Pourvoiries : entre tradition et transition
Des activités de plein air non motorisé dans les pourvoiries, est-ce une vraie tendance ou une fausse promesse?
Des plages de sable fin avec des jeux d’eau, du yoga sur planche à pagaie, de la fine cuisine au menu : un vent de changement souffle sur nos bonnes vieilles pourvoiries. C’est du moins ce qu’on entend dire depuis une dizaine d’années, du côté de la Fédération des pourvoiries du Québec (FPQ). Alors, ce virage vers le plein air est-il une réalité?
« Oui et non, nuance Alain Parenteau, directeur du marketing à la FPQ. Les pourvoiries qui sont à proximité des grands bassins de population proposent de plus en plus d’activités non motorisées. Celles qui se trouvent en région éloignée restent centrées sur les activités traditionnelles. »
Les sites Web de certaines d’entre elles sont évocateurs à cet égard : sur ceux du Rabaska Lodge, dans les Laurentides, et de la Pourvoirie du Lac Blanc, en Mauricie, on voit autant de kayakistes que de pêcheurs à la ligne. Le mot « pourvoirie », associé à l’univers « chasse et pêche », a même disparu de leur raison sociale, dans bien des cas.
Un territoire à partager
Reste que l’on continue à pêcher en été et à chasser en automne dans les 600 pourvoiries du Québec. « Les activités de plein air ne sont pas compatibles avec la saison de la chasse, reconnaît Alain Parenteau. Pour la pêche, c’est différent : il y a généralement bien assez de lacs pour se partager le territoire et avoir la paix. »
La paix? Parlons-en : difficile de s’accommoder du vacarme généré par les activités motorisées en pourvoirie : quatre-roues, bateaux à moteur et motoneiges. Là encore, le directeur de la FPQ tempère : « Les régions où il y a de très grands espaces, comme les Hautes-Laurentides ou le Saguenay–Lac-Saint-Jean, sont très fréquentées par les motoneigistes, bien plus que celles, plus petites, qui sont plus près des centres urbains. »
Reste qu’une pourvoirie est une pourvoirie et que, même si elle mise sur le kayak ou la rando, le motorisé lui colle à la peau. « J’ai essayé de promouvoir le ski de randonnée et la raquette il y a quelques années, dit Martin Gamache, copropriétaire de la pourvoirie Rabaska Lodge, à Ferme-Neuve. Ça n’a jamais levé; on vient chez moi pour faire de la motoneige. Mais je sais que dans 10 ans, ce sera différent. »
Vacances en pourvoirie
N’en déplaise aux puristes du plein air, les pourvoiries promettent la quiétude à leurs clients. Et un territoire idéal pour des vacances en famille. Un peu de pêche en matinée pour petits et grands, de la baignade l’après-midi, une sortie de canot au coucher du soleil, et tout le monde est content. Surtout si on peut aussi camper ou dormir en tipi! Ou même observer les étoiles : la Pourvoirie Saint-Zénon, dans Lanaudière, a investi 150 000 $ dans un observatoire!
« On n’aurait jamais l’idée de comparer le milieu naturel des pourvoiries à celui des parcs nationaux, concède Alain Parenteau, mais il faut savoir que celles-ci comptent 2500 chalets ou auberges, soit quatre fois plus que la Sépaq! » Même chose pour la qualité des sentiers de randonnée, pas toujours enlevants, sinon ça se saurait…
Cela étant, le dialogue est ouvert entre les gestionnaires de pourvoirie et Rando Québec : « Cette année, nous avons remis nos normes de qualité à jour, explique Grégory Flayol, directeur général adjoint de Rando Québec. Cet outil est public et chaque pourvoirie peut s’en inspirer pour tracer et entretenir ses sentiers. »
« Nous avons pris le virage plein air il y a une dizaine d’années, explique Cindy Auger, copropriétaire, à 31 ans, du Domaine Bazinet, dans Lanaudière. Nous avons balisé une quinzaine de kilomètres de sentiers pour la randonnée, avons organisé des chasses au trésor pour les enfants, et offrons du canot et du kayak sur nos plans d’eau. La plupart des pourvoiries s’en vont vers ça durant l’été : contenter toute la famille sur un même lieu de vacances. »
Ce nouvel intérêt pour la randonnée ou pour le vélo de montagne est certainement lié à la jeune génération de gestionnaires qui se montrent plus ouverts au plein air; beaucoup de ces entreprises familiales sont reprises par les enfants ou les petits-enfants de leurs fondateurs. Le prêt-à-camper a déjà fait son entrée dans certaines d’entre elles, comme à la Pourvoirie Cécaurel, dans les Laurentides. Idem pour des ateliers de survie en forêt ou d’interprétation de la faune, comme au Club du Lac Victor (Côte-Nord) et à la Baronnie de Kamouraska, dans le premier cas.
