Marcher les Alpes albanaises
Hors des grands circuits de randonnée qui font saliver les adeptes de montagnes de ce monde, les Alpes albanaises offrent des merveilles à découvrir… en toute tranquillité. Surtout en période post-pandémique.
Pourquoi l’Albanie? À cette question, je pourrais donner mille réponses : pour ses délicieuses grillades, pour l’hospitalité de ses habitants, pour le bleu cristallin de la mer Ionienne… Mais si je n’en avais qu’une à donner, je répondrais certainement pour ses montagnes.
Parfois arides près de la frontière grecque, plutôt déchiquetées et enneigées au nord, les montagnes sont à se pâmer partout, en ce pays. Mais entre toutes, ce sont cependant les Alpes albanaises qui ont conquis mon cœur. Parce qu’elles sont reculées et peu fréquentées, parce que le temps semble s’y écouler plus lentement qu’ailleurs et parce que les paysages qu’elles offrent sont si bien préservés qu’il est presque immoral de dévoiler leur existence.
Theth © Adobe Stock
C’est par Theth, petit village de montagne où les habitants vivent en autosuffisance, éloignement oblige, que j’entame mon périple. À 7 h le matin du départ, j’attends fébrilement l’arrivée du 4 x 4 qui me mènera aux Alpes depuis Shkodër, la plus grande ville du nord du pays. Il arrive bel et bien, tellement chargé que j’ai tout juste assez d’espace pour y entrer. Un voyage doit être mûrement réfléchi et rentabilisé lorsque le chemin à parcourir est aussi long et cahoteux que celui qui relie Shkodër à Theth.
La route en lacets rétrécit au fil des kilomètres et les trous, eux, s'approfondissent pour finalement prendre possession de toute la piste. À peine sortie du 4 x 4, je suis déjà ébahie par les sommets qui m’entourent et par la rivière d’eau glaciaire qui coule à deux pas de l’auberge. Pendant une fraction de seconde, je doute que le paysage puisse devenir encore plus impressionnant. Elles avaient pourtant de la pression, ces Alpes albanaises : ce sont elles qui m’ont convaincue de choisir l’Albanie pour destination.
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Mon sac à peine déposé à l’auberge, je me dirige vers le Blue Eye de Theth, une piscine naturelle d’eau turquoise alimentée par une chute. Les jambes me démangent de découvrir ce coin de pays. Pendant presque toute la randonnée de 13 km, je longe la rivière Thethi, large et peu profonde. En arrière-plan : les montagnes verdoyantes qui cernent le village. Il n’y a pas âme qui vive sur le sentier et je savoure la beauté des lieux en toute tranquillité. Je savoure d’ailleurs un peu trop, car je me fais prendre par la pluie au retour.
Le Blue Eye de Theth © Adobe Stock
Même sous l’averse et la grisaille, le village de Theth a tout pour charmer : de vieilles bâtisses de pierres, une rivière limpide et une mignonne église au toit de bois. J’étais déjà emballée, mais les moutons qui broutent paisiblement devant les montagnes – il n’y a pas image plus représentative de ce pays – ont d’autant plus raison de moi qu’elles sont enveloppées de brume. Ajoutez à cela un gargantuesque repas de spécialités albanaises telles que les qifqis, ces petites boulettes de riz aux épices, des grillades d’agneau ou un plat de tzatziki, et le portrait sera certes simpliste, mais complet.
Theth © Adobe Stock
Cette randonnée jusqu’au Blue Eye n’a été qu’une petite mise en jambes pour la randonnée du lendemain : 17 km et 1000 mètres de dénivelé positif m’attendent pour rejoindre Valbona, second village iconique de la région.
En route pour Valbona
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À 7 h 40, je foule du pied le sentier. Ou du moins, ce que je crois être le sentier. Peu de gens parlent anglais en Albanie, le régime dictatorial qui a sévi jusqu’en 1991 en est le principal responsable. Dans cette région reculée au milieu des montagnes, la maîtrise de l’anglais est souvent aussi bonne que ma connaissance de l’albanais : à peu près nulle. Lorsque j’ai quitté l’auberge, un grand sourire et un vague geste de la main ont donc constitué les seules indications que j’ai obtenues pour trouver le sentier.
Après m’être butée à deux barrières fermées, avoir rebroussé chemin à plusieurs reprises et avoir gaspillé une bonne demi-heure, je décide de suivre deux Israéliens tout aussi désemparés que moi. Tant qu’à se perdre, aussi bien le faire en groupe! J’ai finalement rejoint le sentier et le véritable défi a alors débuté.
