Croatie : mater la côte dalmate à vélo
Désormais bien connue des voyageurs, la Croatie est réputée pour son ravissant littoral adriatique, la côte dalmate. Sous son vernis de destination phare de la Méditerranée, cette région recèle encore quelques trésors méconnus, pour qui prend la peine de faire un pas de côté ou un tour de roue de vélo.
Avec la grande diversité de ses paysages, la Dalmatie forme sans aucun doute l'une des plus belles régions méditerranéennes. Un coin de pays qui gagne à être découvert à vélo, afin de le savourer à petites doses et d’en absorber toute la joliesse lentement, mais sûrement.
Parcourir la Dalmatie sur deux roues, c’est s’écarter des villes trop fréquentées, prendre le temps de sillonner les campagnes et les villages endormis à vitesse raisonnable et humaine, s’arrêter au bord du chemin pour acheter des figues qui sèchent sur de minuscules étals.
C’est aussi s’éloigner des stations balnéaires fêtardes comme Hvar, pour retrouver la quiétude de l’intérieur de l’île et respirer à pleins poumons l’odeur enivrante des champs de lavande, de romarin et de bruyère… et bien d’autres choses encore.
Pendant plus de deux semaines, j’ai sillonné ce pays sur deux roues, de Zagreb à Dubrovnik. J’en rapporte toute une galerie d’images de carte postale, dont voici quelques morceaux choisis.
Du vélo pour tous les calibres
Le littoral dalmate, très bien préservé, est parfait pour ceux qui adorent rouler le long de la mer. Il ne présente pas de grosses difficultés, les contours de la côte étant relativement plats.
Ceux qui veulent un peu plus de défi n’ont qu’à se tourner vers les îles : la région en compte plus d’un millier. Il y a de tout : du simple rocher aux grandes îles où les villes cachent les fantômes d’empires disparus, et dont il ne reste plus que murailles, tourelles ou autres vestiges d’un passé révolu. Ces îles sont desservies toute l’année par des traversiers : il est donc facile de s’y rendre à vélo pour aller se mesurer à des itinéraires souvent accidentés et pentus.
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À cet égard, le meilleur exemple demeure l’île de Brač, sur laquelle on peut faire une ascension d’une vingtaine de kilomètres vers Vidova Gora, la crête la plus élevée de l’île. De ce sommet, perché à 778 m, on jouit d’une vue imprenable sur Bol et la célèbre plage Zlatni Rat, en forme de pointe de flèche. Idéal pour se remettre d’une ascension éprouvante et se rafraîchir en cas de trop forte chaleur…
Dubrovnik, l’incontournable
Surnommée à juste titre « la perle de l’Adriatique », Dubrovnik enchaîne les superlatifs. Unique, sublime, merveilleuse, inoubliable, étourdissante.
La vieille ville, inscrite sur la Liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, est entièrement entourée d’épaisses fortifications médiévales. On peut en faire le tour à pied, sur les remparts, et admirer les tuiles rouges des toits, l’architecture baroque des palais des notables, les églises et monastères moyenâgeux… j’y ai même vu un terrain de basket à l’étroit, raboté dans les coins !
Comme ses édifices, Dubrovnik est baroque (du portugais barroco, qui signifie « perle irrégulière ») et imparfaite parce que sa forteresse résiste difficilement au tourisme de masse. En effet, de nombreux touristes débarquent des bateaux de croisière pour s’engouffrer dans les ruelles exiguës.
L’une des façons de fuir la foule est d’aller pagayer en kayak ou en planche à pagaie (SUP) sur l’Adriatique. La compagnie Adriatic Kayak Tours propose notamment plusieurs excursions guidées d’une journée ou d’une demi-journée.
Zadar, la musicale
Moins connue que Dubrovnik et surtout moins fréquentée, la ville de Zadar ne manque pourtant pas de charme. Cette petite presqu’île, longue de 4 km et large de 500 m, a une histoire riche d’un millénaire et a vu passer une multitude de peuples et d’influences : les Slaves, les Vénitiens, les Français, les Austro-Hongrois, les Yougoslaves.
Aujourd’hui la ville est vivante, dynamique et tournée vers la mer. On y trouve entre autres une création architecturale unique au monde : un orgue marin. En frappant les marches de pierre du front de mer, les vagues s’engouffrent dans un système de tuyaux et de soufflets qui émettent une mélodie aussi harmonieuse qu’hypnotique.
