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  • © Simon Jolicoeur-Côté

De la Transtaïga à la salle de concert

Samuel Lalande-Markon n’est pas qu’un aventurier et un auteur à la plume agile, il est aussi musicien professionnel. Pour réunir ses trois passions, il présente un étonnant concert-documentaire sur l’une de ses expéditions, la Transtaïga, qui l’a mené de Montréal à Kujjuaq, en 2018.


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Tandis que s’entament les premières notes de l’ouverture de la Passion selon Saint-Mathieu, chef d’œuvre de Bach, le canot double apparaît au bas de l’écran. Puis, il s’insinue dans les méandres d’un cours d’eau avant de dévaler des rapides au ralenti, alors que la musique demeure aussi aérienne que les images. Un peu de portage, un bref survol d’une forêt d’épinettes, et voilà que le chœur embarque, au moment même où le canot réapparaît au cœur de la rivière Ashuapmushuan. Le ton est donné, l’œuvre est lancée, les frissons ont commencé.



On sait à quel point la musique jouit d’un puissant pouvoir d’évocation; on oublie parfois son effet catalyseur lorsqu’elle est couplée à des images puissantes et inspirantes. C’est justement là l’un des éléments scénographiques mis en valeur dans Transtaïga - concert-documentaire, présenté dimanche prochain à la Salle Pauline-Julien, à Montréal.

D’une durée de 1 h 45, l’événement s’adresse aux férus de récits d’aventure et aux amants de la nordicité du Québec, mais également aux mélomanes avertis ou néophytes qui découvriront des arrangements inédits de morceaux choisis du grand répertoire baroque, ainsi que des incursions musicales plus contemporaines.

Sur scène, on retrouvera un comédien (Alexis Déziel), quatre musiciens sur instruments d’époque de l’ensemble Les Boréades de Montréal, une grande surface de projection vidéo ainsi que Samuel Lalande-Markon à titre de narrateur, dans une mise en scène d’Anne Millaire.


© Hugo B. Lefort

Les éléments de récit évoqués font référence à l’expédition Transtaïga 2018, que l’auteur a effectuée avec son partenaire David Désilets, et qui a donné lieu à la publication de La quête du retour. « Mais le contexte de l’expé devient presque secondaire, puisque le but est de nous révéler le pays et le lien qui nous unit à celui-ci, précise Samuel Lalande-Markon. L’idée de la quête intérieure demeure, et au travers du spectacle, on assiste à la transformation du personnage principal joué par Alexis Déziel, sorte d’alter ego de moi qui est happé par la beauté brute, parfois rêche du territoire nordique. »


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Transtaïga – concert-documentaire est né de la volonté de raconter le réel d’une expédition et du territoire nordique québécois avec des éléments de récit, des vidéos et une conception sonore. « Mais il y a également une dimension de poéticité, dans le sens de ce qui nous lie, les humains, au monde qui nous entoure, dit l’auteur. C’est ce que permet l’ajout de la dimension musicale. »


© Simon Jolicoeur-Côté

C’est la musique baroque qui s’est immiscée d’elle-même dans l’expédition. « En 2018, au milieu d’un grand lac qui n’en finissait plus, je suis tombé presque par hasard sur un arrangement d’une cantate de Bach enregistré sur mon téléphone, et j’ai vécu un moment de fulgurance, explique l’auteur. Cette musique [la cantate Wir danken dir, Gott, Wir danken dir] traverse les époques avec son caractère sacré et transcendant, et j’ai l’impression qu’elle décuple le rapport au poétique. »

Outre plusieurs extraits de Bach, on a également intégré de la musique française du 18e siècle (comme la Polymnie de Jean-Philippe Rameau, qui accompagne la marche d’un ours), mais aussi quelques incursions dans d’autres styles, notamment avec Arvo Pärt et Godspeed You! Black Emperor.


Samuel Lalande-Markon © David Désilets

S’il multiplie les expéditions depuis plusieurs années, Samuel Lalande-Markon (qui collabore régulièrement à Espaces) est musicien classique de formation. Après avoir étudié le tuba à l’Université de Montréal et à Mannes College à New York, il a été actif auprès des grands ensembles de la région de Montréal (dont l’OSM et l’Orchestre métropolitain) pendant plusieurs années. Mais la musique n’explique pas tout.

« Après avoir beaucoup réfléchi à la dimension intérieure de l’expédition, l’idée de la quête, je m’intéresse de plus en plus à l’aspect identitaire et collectif du territoire. Le nord du Québec est un lieu qui demeure problématique à plusieurs égards, notamment parce qu’il est inconnu auprès de la quasi-totalité des Québécois. Dans mon entourage immédiat, je ne connais à peu près personne qui est monté au-delà de l’Abitibi, ne serait-ce qu’au sud d’Eeyou Istchee Baie-James. Quand Serge Bouchard disait qu’il faudrait “raconter, filmer, romancer, mythifier, sacraliser” notre territoire, et bien moi, je l’ai pris au mot. »

© Simon Jolicoeur-Côté

Samuel Lalande-Markon le prendra de nouveau au mot en février prochain lorsqu’il entreprendra l’expédition Transboréale, une traversée du Québec du sud au nord, à vélo et en ski. En attendant, l’auteur-aventurier-musicien espère que la première du 18 septembre portera ses fruits et donnera lieu à d’autres représentations de Transtaïga après celle, reportée, de la Maison de la Culture Ahuntsic.

© Simon Jolicoeur-Côté

« C’est compliqué d’organiser des tournées, mais nous sommes convaincus que la proposition suscitera l’intérêt de diffuseurs, conclut-il. On espère beaucoup pouvoir se promener avec le spectacle à moyen terme. » À suivre...

  • Transtaïga – Concert-documentaire, le 18 septembre, 16 h, Salle Pauline-Julien, 15 615 boul. Gouin Ouest, Sainte-Geneviève (Montréal), 35 $
  • Infoboreades.com/transtaiga

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