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Le défi, ce sont évidemment les 1000 mètres de dénivelé qu’il faut gravir pour atteindre le col de Valbona avant de redescendre vers la vallée du même nom. Ici et là, quelques éclaircies dans les arbres donnent un aperçu des paysages majestueux qui m’attendent un peu plus haut. À une quarantaine de minutes du sommet, la forêt est plus clairsemée, le sentier plus rocheux et mon souffle, plus court. Mes cuisses m’en veulent d’avoir randonné jusqu’au Blue Eye la veille et je m’arrête dans une clairière le temps d’une collation face aux Alpes albanaises.
Arrivée au col de Valbona après une dernière montée dans le sentier rocailleux, l’émotion me gagne. En l’espace d’un pas, le paysage s’ouvre devant moi : pics majestueux, sommets enneigés, rivière presque asséchée en contrebas et forêt qui semble couler vers la vallée me coupent le souffle.
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En ce début de saison, la mi-mai à peine passée, le col voit défiler tout au plus une dizaine de randonneurs durant les 40 minutes que j’y suis restée. Un véritable moment de paix offert du haut de mon perchoir, que je quitte bientôt à regret.
La descente débute dans la neige, car ce versant est plus ombragé que celui par lequel je suis arrivée. La vue me fait cependant oublier les petites difficultés techniques, car de ce côté du col, peu d’arbres s’interposent entre les montagnes et les randonneurs. Je marche dans le lit de la rivière une bonne portion du trajet. Une fois à Valbona, la ville me semble beaucoup moins pittoresque que Theth, mais peu m’importe, car je suis trop épuisée pour jouer aux touristes.
Le lac Koman © Adobe Stock
Le lendemain matin, je mets le cap vers Shkodër pour y retrouver mon sac à dos, laissés à l’auberge deux jours plus tôt. Je rejoins la ville via une croisière sur le lac Koman, une étendue d’eau artificielle qui s’allonge entre les falaises escarpées de la région.
Je quitte les Alpes albanaises comblée, l’appareil photo rempli de sommets enneigés, de sourires jusqu’aux oreilles, de pics déchiquetés et de troupeaux curieux. Cette expérience aura semé une petite graine en moi : sitôt partie, je sens déjà un désir naissant de m’adonner à la randonnée plus sérieusement. L’émerveillement vécu au col de Valbona, je souhaite le traquer sur d’autres sentiers, jusqu’à d’autres sommets.
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Pratico-pratique
Entre autres transporteurs, Swiss, Austrian Airlines et Lufthansa relient Montréal à Tirana avec escale à Zürich, Vienne et Francfort, respectivement.
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Le meilleur moment de l’année pour randonner dans les Alpes albanaises s’étend de fin mai à fin juin, tout juste après la fonte des neiges, mais avant l’afflux de touristes européens (car il y en a tout de même quelques-uns). Il sera alors aisé de réserver transport et hébergement sans trop de planification en amont.
Avant tout voyage dans les montagnes du nord de l’Albanie, Shkodër demeure incontournable, tant pour réserver les hébergements que les transports que pour faire des provisions de grignotines en tout genre. Comme les villages sont très reculés, les denrées offertes dans les épiceries peuvent être périmées. Les auberges fournissent dîners et soupers moyennant quelques euros supplémentaires.
Shkodër © Adobe Stock
La randonnée qui relie les villages de Theth et de Valbona peut être effectuée dans un sens ou dans l’autre. En partant de Valbona, la montée est légèrement plus facile, mais les points de vue spectaculaires seront derrière, durant la montée. En partant de Theth, non seulement l’effet de surprise est saisissant en arrivant au col, mais en plus on peut profiter des panoramas montagneux durant la descente.
Sur place, le coût de la vie est très abordable. La devise albanaise, le lek, offre un taux de change très avantageux pour les Canadiens. Outre le café, véritable institution, les spécialités culinaires (savoureux mélange d’influences italiennes, grecques et orientales) peuvent aussi être dégustées pour une poignée de leks (généralement moins de 12 $).
Séjourner chez l’habitant est non seulement la manière la plus abordable de visiter le pays, mais c’est aussi l’idéal pour entrer en contact avec les coutumes et les traditions locales. La plupart des auberges sont tenues par des familles qui y vivent et qui offrent à leurs hôtes petit-déjeuner et souper moyennant un léger supplément. Ces auberges sont le principal type d’hébergement que l’on retrouve en Albanie. Vaut mieux préparer ses mimes et ses sourires, ce sont les meilleurs atouts pour communiquer avec les hôtes!
Certains blogues permettent de glaner de précieuses informations, suffisamment récentes pour être fiables. Parmi eux, le site Journey to Valbona est une vraie mine d’informations pour la planification d’itinéraires, la prise de contact avec des hôtes et l’organisation d’un transport vers la vallée de Valbona. Les blogs Black and Wood et The Sandy Feet offrent quant à eux une belle sélection d’articles pour découvrir différentes attractions dans le pays.
- Info : Visit Albania
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