Vermont : La belle histoire des Kingdom Trails
Depuis 25 ans, les sentiers de vélo de montagne Kingdom Trails, au Vermont, font le bonheur des amateurs du genre, mais aussi des communautés de la région, ressuscitées par ce flot d’activité toujours en croissance. Notre collaborateur est allé y voir de plus près.
« Passez par la route jusqu’en haut et allez au départ de Darling Hill, c’est là que ça se passe! » À peine quelques coups de pédale dans les sentiers de Kingdom Trails que déjà, nous croisons au hasard une amie du Québec.
Chrystal Healy, une habituée des lieux, en profite pour nous donner quelques indications précieuses qui devraient agrémenter notre première journée. La Darling Hill en question est une route de terre surplombée d’immenses érables ; de part et d’autre, des vallons descendent vers les deux branches de la rivière Passumpsic.
Mon épouse et moi nous engageons bien vite sur les sentiers proprement dits : d’abord Bemis, par les prairies, pour ensuite accéder à Troll Stroll, une piste experte qui s’insinue dans la forêt dense, et dont les courbes de rêve ont été dessinées pour bien s’appuyer à 45 degrés. Celle-ci mène bientôt à la plus douce River Run, tout en bas, le long de l’attirante rivière dans laquelle nous nous baignerons bientôt.
Au fil de notre première sortie de quatre heures, le dédale de sentiers nous mène en zigzags par monts et par vaux, toujours dans un décor inspirant et des sentiers impeccables. Elle avait vu juste, l’amie Chrystal.
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De tout pour tous les niveaux
« La première fois que j’ai fait du vélo de montagne, c’est ici, se souvient Chrystal, qui fréquente les lieux depuis nombre d’années avec son conjoint et leurs deux enfants. J’étais un peu réticente mais j’ai été charmée dès le départ. En fait, si quelqu’un pense que le vélo de montagne est trop intense, je le mets au défi de venir ici et de ne pas aimer ça ! »
Chrystal se rend aux Kingdom Trails quatre ou cinq fois par année, comme bon nombre de Québécois, lesquels représentent 50 % de la clientèle. Tellement que certains panneaux d’indication sont bilingues, à East Burke, y compris le long des sentiers.
Du débutant à l’expert convaincu, le vaste réseau de sentiers singletracks (de la largeur d’un vélo, pas d’un quatre-roues!) met des sourires sur tous les visages. Chacun ajuste sa vitesse (et son contrôle) en fonction de ses habiletés et choisit son parcours comme une piste de ski l’hiver : verte, bleue, noire ou double noire.
La chance des Kingdom Trails, c’est d’avoir vu le réseau se déployer sur un sol sablonneux issu d’un ancien lac glaciaire qui reliait l’actuel et majestueux lac Willoughby à la ville de Lyndon. Résultat : le sol se draine naturellement et permet à certaines sections du réseau d’être ouvertes au public 100 % du temps, particulièrement autour de Darling Hill. « C’est la partie waterproof de notre réseau, précise John Worth, pionnier de l’aventure Kingdom Trails depuis les tout débuts.
Au royaume des sentiers
Kingdom Trails, les « sentiers du royaume », portent un nom à faire rêver. On parle ici du royaume du nord-est du Vermont, Vermont’s Northeast Kingdom, un territoire de plus de 5000 kilomètres carrés au sud des Cantons-de-l’Est, en ligne droite avec Sherbrooke. Cette région ne compte que 65 000 habitants et figure parmi les plus pauvres des États-Unis.
En passant par les différents villages entre la frontière et East Burke, on remarque plusieurs bâtiments avec tantôt un arbre qui pousse à l’intérieur, tantôt des fenêtres brisées, un mur effondré ou un revêtement couleur « gris abandon ». L’économie est au beau fixe et les villages à moitié fantomatiques s’égrènent le long des routes.
