Europe : Le meilleur cru à vélo
S’il est vrai que la modération a « bien meilleur goût », alors mieux vaut éviter la Bourgogne, l’Alsace et la Provence. Vous trouverez que sur la route des vins, le vélo peut marier gastronomie, paysages, vignobles et étapes du Tour de France. Enivrement assuré et mal de jambes inévitable!
Après quelques séjours à vélo en Europe en compagnie de groupes de cyclotouristes, je peux maintenant certifier que ce royaume suscite un vent de folie généralisé. Respirer l’histoire du Tour de France et s’attaquer à des monstres sacrés de la grande boucle (comme le Ventoux) tout en savourant des vins tantôt gouleyants, tantôt denses et tanniques autant qu’une cuisine du terroir relevée. De vraies vacances idylliques.
Alsace
Les villages et les panoramas de l’Alsace constituent le genre de lieux qui habitent longtemps les rêves. L’enchantement débute avec ces petits chemins viticoles sinueux et très étroits. Imaginez ces coteaux de vignes à l’infini, au pied des Vosges, telle une armée de soldats au garde-à-vous. Des paysages tout en rondeurs, aux collines évanescentes. Des clochers, des places publiques, des maisons à colombage distinctives, puis des flancs de montagnes épousés par des châteaux, comme celui du Haut-Koenigsbourg, ou le monastère du mont Sainte-Odile.
Lors de ma première visite à Colmar, un ciel indigo m’attendait. Au loin, j’entendais le son d’un accordéoniste interprétant une vieille chanson française et des amoureux profitaient d’une balade à bord d’une barque. Sur une terrasse, j’ai commandé un Riesling et un baeckeofe (plat constitué de viandes marinées et inondées de vin blanc) cuit dans une terrine à l’étouffée. Voilà de quoi rendre déjà ivre de bonheur. L’Alsace concocte surtout du vin blanc comme le Riesling, le Gewurtraminer, le Tokay Pinot gris, le Pinot blanc ou le Sylvaner.
« Un petit verre de vin d’Alsace, c’est comme une robe légère, une fleur de printemps, c’est le rayon de soleil qui vient égayer la vie. » – Christian Dior
Partout, l’Alsace éblouit : à Turckheim, les vestiges des remparts de la vieille ville; à Guebwiller, l’église du XIIe siècle; à Eguisheim, la cité médiévale; à Obernai, la rue principale bordée de bistros-terrasses; et à Saverne, les bateaux qui passent au cœur de la ville par les écluses. Ribeauvillé et Riquewihr constituent aussi de véritables images de cartes postales.
Au fil des rencontres, j’ai un jour croisé Roger Hassenforder : cet ancien coureur du Tour de France a remporté plusieurs étapes, mais a aussi été connu pour ses fantaisies : comme celle de partir en échappée, puis de s’installer à une terrasse pour regarder passer le peloton, avant de réintégrer le groupe. À Wasselonne, notre aubergiste, sachant qu’on boit du vin quelques fois par jour en cours de route, se propose d’ajouter le trou normand alsacien à notre éducation.
Gabriel et Jean-Marie, deux dirigeants du club cyclotouriste de Colmar, proposent quant à eux le Grand Ballon (plus de 20 kilomètres de montée) à ceux qui se laissent enjôler. Une grimpe de deux à trois heures pour passer de 254 mètres à 1424 mètres d’altitude. Plutôt intimidant pour ceux qui n’ont jamais vécu de longues ascensions. C’est d’ailleurs ici (dans les Vosges et sur l’un des trois « ballons ») que le Tour de France effectua sa première incursion dans les montagnes, en 1905. Appuyés par les Colmariens, avec courage et détermination nous arriverons à bon port. Une émotion partagée longuement après l’arrivée dans une ferme auberge champêtre perchée en montagne. Et bien arrosée… évidemment!
