Pour en finir avec le mal aigu des montagnes
L’ostéopathe Guy Pruneau a pris la route de Namche Bazar, au Népal, en novembre dernier. Une activité normale pour ce Sherbrookois qui trimbale son sac à dos de montagnes en montagnes depuis une douzaine d’années. Sauf que cette fois-ci, il apportait beaucoup plus que son équipement de plein air : sa table de traitement allait faire le voyage avec lui. Son escapade avait un seul but précis : réaliser une étude sur le symptôme le plus commun du mal aigu des montagnes, les maux de tête.
Lui-même affecté par ce malaise en haute altitude, Guy Pruneau rêve de comprendre le phénomène depuis une dizaine d’années. En 2010, il entreprend la lecture d’une multitude d’études sur le sujet. Sachant que le sang oxygéné monte au cerveau par quatre vaisseaux, mais qu’il redescend au cœur et aux poumons par une seule avenue (la veine jugulaire), il pense avoir trouvé la source du problème : et si cette unique avenue était parfois bloquée? Si une obstruction au niveau du cou ou de la clavicule par exemple empêchait le sang de reprendre son chemin, cela créerait une pression et provoquerait des maux de tête. Réalisant qu’aucune étude ne faisait référence à ce retour veineux, Guy Pruneau acheta ses billets d’avion pour le Népal.
Chaque année, on estime à 33 000 le nombre de touristes qui s’engagent sur le chemin de l’Everest. De ce nombre, 50 % affirment souffrir du mal aigu des montagnes, dont 96 % de maux de tête. Motivé et aidé de sa conjointe Patricia, l’ostéopathe sherbrookois installe des dizaines d’affiches au cœur de Namche Bazar, à 3 400 mètres d’altitude. Son souhait? Attirer les touristes vers la table de soins située dans un minuscule hôpital non chauffé où le spécialiste devra travailler avec sa doudoune sur le dos!
Les touristes se font toutefois attendre. Malheureusement retenus par de nombreuses tempêtes, ils sont peu nombreux à se rendre à destination. Le docteur Ang Gelu Sherpa propose alors à Guy de traiter la clientèle locale. Comme des enfants devant un magasin de bonbons, les sherpas sont émerveillés. Ils veulent rencontrer le Blanc aux doigts magiques! D’immenses files d’attente se forment à l’extérieur et le Sherbrookois traite bénévolement ces gens à temps plein pendant près d’un mois. Du lot, de nombreux sherpas de l’Everest qui accompagnent les aventuriers en altitude. Bien qu’acclimatés, ces derniers souffrent aussi de maux de tête en raison des nombreuses charges qu’ils doivent transporter quotidiennement.
Suivent ensuite quelques touristes répondant aux critères de l’étude : être en bonne santé, ne pas souffrir de maux de tête au niveau de la mer et combattre à ce moment-là une céphalée reliée au mal aigu des montagnes. S’assurant d’abord que le cas n’est pas urgent et que le patient ne souffre pas de déshydratation, Guy Pruneau élimine tout blocage au niveau de la colonne avant de se pencher sur le crâne où il libère les sinus veineux pour terminer par une mobilisation du diaphragme et de la gaine de la veine jugulaire. Bref, deux heures et demie de traitement entrecoupé de moments de repos.
Conclusion? La majorité des sept touristes traités ressentent un effet bénéfique et une élimination des maux de tête. Et les impacts sur la dizaine de sherpas de l’Everest? Encore cet hiver, ils affirmaient ressentir les bienfaits du traitement de l’automne dernier. De retour à la maison, Guy Pruneau présente son étude au statisticien Jean-Philippe Turcotte de l’Université de Sherbrooke. Ce dernier lui confirme que l’échantillonnage est suffisant et que les résultats suivent une courbe qui permet de conclure que les traitements d’ostéopathie dans la région de la veine jugulaire ont eu un effet bénéfique. L’ostéopathe est satisfait.
« En connaissant l’impact du traitement, j’aimerais traiter les gens avant leur départ afin de prévenir les maux, en chambre hypobare par exemple. Il faudrait toutefois que je m’assure qu’une fois sur la montagne, ils dorment bien, qu’ils s’hydratent bien et qu’ils montent lentement. Des paramètres très difficiles à contrôler », affirme Guy Pruneau. « Sans compter qu’il se peut que le mauvais retour veineux soit dû à une maladie congénitale. Dans ce cas, le traitement n’aurait aucun effet. Et ça, je ne pourrais jamais le savoir».