suspectés d’être du côté de la guérilla, l’armée nous tombait dessus. Et réciproquement. On estime que plus de 15 000 personnes, en grande majorité mayas, ont été torturés et massacrés. Plus de 100 000 individus ont fui vers le Mexique… »
Quelques jours plus tard, alors que nous traversons le lac Atitlan, dans une ambiance féerique presque irréelle, les mots entendus lors de nos rencontres continuent de résonner. Il n’y a pas un souffle de vent ni la moindre vague et nous pagayons dans l’air frais entourés par les volcans qui sortent à peine de la brume…
Pour en savoir plus : Ecotourisme dans le monde Maya
Pour découvrir les différents rites et traditions des mayas, il est préférable de prendre un guide accompagnateur, que l’on peut très facilement trouver à différents endroits. Cette région est aussi un paradis pour les amateurs d’écotourisme. Voici quelques idées :
1) Laguna Miramar, Chiapas
Ce lac, le plus grand de la Réserve Montes Azules (19 km²), se love au milieu d’une chaîne circulaire de montagnes, au sud-est de Ocosingo. Ce projet a vu le jour dans la communauté « Ejido » Emiliano Zapata. On peut faire de superbes randonnées qui mènent à différentes grottes et sites archéologiques. La communauté a mis en place une série de règles à suivre comme l’interdiction d’utiliser des détergents dans les eaux du lac ou le recyclage des détritus. Les bénéfices du projet sont utilisés pour financer différents programmes de protection et de conservation de la jungle Lacandon.
> Posada Zapata, 55‑5150‑5618 ou Natutur à San Cristobal de la Casas (natutur@hotmail.com)
2) Centro Ecologico Sian Ka’an, péninsule du Yucatan
Au sud des ruines mayas de Tulum, sur la côte caraïbe mexicaine, ce petit centre est situé au cœur de la Réserve Sian Ka’an, qui est inscrite sur la liste du patrimoine de l’humanité de l’UNESCO : 5 000 km² de jungle tropicale, de mangroves et d’îles qui regorgent d’une faune incroyablement riche (singes hurleurs, pumas, crocodiles, crabes géants et jaguars…) Ce centre sert de modèle pour les projets de développement durable dans les écosystème tropicaux fragiles. Les bénéfices du Centre et des différentes activités organisées permettent de financer des projets de formation et de conservation de la réserve.
3) Tikal Connection, Peten, Guatemala
La Réserve maya protège la seconde plus grande jungle de l’hémisphère nord (plus de 17 000 km²) ainsi que les splendides ruines mayas de El Mirador. C’est l’habitat naturel de plus de 300 espèces d’oiseaux ainsi que de nombreux autres animaux, pour la plupart protégés. Tikal Connection permet de mettre en contact les voyageurs avec les différentes communautés pour développer le tourisme responsable et protéger l’environnement.
Vous pouvez retrouvez plus des détails et des photos également sue notre blog de voyage:
http://www.thegreenpick.com/blog/2016/03/19/laguna-miramar-exception-chiapas-mexique/?lang=fr
Bon voyage,
Coridalement,
TheGreenPick
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