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  • © Xavier Bonacorsi

Norvège : Au pays des sauveteurs bénévoles

Se soucier de l’environnement et de la nature fait partie des valeurs fondamentales des Norvégiens. Mais se préoccuper de ses concitoyens au point de partir à leur rescousse est aussi la réalité de milliers d’entre eux, comme en fait foi le NFH, une étonnante brigade de sauveteurs bénévoles.

Après quatre avions, trois heures de bus et une heure de bateau, j’arrive enfin sur l’île de Senja. C’est là, au 69ième parallèle de latitude nord, au fin fond de la Norvège, qu’on m’a donné rendez-vous pour faire connaissance avec la Norwegian People’s Aid (NFH - Norsk Folkehjelp).

Fondé en 1939, cet organisme norvégien œuvre à travers le monde dans l’aide humanitaire, le déminage et le développement coopératif. C’est toutefois par sa section locale (avec des ramifications aux quatre coins du pays) que j’en ai appris davantage à son sujet.

Constitué d’environ 12 000 bénévoles citoyens, dont plus de 2000 sont des sauveteurs certifiés, ce service de secourisme et de premiers soins participe aux efforts de sauvetage et de recherche de personnes disparues, tant en milieu urbain qu’en plein air. Avec une population de 5,3 millions d’âmes, c’est donc dire que 2 Norvégiens sur 1000 sont formés et disposés à prêter secours en tout temps.

C’est avec deux de ceux-ci, Fred-Arne Danielson et Vegard Standahl Olsen, que j’ai passé quelques jours tout en profitant des montagnes et de l’océan qui forment le cadre naturel de Senja.

© Xavier Bonacorsi 

Fred-Arne est l’un des chefs de l’équipe de l’île. Menuisier de métier, il a débuté sa « carrière » de bénévole il y a 8 ans. Bon an mal an, il participe à près de la moitié de la vingtaine de missions de recherche et de sauvetage déployées sur Senja, sans compter les innombrables sorties volontaires effectuées pour assurer une présence préventive, particulièrement dans les sites de plein air les plus achalandés, où les falaises et le climat peuvent surprendre à tout moment.

Opération de sauvetage

Sa plus mémorable opération fut la recherche et le sauvetage d’un randonneur disparu en ascensionnant le vertigineux pic de Segla, dont les falaises peuvent mener à une chute libre de plusieurs centaines de mètres jusque dans l’océan. Le malheureux fut surpris par un dense brouillard et s’est aventuré sur un escarpement. « Résultat : il s’est retrouvé sur une mini-corniche à 50 mètres en dessous du sentier, d’où il fut incapable de partir », explique Fred-Arne.

Une fois l’alerte donnée, près de 24 heures ont été requises pour se rendre sur place et finalement retrouver le randonneur, trempé jusqu’aux os et sur le point de défaillir. L’équipe de Fred-Arne a ensuite dû le hisser jusqu’au sentier à l’aide d’une corde, toujours dans un épais brouillard. Inutile de mentionner que cet événement restera à jamais gravé dans la mémoire du rescapé, mais aussi dans celles des sauveteurs.

Lors des missions de sauvetage, les dénouements ne sont cependant pas toujours aussi heureux, comme peut en témoigner Vegard, lorsqu’il fut appelé sur les lieux d’une avalanche dans la vallée de Tamok, en janvier 2019. Une fois sur place, les membres des équipes de sauvetage ont rapidement réalisé que leurs efforts ne permettraient pas de retrouver les skieurs en vie. Des recherches intensives ont néanmoins été effectuées et après deux semaines, trois des défunts ont été localisés.

Vegard, qui prend part à environ 50 missions de recherche par an, est employé à plein temps de la NFH, et son travail consiste à encadrer la formation et la gestion des équipes de bénévoles du nord du pays. « À tout le moins, ce malheureux événement nous a permis de parfaire le déploiement des équipes de recherche ainsi que nos méthodes d’action », m’explique-t-il.

Premiers intervenants

La NFH maintient actives des équipes dans presque tous les recoins de la Norvège. En région éloignée, la police et les services de secours étant souvent situés loin des besoins des gens, les bénévoles de la NFH sont donc souvent les premiers intervenants, voire les seuls à intervenir, quand les situations ne sont pas trop complexes. Avec un budget annuel d’environ 5 millions de dollars (la moitié provient du gouvernement, le reste est issu de campagnes de collectes de fonds), la NFH ne dispose que de modestes moyens. Chaque région a néanmoins à sa disposition des véhicules d’urgence semi-équipés en ambulance ainsi que des motoneiges, mais pas d’hélicoptère. Retrouver et rejoindre une personne en détresse peut donc parfois être (tragiquement) long.