À quelques mètres de là, une autre originalité retient l’attention : le Salut au soleil, un disque de 22 mètres de diamètre composé de panneaux qui emmagasinent l’énergie du soleil le jour, pour produire un magnifique jeu de lumière évoluant au son de l’orgue marin.
Ston, la salée
Petite ville de 549 habitants située à 50 km au nord-ouest de Dubrovnik, Ston n’a rien à envier à cette dernière, du moins pour ce qui est de ses fortifications monumentales : des murs entourent la ville sur 900 mètres et un rempart de 5 km serpente la colline jusqu’à la ville voisine, Mali Ston.
Cette grande muraille, la plus grande d’Europe, fut construite par la République de Raguse (ancienne Cité-État, aujourd'hui Dubrovnik) pour sécuriser la région, réputée pour ses marais salants et source de convoitise, notamment de la part de l’Empire ottoman.
Aujourd’hui, on peut marcher sur les remparts sans crainte d’attaque extérieure, mais encore faut-il pouvoir avaler les nombreuses marches et le dénivelé sans s’époumoner ! Certains coureurs n’hésitent pas à s’y mesurer à l’occasion du Ston Wall Marathon, organisé chaque année à la fin de septembre (le 24 pour l’édition 2017).
Les parcs nationaux, paradis calcaires
Parmi les huit parcs nationaux que comptent la Croatie, plusieurs sortent du lot. Il y a d’abord l’incontournable parc des lacs de Plitvice, à mi-chemin entre Zagreb et Zadar. Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979, ce parc est un trésor aquatique, composé de 16 lacs émeraude et turquoise à l’eau cristalline, reliés entre eux par un enchaînement de 92 cascades et chutes d’eau.
Lui aussi victime de son succès, ce parc voit défiler un million de visiteurs par année, ce qui entraîne parfois de véritables embouteillages sur les sentiers ou les passerelles de bois surplombant les zones humides. Il faut alors s’efforcer de faire quelques kilomètres de plus à pied pour trouver la paix, tandis que la foule des grands jours attend longuement en file indienne que le bus ou le bateau arrivent et les ramènent au stationnement...
Le parc national de la Krka, autre merveille aquatique, s’est constitué autour du bassin de la rivière du même nom. Encore ici, les grandes vedettes du parc sont ses chutes d’eau, notamment la chute Skradisnski Buk, l'une des merveilles naturelles les plus connues de la Croatie.
Cette chute spectaculaire est née d’un phénomène karstique : les eaux ont creusé un chemin dans le travertin et une accumulation de couches végétales (mousses et algues) et de calcium a formé, au fil des années, une cascade spectaculaire présentant 17 « marches » et longue de 800 mètres. Au pied de la dernière chute d’eau, dans le lac tout en bas, de nombreux visiteurs viennent se baigner. Encore ici, pour retrouver la quiétude de la nature, il faut s’écarter et emprunter une série de pontons de bois et de chemins qui serpentent les étangs poissonneux vert émeraude.
Au nord de Zadar, le parc national de Paklenica fait partie du massif du Velebit, barrière spectaculaire entre la Croatie continentale et l’Adriatique. On y observe des phénomènes géomorphologiques fort impressionnants : des affleurements rochers composés de calcaire et de dolomites, un dédale de 95 km2 de crevasses, de gorges, de fosses et de grottes. Pas étonnant que ce parc et ses 400 sites de grimpe soient l’un des lieux d’escalade les plus prisés d’Europe. Malgré sa petite superficie, il abrite également plus de 150 km de sentiers de randonnée, dont certains sont sinueux et ardus.
Les stigmates de la guerre
En 1991, la guerre de Bosnie-Herzégovine éclate entre Serbes, Bosniaques et Croates. Un conflit qui durera jusqu’en 1995. La Croatie fut durement frappée, notamment Dubrovnik qui a essuyé les bombardements de l’armée serbe pendant plusieurs mois : à l’époque, 68 % des 824 bâtiments de la vieille ville ont été touchés par des obus.
Quelque 25 années plus tard, il ne reste plus beaucoup de traces matérielles des combats, à part quelques maisons toujours abandonnées dans les campagnes de l’arrière-pays, avec des impacts de balle apparents sur les murs.