Ce changement s’amorce jusque dans la gestion environnementale du territoire, une préoccupation qu’on ne voyait pas il y a encore dix ans. Le Domaine Pine Grove, en Outaouais, défend une approche écoresponsable avec plusieurs mesures prises autant dans la gestion des déchets que dans les sources d’énergie (80 % de l’éclairage extérieur vient de panneaux solaires) ou encore avec un service de remplissage de gourdes d’eau à l’accueil pour éviter les bouteilles en plastique. Signe d’une évolution amorcée vers le XXIe siècle…
Quelques pourvoiries qui se démarquent
Pourvoirie Humanité - Charlevoix
Ses 9 km2 de territoire exclusif se trouvent au bord de la magnifique baie Sainte-Catherine. On y pratique de nombreuses activités : canot, kayak, planche à pagaie, observation de la faune, randonnée, activités aquatiques, vélo de montagne, randonnée équestre, géocache. Des sorties guidées en canot et en kayak sont proposées en groupe. Les sentiers de randonnée n’excèdent pas quelques kilomètres, mais sont connectés à ceux de la municipalité de Baie-Sainte-Catherine et à ceux de Baie-des-Rochers. Hébergement en chalets. Pas de chasse. Lauréat des Grands Prix du tourisme de Charlevoix en 2013. pourvoiriehumanite.com
Kenauk Nature - Outaouais
Cet immense territoire (260 km2) situé au nord de Montebello est l’une des plus grandes réserves fauniques privées d’Amérique du Nord. On y trouve des peuplements forestiers rares et des lacs sauvages exceptionnels. Les sentiers de randonnée totalisent une centaine de kilomètres. Au lac du Poisson-Blanc, on a droit à une plage de sable et à une mise à l’eau pour le canot et le kayak. Deux sentiers balisés, en boucle, sont jalonnés de panneaux d’interprétation. Autres activités : observation de la faune, vélo de montagne, survie en forêt, tour d’escalade extérieure et... sauna flottant. Hébergement en yourte ainsi qu’en chalets rustiques ou luxueux. kenauk.com
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Auberge - Pourvoirie de la rivière Matapédia - Gaspésie
Malgré son petit côté rustique, qui ne manque pas de charme, cet établissement situé au cœur des Appalaches mise sur les activités de plein air depuis cinq ans, dont la descente de rivière en canot ou en kayak, mais aussi des excursions pour plonger en apnée avec les saumons. La pourvoirie est rattachée aux sentiers du parc de la Seigneurie-du-Lac-Matapédia (SIA); on y pratique la randonnée et le vélo de montagne. L’hiver, la pourvoirie ferme, faute de clients. aubergedelarivierematapedia.com
La Seigneurie du Triton - Mauricie
Plus auberge forestière que pourvoirie (même si on y pêche et on y chasse), elle dispose de chalets grand luxe et d’une excellente table gastronomique. Les sentiers de randonnée totalisent une cinquantaine de kilomètres balisés sur un territoire de 47 km2. Aussi, on y pratique l’interprétation de la nature, le canot, le kayak, le rabaska et la planche à pagaie, et on y propose des soirées contes et légendes ainsi que l’observation de la voûte céleste. seigneuriedutriton.com
Essipit - Côte-Nord
Cette entreprise innue possède cinq pourvoiries qui se partagent 385 km2 de territoire. Celles du Club Claire et du Lac Loup sont traversées par des sentiers de randonnée pédestre et possèdent chacune une vingtaine de lacs naturels. On y pratique plusieurs activités : randonnée, canot, kayak, rabaska et baignade. Le milieu se prête à l’observation des ours, orignaux, lièvres, marmottes et renards. Hébergement en chalet, camping, tipi, prêt-à-camper et condo-hôtel. vacancesessipit.com