Suède : Un Arctique accessible
Pour ceux qui rêvent du Grand Nord, mais ne se sentent pas d’attaque pour un trek à la Terre de Baffin (ou n’en ont pas les moyens), il existe une solution : les régions arctiques de la Norvège, de la Suède ou de la Finlande. Au nord de la Scandinavie, au-delà du 67e parallèle, se trouve un immense territoire très peu visité des Nord-Américains.
Petite ville minière suédoise située à l’extrémité nord du pays, Kiruna constitue le point de départ idéal pour préparer provisions et équipement. Situé à deux heures de route plus loin, juste au-dessus du cercle polaire, le parc national d’Abisko (crée en 1909) offre tout un réseau de petits refuges de montagne qu’il est facile d’atteindre. C’est dans ce parc qu’on trouve le mont Kebnekaise ; le plus haut sommet de la Suède, culminant à 2127 m.
À l’entrée du parc Abisko, nous préparons nos bagages pour une semaine complète sous les instructions de notre guide. Micha, notre chien, se chargera de tirer la pulka alors que nous alternerons entre skijoring et ski de randonnée. Après un copieux déjeuner scandinave (le buffet du matin typique comprend harengs, mousse de saumon fumé, charcuteries, céréales entières, yogourts, crudités, les fameux craquelins de seigle et les délicieuses confitures de canneberges), j’ai tout le carburant voulu pour débuter cette randonnée.
Le début du sentier longe une rivière gelée au creux d’un petit canyon. On aperçoit au loin des majestueuses montagnes arrondies qui rappellent les Chic-Chocs. La découverte s’établit dans un mélange de familiarité et d’exotisme. Le bouleau nain arctique sera la seule végétation que nous verrons pendant les sept prochains jours.
Les sentiers sont faciles et le paysage est à couper le souffle. Nous nous adaptons tranquillement aux pulkas et à diriger les chiens. Aucun doute, nous sommes bien en Suède : les cabanes rustiques sont construites en planches peintes rouge foncé et sont agrémentées de bois de rennes. À chacun de ces refuges, un gardien s’assure que tout va bien et que nous époussetons bien nos bottes avant d’entrer. Rien de tel que l’efficacité suédoise mariée à la rusticité du nord et à l’isolement arctique. À mon premier soir sous les étoiles, je rencontre un Allemand qui fait l’itinéraire seul à la recherche des aurores boréales. Les conditions météorologiques mettent rapidement fin à nos espoirs de spectacles célestes pour cette soirée.
Le lendemain, un parcours d’une vingtaine de kilomètres nous attend. Le mercure se maintient autour de cinq degrés sous zéro. Nous entrons dans l’univers du blanc infini et des véritables paysages du Grand Nord. Au détour d’un sentier, une vallée et un col de montagne composés de flancs enneigés et d’aspérités rocheuses se déploient devant nous. L’immensité est à couper le souffle : me voilà enfin dans le rêve que je caressais depuis plusieurs années. Une sorte d’ivresse s’installe : je me laisse glisser dans le grand océan blanc et je rêvasse. Je regarde les sommets tout autour et aperçois un parc à rennes abandonné pour l’hiver. La neige tombe et remplit tout l’espace de sa propre nuance laiteuse. Les contours deviennent flous. Le lointain disparaît. C’est le début d’un blizzard qui nous hantera trois jours durant. De drôles de piquets surmontés d’une croix rouge semblent se perdre dans le paysage : ces balises deviendront nos fidèles amies au temps fort de la poudrerie.
Au refuge Alesjaure, la salle à manger est grande. Dans ce pays réputé pour son design et son respect de la nature, les installations sont exemplaires : grandes cuves d’aluminium pour l’eau propre (les utilisateurs doivent aller la chercher dans la rivière glacée) et l’eau usée, bacs de recyclage parfaitement empilés, peaux de rennes décorant les murs et grand poêle au gaz complétant le tableau. La camaraderie a tôt fait de s’installer entre les différents randonneurs. Le sauna y est aussi typique : on y entre par un sas où l’on s’asperge d’eau chaude ou froide avec de grandes bassines. En Suède, les gens ne jettent que très peu d’eau sur l’élément chauffant avant d’aller prendre un bain de neige. Et pas de séparation hommes/femmes : l’ambiance est naturelle et décontractée.
Après un bon repas, et dans les chambres bien chauffées au poêle à bois, même les plus insomniaques sombrent dans les bras de Morphée. Cette nuit, l’un de nos trois chiens dormira avec nous dans la chambre : il est maigre et il faut lui offrir une nuit à la chaleur. Dans ce grand parc national, certaines chambres sont réservées à ceux qui font la traversée avec leurs meilleurs amis.
Lendemain matin, direction Tjaktja où se trouve un peu avant le col le plus élevé de la randonnée : le Tjaktja-passet, situé à 1150 mètres. Un renne nous salue au passage et continue sa route vers un sommet. Pendant l’hiver, la plupart de ces cervidés sont au creux des vallées. C’est certainement l’un des endroits les plus spectaculaires de notre trajet : autour de nous se déploie toute une série de cols et de sommets arrondis avec au milieu un profond ravin creusé par un cours d’eau. Nous voilà suspendus entre ciel et neige.
Nous passons le fameux col dès le lendemain matin. La visibilité presque nulle m’empêche de voir à quel point la pente est abrupte. Ce qui n’est pas plus mal. Cette après-midi-là, c’est moi qui mène la troupe. J’ouvre la piste et, pendant plusieurs heures, j’ai l’impression de fendre un mur de ouate. Au loin, un point noir apparaît. Quinze minutes plus tard, nous croisons un groupe de skieurs qui vont dans la direction opposée.