Provence
Le géant de Provence, c’est le Ventoux. L’un des lieux mythiques du Tour de France où Eddy Merckx (l’un des plus grands cyclistes de tous les temps) perdra sa place sur le podium après avoir remporté terriblement cette étape exigeante en 1970. Pour les amateurs de vélo, le Ventoux fait figure de monstre sacré où Tour repassera en juillet prochain. Ce coin de pays qui fait partie du vignoble des Côtes-du-Rhône produit près de 465 millions de bouteilles par an! Voilà de quoi se rassasier après une telle ascension!
Pédaler et jouir des vacances dans cette région signifie bourlinguer à Avignon (lieu du plus grand festival de théâtre au monde et du fameux pont), à Orange (célèbre pour son arc de triomphe et son théâtre romain édifié par Auguste en l’an 25 avant Jésus-Christ) et à Carpentras (réputée pour ses truffes). La région marie les plaines fertiles, les montagnes abruptes, les collines débordantes de soleil et les cultures viticoles. Les premiers muscats furent plantés à Beaumes-de-Venise près de 600 ans avant Jésus-Christ. De nos jours, le cyclotouriste moderne résiste difficilement à l’appel des Vacqueyras, Gigondas ou Chateauneuf-du-Pape.
Je vous souhaite de tomber comme moi sur une fête à Beaumes-de-Venise. On offrait ce jour-là des tours d’hélicoptères aux visiteurs pour survoler et apprécier les alentours. Au sol, invitation à musarder à la cave coopérative ou encore à faire la tournée des viticulteurs. Pour des cyclotouristes de calibres différents, le Vaucluse propose tantôt des routes sans dénivelé (ou presque!), tantôt des chemins vallonnés avec quelques pentes abruptes dans le superbe secteur des Dentelles de Montmirail. Les Dentelles constituent un massif calcaire de 15 kilomètres de hautes falaises découpées en aiguilles délicates et crêtes acérées. Les villages qui les entourent agrémentent ces journées exquises sur deux roues. C’est justement dans ces parages que nous avions déniché un endroit paradisiaque pour établir notre camp de base lors d’un premier séjour. Installé dans une ancienne station thermale dans un environnement tranquille orné de jardin-terrasse, arbres matures et piscine.
« N’est pas fou qui monte au Ventoux, est fou qui y retourne » – Dicton provençal
Voilà pour le paradis. Pour l’enfer, le Ventoux s’impose. Que ce soit par Bédoin (1568 mètres de dénivelé) ou par Malaucène (1558 mètres de dénivelé), ce sont 21 kilomètres d’une difficile ascension que vos genoux et votre cœur affrontent. Le chuintement du vent vous laissera savoir que vous vous apprêtez à sortir de la forêt pour bientôt accéder au décor aride, lunaire et aux plantes arctiques. Avant d’atteindre le sommet situé à 1912 mètres, vous verrez défiler la stèle de Tom Simpson, coureur décédé en pleine ascension durant le Tour de 1967. Le Ventoux doit son nom au vent mistral qui y souffle souvent, parfois jusqu’à 230 km/heure!
Bourgogne
On recense annuellement cinq millions de touristes en Bourgogne! Mais n’ayez pas peur du chiffre : en vélo, cette province devient bien souvent une histoire d’amour qui ferait pédaler jusqu’à la lune! La lenteur et le silence de la bicyclette permettent d’être attentif à toute la sensualité qui émane de la vie des campagnes bourguignonnes. À l’époque, c’est sur ces terres que Jules César a établi ses quartiers généraux et que Napoléon s’approvisionnait en vin.
« Les Français sont si fiers de leurs vins qu’ils ont donné à certaines de leurs villes le nom d’un grand cru. » – Oscar Wilde
Chatoyante et onduleuse, la région permet de sillonner la Côte d’Or (au nord) où s’étendent les Champs-Élysées de la Bourgogne et où vous trouverez de prestigieux crus (Vougeot, Nuits St-Georges, Corton, Pommard). Au sud, vous savourerez la vie oisive aux abords des canaux ou dans le tunnel du Boisclair, le plus long du genre pour le vélo en France (il fait 1,6 km). C’est sur la Côte d’Or que j’ai vécu l’une de mes randonnées les plus savoureuses : la Randonnée cyclotouriste des grands crus de Bourgogne. Au menu : repas du midi en plein air et visites de caves à vin. Dure journée!
