Vision panoramique dans le Haut-St-Maurice
Entre vallées et falaises, il joue à cache-cache avec la rivière St-Maurice. Tantôt panoramique, tantôt enfoncé dans la forêt, ce sentier méconnu sillonne un territoire au relief accidenté et aux paysages variés. À découvrir, en courte ou en longue randonnée.
Partis des berges civilisées de la paroisse de Carignan un après-midi gris, nous empruntons un petit bateau à moteur qui, sur demande, sert de navette fluviale pour les randonneurs. Situé sur les rives ouest de la rivière, le sentier Haute-Mauricie totalise 47 km au départ de La Tuque jusqu’aux portes de Rivière-aux-Rats. Mais nous disposons seulement de trois petits jours et Éric Pronovost, l’un de mes guides locaux, président du club Kilomètre Zéro, préfère attaquer plus au sud pour entrer de plein pied dans le vif de l’action ! Randonneurs enthousiastes, les bénévoles du Club de marche de La Tuque ont tracé et entretiennent les quelque 60 kilomètres de sentiers pédestres qui serpentent autour de la ville où naquit Félix Leclerc.
Si « Notre sentier »* n’est pas « déchiré par les labours » comme celui du poète chansonnier, il s’avère ardu dès l’accostage sur l’autre rive, où un dénivelé d’environ 200 mètres nous fait face. La section que l’on rejoint, baptisée Rapide-Croche, nous mène en une heure au sommet des premières falaises qui surplombent la rivière. Depuis ce perchoir sauvage, le ruban gris de la 155, décrétée route panoramique par le ministère des Transports, s’étire, minuscule, dans l’immense décor !
Nous suivons les contours rocheux pendant quelque temps encore et profitons de l’horizon à perte de vue, avant de nous enfoncer sur l’autre versant forestier plus encaissé. Trois heures plus tard, une longue descente rocailleuse entre les grands arbres délie nos mollets jusqu’à La Chute, lieu-dit du premier campement où des plates-formes en bois accueillent les tentes.
Là, le bouillon rassurant des eaux qui se jettent en contrebas bercera nos esprits pour la nuit.
Au matin, après une descente à la rencontre de la large chute dentelée, l’itinéraire longe un temps la rivière avant de la traverser sur un petit pont de bois pour bifurquer ensuite en direction du lac Bédard, à huit km de là. Cette section baptisée Colon-Dit-La-Barouette s’avère « panoramiquement » exigeante ! Nous avalons des dénivelés de 300 et 400 mètres puis les laissons filer sous nos pieds pour mieux les rattraper, traversant de paisibles forêts de pins gigantesques, habitées de chevreuils, d’écureuils et d’oiseaux.
À la pause dîner, nous abandonnons les gros sacs et ne gardons que l’essentiel pour descendre à la Faille, attrait situé à quelques centaines de mètres en contrebas du sentier. Pur hasard ou synchronisme parfait, la découverte de cette coupure géologique géante a été faite par Éric et un ami randonneur lors d’un repérage aux prémices du projet Haute-Mauricie. Une aubaine pour ces passionnés dont l’objectif était d’offrir aux amateurs des trésors naturels à contempler au fil du parcours de longue randonnée. Pari gagné !
Bientôt nous rejoignons une succession de barres rocheuses qui tombent sur plus de
200 mètres à pic. Visions vertigineuses… La St-Maurice nous fait de l’œil et nous profitons de ses eaux scintillantes entre les branches épineuses sur une bonne partie de l’itinéraire. Dommage toutefois que les camions transportant le bois soient si nombreux à emprunter la panoramique 155… Nous grimpons encore, puis lâchons le haut de la roche pour redescendre en sous-bois jusqu’au lac Bédard. Prise entre deux monts, la surface placide renvoie au ciel son éclat rose du soir. Tout est calme et nos mots et nos rires résonnent dans le silence de la forêt. Sans doute dérangeons-nous un castor qui nous le fera savoir au creux de la nuit en claquant la surface impeccable du lac ! À minuit, nos regards en quête d’étoiles filantes se décrochent difficilement de la voûte profonde pour laisser le marchand de sable forcer le passage. Au petit matin, le sentier s’achève en pente douce sur le tapis moelleux d’une forêt de pins blancs aux cimes élancées. Le soleil au zénith fait scintiller la rivière St-Maurice et déjà le petit bateau moteur – notre navette — fait entendre le ronron de la civilisation…
* « Notre sentier » est le titre de la première chanson écrite par Félix Leclerc en 1937.
Guide de départ
Le sentier Haute-Mauricie
Longueur : 47 km au départ du stationnement Bourassa (La Tuque) en 7 sections et 3 accès intermédiaires par navette fluviale.
Durée : Différente selon les tronçons, mais en totalité cette randonnée prend de 3 à 4 jours.
Difficulté : Moyenne à élevée avec beaucoup de dénivelé (max de 400 m).
Services : Carte topographique très détaillée du sentier conçue par Éric Pronovost de Kilomètre Zéro, et navette fluviale (1 866 523-8134).
Hébergement sur place : Quatre sites de camping rustique avec plate-forme et un refuge, le tout sur réservation obligatoire.
Infos : Kilomètre Zéro au (819) 523-4653 ouwww.tourismehsm.qc.cahttp://www.tourismehsm.qc.ca et (819) 523-2204