Mont-Royal : le Golgotha des cyclistes
C’est un débat vieux de 20 ans que la ville de Montréal vient de clore, malgré les arguments avancés par la communauté cycliste, il n’y aura pas de sentiers de vélo de montagne au parc du Mont-Royal.
Réal Ménard, responsable des grands parcs et des espaces verts au comité exécutif de la mairie de Montréal, est catégorique : « Développer le vélo de montagne au parc Mont-Royal, c’est exclu d’office! » La Ville s’aligne ainsi sur la position des Amis de la Montagne, organisation chargée de la protection et la mise en valeur du parc. « Nous sommes préoccupés par la dégradation des sols par l’ensemble des utilisateurs du parc, explique Éric Richard. La forêt est à la limite de sa capacité. Beaucoup d’efforts ont été mis pour maintenir cette biodiversité déjà fragile. Tous nos efforts pourraient être réduits à néant si l’on accepte le vélo de montagne. On ne voit pas comment on pourrait réussir à encadrer cette activité sur un si petit site, sans risque de dégradation du milieu naturel ».
Les organisations cyclistes étaient pourtant optimistes, notamment depuis l’arrivée d’un nouvel intervenant autour de la table : Sentiers Royal, un regroupement de cyclistes de montagne, appuyé par Vélo Québec. Cet organisme à but non lucratif prône la légalisation de la pratique par l’aménagement de sentiers durables et écologiques. Son porte-parole, Gabriel Michaud détaille l’objectif de ce rassemblement, également appuyé par Vélo Québec et soutenu par environ 2 000 personnes signataires d’une pétition appelant à une consultation publique : « Nous voulons créer des sentiers clairement balisés, aménagés pour résoudre et prévenir tous problèmes d’érosion des sols, conçus de manière sécuritaire et accessible pour tous. Nous avons identifié deux zones : au nord et sud de la portion est de Camilien Houde et autour du sommet de la colline Outremont ».
Réal Ménard semble toutefois bien loin d’entendre ce discours et y oppose une fin de non-recevoir : « Ce n’est pas vrai que la marche et le vélo ont le même impact. Cela ne tient pas la route! » Plusieurs études vont pourtant dans le sens des cyclistes. Dans un rapport publié en 2008 par l’Association pour le Développement de Sentiers de Vélo de Montagne au Québec (rattachée à Vélo Québec depuis 2012), son auteur, Jérôme Pelland, rappelait qu’une expérience, menée en 2001 au parc provincial de Borne Valle (Ontario), concluait que « les passages de cyclistes ne produisent pas davantage d'impacts sur la végétation herbacée que les passages de piétons ». Un peu plus loin dans son rapport (toujours consultable sur internet), Jérome Pelland estimait ainsi qu’« il est possible de combiner la préservation d'un milieu naturel à haute valeur écologique et l'utilisation de sentiers durables par des usagers satisfaits de leur expérience ».
« Malgré plus de 50 000 adeptes de vélo de montagne dans la région, Montréal est la dernière grande ville d’Amérique du Nord sans aucune infrastructure adaptée, regrette Gabriel Michaud. C’est le cas de villes plus denses, comme New York ou Toronto ». La métropole de l’Ontario compte une soixantaine de kilomètres de sentiers, répartis dans cinq secteurs de la ville. Plus proche, au Québec, Sherbrooke est aussi citée en exemple comme modèle de bonne gestion environnementale de sentiers pour le vélo de montagne. « La ville a pris le dossier en main quand l’organisation Corridor appalachien a tenté d’exclure les cyclistes du Mont-Bellevue en 2009, raconte Éric Léonard, coordonnateur régional Québec pour l’International Mountain Bicycling Association Canada (IMBA). 300 000 dollars ont été dépensés pour l’étude et la réfection des sentiers. Aujourd’hui, l’activité a été consolidée avec des sentiers durables et de qualité ».
Mais même face à ces réussites, le vélo de montagne souffre encore d’une mauvaise image auprès des décideurs politiques, selon Éric Léonard. « Pour eux, le vélo de montagne, c’est du hors sentier. La circulation sauvage dans les bois, ça n’existe pas! Un cycliste suit toujours le sentier de quelqu’un d’autre. Alors que le piéton est un électron libre. Il a l’avantage de la mobilité. Le coupable est toujours le cycliste, mais bien souvent, c’est le marcheur qui est à l’origine d’un nouveau sentier ».
D’autres sites, alternatifs au Mont-Royal
Le vélo de montagne n’est toutefois pas totalement chassé du royaume de Montréal. La Ville est décidée à développer de tels sentiers ailleurs que sur le mont Royal. « La demande des cyclistes est légitime, avoue Réal Ménard. On est conscient qu’il faut développer une offre de service avec un site pour les accueillir ». Oui, mais où? Plusieurs sites alternatifs au mont Royal ont été listés dans le document de 2008 de l’ADSVMQ : la falaise Saint-Jacques, entre l’échangeur Turcot et la rue Saint-Jacques, la Place des Nations sur l’île Sainte-Hélène, le Complexe environnemental Saint-Michel, 192 hectares dans l’arrondissement de Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, soit le deuxième plus grand espace vert de Montréal, après celui du parc Mont-Royal.
Ce dernier site semble avoir les faveurs de la Mairie, même si, selon Réal Ménard, rien n’est encore décidé : « Nous voulons discuter avec tous les intervenants, Vélo Québec et Sentiers Royal, pour trouver une solution et évaluer les pistes alternatives ». M. Ménard n’a toutefois pas voulu communiquer d’échéancier. Chez Vélo Québec, on confirme le désir de l’administration municipale à faire avancer le dossier. « Nous n’en sommes qu’au début de la collaboration, au stade des premières approches, annonce Francis Tétrault, chargé de projets vélo de montagne. La ville nous a approchés. Des rencontres vont se faire, mais le but exact de notre mandat n’est pas encore clair. Le débat doit arrêter de tourner en rond chaque printemps. Il faut planter une graine de consultation pour enclencher un processus de décision dès cette année ».
Des paroles aux actes, tout reste encore à faire. En espérant que cela ne soit pas de la poudre aux yeux jetée par les politiciens pour calmer le jeu...