Si la Bourgogne ne propose pas de défi cycliste corsé comme les Ballons d’Alsace ou le Ventoux, elle n’en demeure pas moins une destination de rêve. Ici, on vous recommandera la visite de châteaux, de jardins, de vignes, de cités médiévales et d’abbayes sublimes. Je vous suggère la compagnie d’un guide à Dijon pour errer dans les hôtels particuliers et découvrir ces bâtisses centenaires.
Encore plus…
Alsace : tourisme-alsace.com • cyclocolmar.fr
La région du Ventoux : ot-beaumesdevenise.com • tourisme-en-vaucluse.com
Bourgogne : vite-en-bourgogne.com• bourgogne-tourisme.com
AU QUÉBEC
Route des vins dans Lanaudière
Exquise trilogie aux abords du fleuve
Au Québec, après la Route des vins de l’Estrie, une autre destination pointe son nez dans Lanaudière. Cette région serait propice à la viticulture pour son sol limoneux et sablonneux qui permet à certains cépages sélectionnés de se gorger d’arômes, de saveurs et de textures. On recense sept vignobles à proximité du Chemin du Roy qui longe le fleuve Saint-Laurent.
Pour un week-end, testez le circuit des Îles-de-Berthier, patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est vraiment bucolique : le réseau de 80 kilomètres mène notamment vers un traversier qui relie l’île Dupas et Saint-Barthélemy. Sur la route, un premier vignoble (le Clos Saint-Ignace) se spécialise dans la fabrication de vins secs et fortifiés. Essayez leur muscat, un vin de dessert. Dédiez votre seconde journée à visiter le Chemin du Roy à la rencontre de trois viticulteurs du coin. À partir de Berthierville ou de Lanoraie, vous roulerez sur la plus vieille route de l’Amérique du Nord dans la campagne paisible aux côtés de résidences ancestrales soigneusement entretenues et d’arbres majestueux. Vous aurez des commerces de légumes écologiques d’un côté et de gracieux voiliers ou paquebots de l’autre.
À Lanoraie, aux « Pieds des Noyers », vous pourrez rencontrer une famille qui concocte du vin depuis six ans, dont l’« Incrédule » nommé ainsi parce que personne dans les environs ne croyait qu’on pouvait faire du vin dans cette région. La famille y fait maintenant du blanc, du rouge, un rosé et des eaux-de-vie. Moins de 700 mètres plus loin se trouve le vignoble Carone où la famille éponyme produit chaque année un millier de caisses de vin à partir du moût de raisins. Ces viticulteurs méritent régulièrement des médailles pour leurs vins rouges.
À Saint-Sulpice, avant de trinquer, il faut utiliser la navette qui traverse le Saint-Laurent pour pénétrer dans un surprenant méandre entre les îles. À un détour, l’impressionnant manoir du vignoble Domaine de l’île Ronde apparaît. On peut ici goûter sept produits différents dont « La Globule » (un vin qui est fait aux pieds!), le « Saint-Sulpice » (élevé en fût de chêne durant vingt mois) ou le « Héron » (un vin blanc aux arômes d’ananas et de citron). Ne reste plus qu’à rentrer, chavirés par ces découvertes, en ayant parcouru 65 kilomètres. Reste aussi l’option de rebrousser chemin en empruntant les rangs Saint-François ou Saint-Jean-Baptiste (à l’intérieur des terres) pour cumuler un total approximatif de 85 bornes.
Encore plus…
/ Tourisme Lanaudière : 1 800 363-2788 • lanaudière.ca
/ Les vignobles :
• vignobleauxpiedsdesnoyers.com
• vignoblecarone.com
• domainedelileronde.com
• clos-st-ignace.com