Monts et vignobles de l’Estrie : marche longue distance dans les Cantons-de-l'Est
Les marches longue distance ont le vent dans les voiles au Québec, notamment dans les Cantons-de-l’Est, où on en propose deux particulièrement intéressante : le circuit de l’Abbaye Saint-Benoît-du-Lac et la marche Monts et vignobles de l’Estrie. Notre collaborateur a testé la seconde, au départ de Granby.
J’étais impatient de me lancer à l’assaut du parcours baptisé Monts et vignobles de l’Estrie. Une boucle de 140 km, accomplie en 8 jours, qui a germé dans la tête de Doris Lajoie. Cet ancien homme d’affaires de Shefford, rompu aux longues sorties, s’échine depuis dix ans à faire découvrir le Québec à la force des mollets via le Compostelle québécois, un organisme privé – inspiré de son illustre aîné en Europe – qu’il a fondé avec son grand complice Jean-Marc Donahue, et avec lequel il organise d’autres virées au long cours, notamment le tour de l’île d’Orléans à l’automne.
En mai 2017, j’inaugurais donc avec 16 autres personnes – pour la plupart des retraités habitués à avaler les kilomètres – cette marche pèlerine traversant plusieurs municipalités, dont quelques fort beaux villages : Granby, Adamsville, Cowansville (et son pont couvert enjambant la Yamaska), Dunham, Frelighsburg, Sutton, Knowlton et Bromont, avant un retour à Granby, à la Maison des Trinitaires.
Il faut mentionner le caractère communautaire de ce voyage empreint de camaraderie, Doris Lajoie aimant à souligner qu’il « offre une expérience sociale aux participants ». Cet homme un peu philosophe sur les bords insiste beaucoup sur la convivialité inhérente à ce genre d’expérience : l’important est de passer du bon temps ensemble. Les apéros épicuriens sont d’ailleurs un bon moyen de faire plus ample connaissance avec ses camarades, autour de quelques bières ou bouteilles de vin – et parfois un ou deux digestifs pour conclure ces agapes.
Pour cette grande première de Monts et vignobles de l’Estrie, on a ainsi eu droit à de la liqueur de génépi (élaborée avec une plante aromatique des Alpes, gracieuseté d’un Savoyard venu spécialement de France), mais aussi un peu de whisky agrémenté des conseils avisés d’une marcheuse pour qui cette boisson trapue n’a aucun secret.
Tous ensemble
La vie en communauté implique aussi certaines règles, par exemple mettre la main à la pâte quand vient le temps de préparer les repas. Ça n’empêche pas d’enclencher le mode solo en randonnée, mais disons que si vous êtes sauvage ou très autonome de nature, il vaut mieux passer votre tour. Il faut aussi être capable d’endurer les concertos nocturnes pour ronflements en fa dièse, d’où l’importance d’apporter ses bouchons d’oreille… Ou accepter de se coucher tôt, vers 21 h en général, les levers intervenant sur les coups de 6 h (un bon marcheur est un marcheur qui se lève de bonne heure!).
Lac Brome © Mathieu Dupuis
C’est d’ailleurs pour cela qu’il est conseillé d’apporter sa lampe frontale, très utile pour se plonger dans la lecture d’un bouquin quand les lumières s’éteignent. Les cellulaires ou les tablettes (certaines personnes dans le groupe en étaient munies) peuvent aussi servir de bouée de sauvetage pour les couche-tard.
Où avons-nous dormi? Dans trois églises (dont une anglicane), un camp de vacances et deux anciens couvents, à Dunham et Sutton, où l’imposante Villa Châteauneuf nous a fait l’effet d’un hôtel 5 étoiles, avec ses chambres individuelles sobres mais confortables. Car la plupart du temps, les nuits se passent à même les matelas de sol (qui n’est pas toujours votre meilleur ami) et la douche se résume parfois à un lavabo. Mais c’est aussi ce qui fait le charme de ce genre d’expérience, non ?
