Vélo, boulot, salaud
Il y a quelques semaines, je suis devenu bien malgré moi le bras armé (ou plutôt le genou animé) de la police de Longueuil.
Les circonstances ? Je rentrais à vélo du boulot quand tout à coup, j’ai aperçu deux flics en train de courir sur la piste cyclable du pont Jacques-Cartier.
Tandis que je les doublais, l’un d’eux m’a interpellé : « Monsieur, je peux emprunter votre vélo ? On est en train de courir après un gars ! »
Je ne sais pas pourquoi, mais je me suis arrêté fissa, et j’ai laissé mon vélo entre les mains du flic. Mon cher gravel bike que je venais tout juste de récupérer après deux semaines de convalescence chez le réparateur.
Sitôt descendu, j’ai regretté mon geste : « Zut ! Il va sûrement sauter de mon vélo en mouvement et le laisser s’abîmer contre le grillage de la piste cyclable, quand il arrivera à la hauteur du fuyard, et mon vélo sera bon pour la casse », me suis-je moi-même sussuré à ma propre oreille.
Sans compter que je me retrouvais dans la fâcheuse position d’être un piéton sur la piste cyclable, chose que j’abhorre par-dessus tout, sur le pont ou ailleurs à Montréal.
« Et si ce gars-là ne méritait pas d’être arrêté, pourquoi devrais-je aider des flics à lui mettre la main au collet ? », me suis-je aussi demandé par la suite – réflexe de l’ex-juriste en moi, trop conscient de la trop fréquente cécité de la justice.
Finalement, mon cher collègue Antoine a eu la présence d’esprit de suivre le flic qui s’est emparé de mon vélo, et il m’a par la suite confirmé que ce dernier (le vélo, pas le flic) avait eu droit à tous les égards dus à son rang de petite reine.
Une fois le malfrat maîtrisé, le flic m’a demandé mon nom pour m’envoyer une lettre de remerciements.
-C’est bon, c’est pas nécessaire. Dites-moi simplement pourquoi vous couriez après ce gars ?
-On le pourchassait depuis trois heures : il avait volé une voiture après avoir battu sa femme…
Un batteur de femmes ? C’est bien fait pour ta gueule, salopard.