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  • © Québec Drône @enduranceaventure/caxtri

Mon premier triathlon extrême

Toujours prêt à relever un défi rien que pour savoir s’il est à la hauteur (et il l’est), notre collaborateur s’est attaqué au Canada Man / Woman de Lac-Mégantic l’an dernier. Voici le récit de son expérience, de la prise de décision jusqu’à la concrétisation. 

– Je ne nage pas! 

C’est la réponse que je venais de servir à mon ami Olivier pour échapper à sa tentative de me convaincre de participer à un triathlon. 

– Eh bien, tu peux apprendre! 

Flûte! Il m’a eu. Et c’est ainsi que je me suis inscrit à mon premier triathlon, le Canada Man / Woman. 

© Michel Caron @enduranceaventure /caxtri

Cet événement, qui se classe parmi les triathlons extrêmes du circuit Xtri World Tour* – à l’image du terrible Norseman –, est vraisemblablement l’ultime triathlon longue distance au Canada : 3,8 km de nage, 180 km de vélo et 42 km de course. Bref, la course se pratique sur une distance de style Ironman, mais avec 4000 m de dénivelé positif dans un décor sauvage, et rien de moins qu’une arrivée grandiose au sommet du mont Mégantic. 

Mais avant toute chose, il me faut apprendre à nager. Pour de vrai. 

J’angoisse et je n’arrive pas à m’endormir : demain, à 44 ans, j’aurai droit à mon premier cours de natation. Et si je n’y arrivais pas? Peut-être est-ce un peu trop ambitieux? Pourquoi ne pas commencer avec un « triathlon Sprint » après tout? Je regrette un peu d’avoir accepté ce défi. 

« OK, nage 50 mètres, on va voir ce que tu es capable de faire! » m’intime l’entraîneur du Club de triathlon Trizone, de Granby. 

Tout haletant, je m’agrippe à l’autre bord de la piscine, après avoir nagé seulement 25 mètres. C’est pitoyable. Par quel miracle vais-je réussir cet exploit? Qu’à cela ne tienne, je persévère, et grâce aux conseils de l’entraîneur, je réalise que nager n’est pas magique, mais bien technique. 

Participer à une telle course me demande un investissement de temps considérable. Pour m’assurer que mon entraînement ne perturbe pas trop ma vie familiale, je nage tôt le matin, je cours ou je roule à vélo pour me rendre au travail, et mes heures du midi défilent en séances de spinning ou de musculation. 

Après neuf mois d’entraînement, je suis au sommet de ma forme physique. Néanmoins, face à la nouveauté et à la taille de ce défi, je n’arrive pas à me débarrasser de ce sale stress qui me colle à la peau. 

6 juillet 2018 : jour des inscriptions à Mégantic 

– Oublie ça, je l’ai loué à quelqu’un d’autre! 

Je suis sonné par la réponse de la propriétaire du chalet… que j’avais loué. 

Elle enchaîne tout bêtement que ce n’est pas de sa faute, mais que c’est dû à une erreur sur son site Web. Je rage et j’enrage. Bien qu’elle me rembourse mon acompte, la nuit tombe, et mon équipe de soutien et moi sommes dans un sale pétrin. À deux jours de la course, tous les hébergements à Mégantic sont réservés à des kilomètres à la ronde. 

Olivier et des amis viennent à notre rescousse et nous hébergent aimablement pour la nuit. Néanmoins, les soucis de la course combinés à l’embarras de me dégoter un autre lieu d’hébergement m’empêchent de trouver le sommeil. 

Le lendemain, en apprenant notre situation, Hébergement Mégantic nous déniche heureusement un joli chalet au bord du lac. 

Dominic, qui forme l’équipe de soutien avec mon épouse, fait une dernière mise au point de mon vélo, et nous repassons le plan du lendemain. J’avale une assiette de pâtes et monte me coucher. Je suis si fatigué par la nuit précédente et par ma journée que je m’endors aussitôt. 

8 juillet 2018, 2 h 45 AM 

Dix minutes avant la sonnerie du réveille-matin, je me réveille, comme si mon corps me disait qu’il était prêt. J’attrape mon cuissard, colle le numéro 43 sur mes bras et mes jambes et croque deux crêpes de blé Kamut dans une ambiance matinale silencieuse. 

Une fois au Centre sportif Mégantic, j’enfile ma combinaison isothermique et je rejoins les participants pour la marche symbolique du vent, qui souligne la tragédie qui a frappé le centre-ville, désormais tristement méconnaissable. 

Lorsque je me glisse dans le lac, un phénomène étrange se produit. L’eau me lave de tout mon stress. Je suis curieusement calme et concentré. 

Je suis prêt. 

3,8 kilomètres de nage 

© Michel Caron @enduranceaventure /caxtri

À 4 h 30 du matin, parmi les cris et les encouragements de la foule, le départ est lancé. Quelques accrochages plus loin, je me taille une place et j’adopte une cadence confortable. 

Il y a un peu de vagues, ce qui me demande de lever la tête plus haut pour m’orienter. Dans cette noirceur, et probablement par manque d’expérience, j’ai un peu de difficulté à distinguer les lumières des bouées de celles des chalets au loin. Deux fois, un kayakiste de sécurité me signale que je m’éloigne du groupe. 