Côté tracé, c’est l’asphalte qui domine le parcours, comme c’est souvent le cas avec les marches pèlerines au Québec. Quelques chemins de terre viennent toutefois narguer le bitume, en particulier les jours 4 et 5 [les portions Dunham-Frelighsburg et Frelighsburg-Sutton], synonymes de montagnes russes au pied de la chaîne des Appalaches.
Les quelques belles montées servies aux marcheurs durant ce périple (dont les dernières avant d’entrer à Bromont) expliquent pourquoi ce nouveau chemin est classé de niveau intermédiaire par l’organisation. Il constituera au passage une bonne mise en jambes pour ceux qui souhaiteraient tester leurs capacités avant de s’attaquer à des parcours plus exigeants.
Travailler les gosiers
Pour en revenir au bitume, on parle de routes de campagne où la circulation des voitures se fait rare. Des routes qui traversent des paysages bucoliques constitués de fermes (agricoles et équestres), de champs et de forêts, sans oublier les vergers et vignobles qui bordent le chemin et deviennent des compagnons bien agréables à partir de Dunham, berceau viticole du Québec.
Brasserie Dunham © Tourisme Cantons-de-l'Est
C’est d’ailleurs dans cette localité paisible et proprette que notre petit groupe a eu droit à la première dégustation de vins inscrite au programme, qui en comptait deux. Rendez-vous avait été pris au champêtre Domaine des Côtes d’Ardoise, fort de 50 000 pieds de vignes pour 17 variétés de cépage, et dont les jardins, ornés de sculptures contemporaines, valent assurément une balade.
Les gosiers ne se sont pas fait prier pour goûter aux produits maison, dont du Riesling, une des vedettes de leur cave, mais aussi un blanc sec, un rosé, du cidre pétillant… On a remis ça le lendemain, dans les environs de Frelighsburg, coquet village situé à quelques battements d’ailes de la frontière américaine, avec le réputé saumon fumé et la succulente tarte au sirop d’érable de l’incontournable Magasin général. Cette fois, c’est le Domaine Pinnacle, fer de lance des producteurs de cidre de glace au Québec, qui nous a ouvert ses portes et ses bouteilles, là encore avec de jolis sourires pour accompagner les nectars.
Au fil de cette marche aussi verte que vallonnée, j’ai pris autant plaisir à savourer le silence de la campagne des Cantons-de-l’Est et à humer ses odeurs qu’à admirer le patrimoine bâti de cette région aux propriétés et maisons cossues d’une élégance victorienne. Certaines, pour les plus anciennes ou dignes d’intérêt, vous murmurent leur histoire sur des panneaux d’information. À Knowlton, le musée du comté de Brome, l’élégante maison de l’ancien maire Ernest Fleury et l’imprimerie Smith devenue banque figurent au chapitre des belles découvertes.
La ferme d’élevage d’alpagas Garrick Corners, à Dunham, en fut une autre. Les quelques marcheurs qui s’y sont arrêtés par hasard ont autant été conquis par ces bêtes attachantes que par l’accueil chaleureux de la propriétaire anglophone, qui nous a présenté son exploitation de 42 têtes, complétée par une petite boutique de produits faits à la main à partir de la laine. Une façon de nous rappeler que ce genre de périple mérite aussi d’être vécu pour ses rencontres, qu’elles soient humaines ou pas…
À savoir
Vieux village de Bromont © Ville de Bromont
Deux voitures se chargent d’emporter les sacs à dos, sacs de couchage et matelas de sol, mais aussi de l’eau pour réapprovisionner les participants en cas de besoin, ainsi que tout le matériel nécessaire à la préparation des repas. Ceux qui le souhaitent peuvent marcher avec leur sac à dos.
Les zones ombragées étant quasi inexistantes sur le parcours, il est préférable de se protéger du soleil (écran solaire, chapeau…) quand il darde ses rayons. Parole d’un marcheur qui croyait n’avoir rien oublié...
Le forfait s’élève à 500 $ pour la semaine, incluant les dégustations. Seuls les repas de midi sont à la charge des participants.
À lire aussi : 9 randos de 3 jours au Québec