© Xavier Bonacorsi 

En plus de ne recevoir aucune compensation financière, les bénévoles doivent s’acquitter eux-mêmes des dépenses reliées aux vêtements officiels et à leur trousse personnelle de sauvetage, qui frise les 2000 $. Ils doivent aussi suivre des cours (d’une soixantaine d’heures, sans frais) de premiers soins et de secourisme à tous les trois ans. Des qualifications supplémentaires sont aussi requises dans les régions où des techniques de secourisme sont nécessaires (avalanche, secours maritimes…).

Motivation

Quand je demande à Fred-Arne ce qui le motive à consacrer autant de temps et d’énergie à la NFH, il me répond sans hésiter que c’est « parce qu’il n’y a rien de plus satisfaisant que de pouvoir aider et se sentir utile… ».

Les employeurs des bénévoles doivent aussi s’investir en consentant à laisser partir leurs employés (et les payer!) quand une mission de recherche est déployée. Et cela, jusqu’à cinq fois par année. Mais comme le précise Fred-Arne, si celui-ci se voit appelé une sixième fois, son patron va inévitablement rétorquer : « Si tu penses que tu peux faire une différence, vas-y ! ».

Se joindre à la NFH, c’est aussi intégrer une grande famille. Souvent, les opérations de sauvetage (ainsi que celles de prévention) sont des moments forts de rencontres entre amis. Et pour ceux qui habitent en région éloignée, là où la nature domine, il s’agit d’un fort incitatif à sortir pour en profiter : pour être un bon secouriste, rien ne vaut une excellente connaissance du terrain.

© Xavier Bonacorsi 

Lors de mon séjour, j’ai pris part à l’une des simulations d’opération de recherche auxquelles les bénévoles sont régulièrement conviés. À la base de l’emblématique pic de Segla, nous devions effectuer une battue pour retrouver un randonneur épuisé et déshydraté qui avait disparu lors de la descente. En plus d’être témoin de la mise en œuvre d’une telle opération, j’ai pu constater à quel point les bénévoles sont dévoués et fiers de s’impliquer auprès de cet organisme qui fait partie intégrante, j’en suis plus que jamais convaincu, du tissu social norvégien.


Senja : un joyau caché de la Norvège

La Norvège, comme bien des pays nordiques, compte de nombreux territoires éloignés qui attirent de plus en plus d’adeptes de plein air en quête d’aventure. Senja en fait partie : située au-delà du cercle polaire arctique, on ne s’y rend pas par hasard. Mais les efforts logistiques et monétaires (pour ceux qui peuvent se le permettre : la Norvège est un pays où le coût de la vie est très élevé) en valent la chandelle. Vus sous un autre angle, ces efforts font en sorte que l’achalandage n’y est pas (encore) exponentiel.

© Courtoisie

En plus de gravir le pic de Segla en compagnie de l’équipe de la NFH, j’ai eu droit à une sortie en kayak de mer en plein soleil de minuit. Si le soleil était voilé par un doux brouillard, la mer formait un miroir parfait sous le ciel diaphane. Au large, nous avons accosté sur de minuscules îles ourlées de plages au sable blanc. Si la température (et les vêtements que je portais) n’avaient pas été là pour me rappeler que j’étais en Arctique, j’aurais facilement pu me croire dans les Caraïbes…

Outre la randonnée et le kayak de mer, Segla forme une destination parfaite pour les adeptes d’escalade et de ski de montagne qui apprécient les endroits peu développés, où de nouveaux sentiers peuvent toujours être battus.

Cette courte escapade m’a enfin rappelé à quel point l’Arctique, par ses beautés multiples et l’intransigeance de son climat, peut facilement encourager l’esprit rêveur à se laisser aller à l’introspection et aux remises en question, mais aussi combien les peuples scandinaves gardent toujours une longueur d’avance sur les autres peuples occidentaux, en terme de souci de l’environnement et de son prochain. Longue vie au modèle scandinave!


Saviez-vous que…

Par souci environnemental et afin de ne pas troubler la paix des skieurs et promeneurs en montagne et en forêt, le ski héliporté est interdit en Norvège. Ceux qui veulent s’offrir des « lignes » en terrain vierge doivent d’abord fixer leurs peaux d’ascension à leurs skis et fournir un minimum d’efforts.

La motoneige récréative libre est également interdite en Norvège. On peut seulement la pratiquer lorsqu’on est encadré par un voyagiste commercial, et uniquement dans certaines régions désignées.

Le camping sauvage est permis partout en Norvège. Les Norvégiens sont à peu près tous très fiers de cette tradition et semblent y tenir mordicus – sauf peut-être une ou deux personnes travaillant dans le développement de l’hébergement touristique!

© Xavier Bonacorsi 


  • Pour en savoir plus sur le Norwegian People’s Aid : www.npaid.org

L’auteur était l’invité de Helly Hansen, l’un des principaux commanditaires de la NFH.

 

Commentaires (1)
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voyageur71 - 01/05/2020 12:07
Tout le monde devrait s`en inspirer de la Norvège, c`est le vrai respect de la nature et de l`humain.