1 h 16 plus tard, je sors de l’eau. 

– Je ne t’attendais pas de sitôt, me lance Dominic. Je suis aussi surpris que lui, je sors dix minutes plus tôt que je l’avais prévu. 

180 km de vélo 

© Marco Bergeron @enduranceaventure/caxtri​​​​​​​

La course s’amorce avec une forte montée. Mes cuisses, encore refroidies par la nage, m’empêchent de développer tout le wattage désiré. Elles ne tardent pas à s’échauffer puisque le parcours de vélo emprunte l’illustre route des Sommets. Or, pour enchaîner ses multiples reliefs généreux en dénivelés, il faut gravir un cumul de plus de 2500 m. Je n’ai pas choisi de stratégie pour cette étape, mais une philosophie. Grimpe, grimpe, et sois heureux de grimper. 

Le parcours est exigeant, et la colline du 80e kilomètre est particulièrement abrupte, mais le moral est bon, et mon équipe de soutien fait un travail formidable de ravitaillement. Au 100e kilomètre, Dominic huile ma chaîne, et je souris devant cette scène. Il y a près d’un an, j’étais en sa compagnie en vélo de montagne, lors du Raid international Gaspésie, et me voilà aujourd’hui pédaleur de bitume au beau milieu d’un triathlon. J’en suis ravi. 

En approchant de la fin du parcours de vélo, j’aperçois à l’horizon l’intimidante côte magnétique de Chartierville qui s’agrippe aux nuages. Du moins, c’est l’impression que j’ai du clou de cette étape : une ascension d’aplomb de plus d’un kilomètre avec 17 % d’inclinaison, sans même un microplat pour se détendre les jambes. Selon la philosophie que j’ai choisie, c’est du pur bonheur. 

« Jamais il ne va mettre le pied à terre », dit Dominic à mon épouse en m’apercevant. 

Appelez cela de la motivation toute crue, de l’orgueil ou une tête de cochon, à ce moment, je m’en fous. J’ai les cuisses en feu. J’ai les muscles tellement crampés que je ne peux même pas me lever pour faire la danseuse sur mon vélo. Je recule un peu sur ma selle, je pointe mes talons vers le fond et je garde le cap jusqu’au sommet, que j’atteins avant que mon faux sourire s’efface. 

42 km de course 

© Wladimir Tougumi @enduranceaventure /caxtri​​​​​​​

Je m’arrête un instant à la transition pour manger une salade de pâtes et pour me masser les cuisses. 

Rien à faire, les crampes ne me quittent pas et me font terriblement souffrir. Tel un manchot qui court sur une banquise, j’arrive à peine à maintenir un rythme acceptable. Je m’en veux d’avoir mal géré mon sel. 

– Chérie! Trouve-moi du jus de cornichon pour mes crampes! dis-je à mon épouse. 

Quinze minutes plus tard, Julie revient avec un demi-litre de cette potion vinaigrée censée vous décramper les cuisses. Un précieux don d’une sympathique famille de Chartierville. Je ne peux m’empêcher de rire devant l’expression de dégoût de ma douce et de mon ami, quand ils me voient ingurgiter le tout. Mais après avoir fait la marche de l’empereur pendant presque une heure, je reprends un pas de course plus normal et l’enthousiasme revient. 

Dominic m’accompagne pour terminer les douze derniers kilomètres de trail. Sa présence est un carburant plus puissant que n’importe quel gel énergisant : un vrai boost de vigueur pour le moral. Le sentier nous fait traverser de superbes points de vue sur la majestueuse vallée de Mégantic. Je me promets d’y revenir sur un mode plus lent et plus contemplatif. 

Le bruit de la foule ainsi que la vue de l’observatoire du mont Mégantic m’annoncent la fin d’une longue journée. Arborant un sourire de fierté et de soulagement, je franchis la ligne d’arrivée avec un temps de 15 h 06. J’avais suivi les conseils des vétérans en laissant mon chronomètre à la maison. N’empêche que lorsque j’apprends que je suis dans le premier tiers des finissants, je savoure de plus belle cette rude aventure. Du coup, me voilà Canada Man! 

Qu’est-ce que cela signifie? 

Au moins une chose : je sais maintenant nager. 

© Michel Caron @enduranceaveture / CAXTRI​​​​​​​


Repères 

Canada Man / Woman 2019 
6 juillet 2018 : Sprint 
7 juillet 2018 : Extrême (peut se faire en équipe ou en solo) 
Inscriptions et info : caxtri.com 
Hébergement : tourisme-megantic.com 

* Le Xtri World Tour est une série de triathlons extrêmes dans un décor sauvage, panoramique et intense qui comprend le Norseman, le Celtman, le Swissman, l’Alaska Man, le Canada Man, le Janoski, le Swedeman, l’Icon et l’Hispaman. En 2020, le premier Championnat du monde Xtri aura lieu sur l’île de Man. Les participants doivent obligatoirement avoir une équipe de soutien pour participer à ces courses. 

xtriworldtour.com 

Ce reportage a été rendu possible grâce aux bons soins d’ostéopathie de Marie-Claude Rainville et des services d’Hébergement Mégantic

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