À Sälka, un autre sauna complétera la journée dans la tempête. Après une nuit écourtée, c’est le départ pour la plus longue étape. Le blizzard est au plus fort et le vent souffle à 60 km/h. Heureusement, il ne fait que -8 degrés Celsius, mais nous avons encore 26 km à franchir. En dernier recours, nous pourrions passer la nuit au refuge Singi, mais cela nous rallongerait. L’expérience est intense : entre les bourrasques de vent et les variations de lumière, le convoi avance péniblement. Ce matin-là, je suis avec le chien. Dans de telles conditions, le skijoring peut devenir très difficile. Lorsqu’on tombe dans la neige, aucun arbre ne permet de s’agripper pour s’aider à se remettre debout. Et, à peine relevé, notre fidèle compagnon tire avec force pour repartir, ce qui cause souvent une nouvelle chute. Micha, comme tous les chiens, n’aime pas voir le convoi s’éloigner trop en avant lorsque la visibilité est nulle.
Tout en haut du col du Kebnekaise, le ciel s’ouvre soudainement, l’azur apparaît et s’ouvre devant nous l’étroite et majestueuse vallée. Après l’enfer, le paradis. Jamais paysage ne fut si bien accueilli. La descente dans la vallée est douce et sublime.
Tout en bas nous attend la rivière gelée et un sol de glace où le vent a balayé toute la neige. Nous finirons le dernier droit à pied. Fatigués et émerveillés, nous mettrons le pied dans la station de montagne Kebnekaise. C’est le retour à la civilisation : le refuge est constitué de différents bâtiments dont le pavillon principal est en partie construit en pierre et les étages supérieurs en bois. Le repas est copieux et délicieux. Nos palais se délectent de différentes versions de hareng mariné et la bière à 10$ est grandement appréciée.
Le lendemain, après une magnifique journée de glisse en skijoring sur un terrain plat et facile, le refuge Nikkaluokta apparaît. Cet ensemble de pavillons d’inspiration laponne offre aux visiteurs une halte où ils peuvent trouver une boutique, une petite galerie d’art et un magnifique café au décor à la fois moderne et rustique. C’est le temps d’une délicieuse pâtisserie suédoise aux pommes, d’un grog (vin chaud aromatisé aux épices) et d’une dernière étreinte avant de tout remballer. Ce soir-là, des aurores boréales envahissent le ciel de Laponie.
Destination : Parc national d’Abisko. Situé en Laponie suédoise, dans le comté de Norrbotten. Si vous voulez faire un trek dans le parc Abisko et que vous n’avez pas de véhicule, un train vous amènera de Kiruna au point de départ de la randonnée (Abisko Turistation) pour 100SK (14$) et vous ramènera ensuite au point final (Nikkaluokta en bus pour 80SK (11$).
Itinéraire : L’itinéraire que nous avons fait est le grand classique du parc : la Kungsleden (piste royale), qui part du grand lac Torneträsk et qui se rend jusqu’à la route à Nikkaluokta. Mais il existe une multitude de refuges qui sortent de cette piste. Si l’on veut, il est possible de rester sur ce sentier et de poursuivre sa route vers le sud au-delà des limites du parc.
Quand : Pour les treks en ski nordique, le moment idéal est mars. C’est d’ailleurs pendant cette période que les compagnies offrent la plupart de leurs forfaits. On peut bénéficier de l’équinoxe et avoir de très bonnes conditions hivernales. En janvier et février, les journées sont très courtes. Par la suite, en avril, la neige est de plus en plus transformée.
S’y rendre : Depuis Montréal, plusieurs compagnies aériennes se rendent à Stockholm avec une escale (Air Canada, Luftansa, Air France). Avec de la chance, vous pouvez trouver un billet à partir de 1029$. Et le vol Stockholm-Kiruna coûte environ 600$ sans escale. Il s’effectue avec la compagnie SAS. Il est fortement avisé de profiter de l’escale pour faire une visite de quelques jours dans la capitale suédoise. Cette perle de la Baltique ne manquera pas de charmer les amoureux de patrimoine, de culture, et d’art de vivre urbain progressiste et écologique.
Budget : Pour un trek guidé avec tous ces services inclus (pulka, équipement, accompagnement de chien, 3 repas/jour, gîtes, transport sur place, transit depuis l’aéroport de Kiruna et le guide), le prix est d’environ 1600$.
Argent : Couronne suédoise (SEK). Le dollar canadien vaut environ 7SEK.
Infos : abisko-naturum.nu • visitsweden.com/suede
Le meilleur : L’expérience du skijoring, les saunas et bien entendu les grandes immensités blanches.
Le pire : Les blizzards et la visibilité réduite.
Le plus bizarre : Les balises (poteaux surmontés de croix rouges) et le caviar suédois (mousse de poisson très salée que les autochtones dégustent le matin). Petite ville minière suédoise située à l’extrémité nord du pays, Kiruna constitue le point de départ idéal pour préparer provisions et équipement. Situé à deux heures de route plus loin, juste au-dessus du cercle polaire, le parc national d’Abisko (crée en 1909) offre tout un réseau de petits refuges de montagne qu’il est facile d’atteindre. C’est dans ce parc qu’on trouve le mont Kebnekaise ; le plus haut sommet de la Suède, culminant à 2127 m.