East Burke et ses 132 habitants ne faisaient pas exception à la règle il y a vingt-cinq ans, à la naissance du réseau de singletracks. La légende raconte que John Worth voulait garder son magasin de ski East Burke Sports ouvert en été, et il s’est donc mis à vendre des vélos. Or, il n’y avait pas vraiment de sentiers dans le coin… Qu’à cela ne tienne, Vince Jacob, son partenaire d’affaires et lui se sont mis à tracer des pistes de vélo de montagne dans les environs, sur le terrain des grandes fermes et dans les boisés près de la rivière East Branch. Le mot a circulé et un groupe d’une cinquantaine de propriétaires terriens ont officiellement autorisé le réseau naissant à se déployer sur leurs terres.
Aujourd’hui, près d’une centaine de résidants donnent accès gratuitement à leur propriété où s’articule d.sormais un réseau de sentiers de 120 km, qui est sans cesse grandissant. Leur retour sur investissement vient des 80 000 personnes qui visitent annuellement le site, injectant des millions de dollars dans l’économie locale pour manger, boire, se loger, faire réparer leur vélo ou acheter un souvenir. « Ça a beaucoup changé depuis que je coupais les premières trails à la hache avec mes amis, se souvient John Worth, toujours impliqué dans le tracé des nouvelles pistes de vélo. Mais ce que je vois aujourd’hui, précise-t-il, c’est exactement ce que j’avais en tête en 1994. »
L’après-vélo
La journée s’achève. Les mollets à vif témoignent des kilomètres de sentiers parcourus, avec un arrêt obligatoire en mi-journée dans la forêt de grands pins du côté du Market Café, au sud-est du réseau. Accessible uniquement à vélo, l’endroit sert sandwiches, thé glacé, biscuits et autres douceurs sous un abri de fortune des plus sympathiques.
En descendant les derniers jouissifs virages de Kitchel vers le village, nous crions encore comme à la première heure. Nous passons sur le pont au-dessus de la East Branch pour atteindre le village. Des dizaines de cyclistes sont assis dans la rivière, les pieds dans l’eau au milieu des rapides, une bière à la main. Si vous croyez que le Québec compte beaucoup de microbrasseries, attendez de voir celles du Vermont, où la IPA règne en maître.
Un grand stationnement gratuit et en retrait de la route est le lieu de transit naturel de plusieurs. Des filets pour des parties de volley-ball improvisées sont installés d’un côté. De l’autre, Mike’s Tiki Bar propose quantité de bières locales, dont quelques-unes, délicieuses, au gingembre ou au pamplemousse. Quelques food trucks offrent un menu de pizzas au four et de généreux burritos. « Ce n’est pas que les sentiers de vélo qui sont beaux ici, commente Chrystal. Tout est beau! Le village, la rivière pour se baigner, les petits cafés et l’âme de l’endroit, la vibe quoi! »
Les endorphines ont été relâchées, l’ambiance est relax. Pour peu, on se sentirait à Tulum dans les années 1990, surtout avec le toit de paille du Mike’s Tiki Bar. Aucun doute, les Kingdom Trails sont un phénomène remarquable :
des sentiers parmi les mieux conçus au monde, une communauté locale authentique qui ne s’est pas égarée dans une commercialisation à outrance, des cyclistes attirés par la passion de leur sport fétiche et un décor enchanteur, au coeur des vallées boisées du Northeast Kingdom du Vermont.
Pratico-Pratique
Droits d’accès : 15 $ par adulte et 9 $ par enfant (8 à 15 ans).
Où dormir : Rustique dans une vieille grange, luxueux dans une maison moderne, en camping familial ou dans le Westfalia au stationnement de Mike’s Tiki Bar, tout les types de logement sont disponibles à Burke. kingdomtrails.org/accomodations
Où manger : À l’une des popottes roulantes autour du Mike’s Tiki Bar, derrière le Country Store (sorte de magasin général figé dans les années 30).
Familles et jeunes enfants : Le Brighton State Park, à 30 km au nord d’East Burke, est un endroit de choix avec petite plage et lac où s’amuser, parfait pour les familles. Sachez aussi que les Kingdom Trails ont un secteur réservé à l’apprentissage, dont plusieurs pump tracks avec obstacles, tout près du stationnement. Un régal pour les tout-petits parfois âgés de deux ans à peine. vtstateparks.com/brighton.html
Location : Réparation, location et achat de tout ce qui concerne le vélo chez East Burke Sports en plein cœur du village et de l’action. eastburkesports.com
Info : kingdomtrails.org