Il reste toutefois des zones de la Croatie où subsistent des mines antipersonnel et antichars, principalement dans les territoires frontaliers avec la Bosnie-Herzégovine et la Serbie. Il faut donc demeurer vigilant en excursion (en randonnée ou à vélo) et ne pas quitter les sentiers balisés, notamment dans les parcs (Paklenica et lacs de Plitivice).
Le poids de l’histoire pèse surtout dans les esprits de certains Croates et le sujet des relations avec les Serbes est toujours sensible.
Gastronomie dalmatienne
Après une bonne journée à pédaler, que peut-on se mettre sous la dent en Dalmatie?
L’influence italienne se fait sentir dans les plats servis dans les restaurants (risottos, poissons grillés, calmars frits…) et dans la dégustation du café sur les terrasses ensoleillées. L’huile d’olive est évidemment présente sur toutes les tables de ce pays méditerranéen.
Mais il ne faudrait pas réduire la cuisine du littoral croate à un copier-coller de l’Italie en moins cher. Le pays possède de nombreuses spécialités locales, notamment le brodet, un ragoût de différents poissons cuits dans du vin blanc et servi avec de la polenta. Le poulpe, très présent dans les eaux de l’Adriatique, est cuisiné dans une peka, une cloche de fonte que l’on place dans la cheminée et que l’on recouvre de braise, où on le laisse mijoter avec des pommes de terre pendant des heures.
Le fromage de Pag (paški sir), fait de lait de brebis, est produit sur l’île du même nom, au nord de Zadar. Une terre spectaculaire, à l’allure lunaire, rocailleuse et battue par les vents de l’Adriatique. Les brebis, forcément robustes, se nourrissent de plantes aromatiques et d’herbes salées, donnant ainsi un goût prononcé au fromage. À déguster avec une figue séchée!
Les becs sucrés seront également bien servis avec des crèmes glacées (sladoled) dignes des meilleures gelato italiennes.
La Croatie est enfin réputée pour ses eaux-de-vie (rakja), qui se déclinent en plusieurs saveurs, telle que le raisin pour la loza ou les herbes aromatiques pour la travarica. À consommer avec modération toutefois, surtout si vous prenez le vélo ensuite : sur les routes, le taux d’alcoolémie autorisé est 0,5 g/l, mais c’est tolérance zéro pour les moins de 25 ans. De toute manière, en Croatie, il est inutile de lever abondamment le coude : les décors naturels, à eux seuls, sont bien assez enivrants…
Pratico-pratique
Quand ?
L’été est très prisé des touristes, attirés par les journées ensoleillées et la douceur de la mer. Privilégiez plutôt septembre ou le début d’octobre; les températures y sont encore très agréables et il y a moins de monde.
Comment ?
Le voyagiste québécois Sur la Route organise des périples de 16 jours en Croatie, entre la fin de septembre et le début d’octobre. Groupes de 8 à 16 cyclistes, hébergement en hôtel 3 ou 4 étoiles, transferts terrestres et transport des bagages compris. Service d’un guide professionnel du vélo, dépannage mécanique et véhicule de soutien.
Formalités
Le visa n’est pas exigé pour les Canadiens qui séjournent en Croatie pendant moins de 3 mois. Seul un passeport canadien (valide 6 mois après la date de retour du voyage) est exigé.
Transport du vélo
Air Transat : 30 $ par vol (airtransat.ca) ; Air Canada : le vélo pour un bagage enregistré (maximum 32 kg)+ 50 $ de frais de manutention (aircanada.ca); Air France : 175 $ (aller-retour); il faut toutefois informer la ligne aérienne au moins 48 h avant le départ (airfrance.ca)
Langue
Le croate; l’italien et l’allemand sont aussi parlés par les Croates qui traitent avec les touristes, plus que l’anglais.
Monnaie
Bien qu’elle soit membre de l’Union européenne depuis 2013, la Croatie ne fait pas partie de la zone euro et a gardé sa monnaie, la kuna (kn). Le taux de change est d’environ 1 $ CAD pour 5 kn.
Pourboire
Le service est compris, mais il est d’usage d’arrondir la note à la dizaine supérieure.
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L’auteur était l’invité de Sur La Route (surlaroute.ca)
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