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  • Crédit: Fondation Sur la pointe des pieds

L’aventure : outil thérapeutique

Pour des jeunes en difficultés d’apprentissage, atteints du cancer ou de maladie mentale, une aventure en plein air permet de repousser leurs limites et de réaliser des défis. L’aventure devient alors un outil thérapeutique qui permet de vivre pleinement!

Roxanne Bilodeau, 24 ans, a une tumeur au cerveau qui stimule une hormone du stress de façon exagérée. Toutes les deux semaines, elle doit se rendre à l’hôpital pour un suivi médical afin que les professionnels ajustent ses médicaments. Même si sa plus grande peur était de quitter sa famille, à l’été 2013, elle a décidé de prendre part à une expédition de 12 jours organisée par la Fondation Sur la pointe des pieds, qui travaille avec les jeunes de 14 à 29 ans atteints ou en rémission d’un cancer.

Destination : la rivière Missinaibi dans le nord de l’Ontario en compagnie de six autres jeunes. « J’avais déjà fait du camping, mais jamais en complète autonomie dans une région éloignée, loin de ma famille et des centres médicaux. Dès le départ, j’ai dû sortir de ma zone de confort », commente Roxanne qui avoue n’avoir jamais pagayé ni marché autant que pendant cette expédition.

« On cherche à amener nos participants à relever de nouveaux défis suite à leur maladie », explique Michel Leblanc, chargé de projet et guide pour la fondation. Pour Roxanne, ce séjour lui a prouvé qu’elle était en mesure d’atteindre des défis personnels : « Cette expédition m’a permis de repousser mes limites. J’en suis ressortie plus forte. J’ai maintenant confiance que peu importe la maladie ou le problème, je peux avoir des rêves et les réaliser », dit-elle.

Depuis 1996, une trentaine de jeunes par an ont eu l’occasion de participer à une thérapie d’aventure organisée par la fondation. Expédition de chiens de traineaux en Ontario, randonnée de longue durée en Alberta, kayak au Québec ou encore séjour en mer sur un voilier dans les maritimes, chaque expédition est unique. Peu importe l’activité, c’est le moyen qui compte, pas la finalité du projet : « On utilise le plein air comme outil d’intervention. Ça force les jeunes à sortir de leur zone de confort et l’aventure nous ouvre des portes et nous donne des occasions hallucinantes pour intervenir et faciliter le changement », explique Michel Leblanc.

Crédit: Fondation Sur la pointe des piedsEn plus des deux guides de la fondation, une équipe thérapeutique composée d’un médecin, d’une infirmière et d’un intervenant social accompagne l’expédition. La plupart du temps, un blogueur fait aussi partie du voyage pour garder le contact avec la famille et pour donner espoirs aux jeunes atteints du cancer qui n’ont pas pu faire le voyage cette fois. 

Avant le départ, une rencontre a lieu auprès de chaque jeune afin de fixer des objectifs et les moyens pour les accomplir. Puis, un suivi est effectué tout au long de l’aventure. « On prend le jeune ou il est rendu, et on l’amène ailleurs. Tout le monde en sort gagnant », souligne Michel Leblanc. Ces aventures permettent aux jeunes de prendre conscience qu’ils sont capables d’accomplir de grandes choses.

En fait, ces aventures changent souvent la vie des participants, comme ce fut le cas pour Roxanne. « J’ai appris beaucoup de choses en peu de temps. Ça m’a fait un bien fou. Même si j’ai connu une année difficile avec ma santé, je sais que ça ira bien. C’est comme quand on entre dans un rapide inconnu sur la rivière. Je sais qu’il y aura toujours de belles surprises qui arrivent un peu plus loin », dit-elle.

Au fil du parcours, les guides de l’expédition sont même devenus des modèles pour Roxanne. Suivant son instinct et bravant les difficultés, elle s’est rapidement lancé de nouveaux défis. L’hiver dernier, elle a fait la demi-traversée au Défi des deux Mario, qui consiste à faire le tour du lac Saint-Jean en ski de fond et en camping d’hiver. Elle s’est mise à peindre et à dessiner. Elle rêve maintenant de partir à l’aventure au Yukon : « L’expédition était juste le début de quelque chose. L’idée, c’est d’avoir le gout d’accomplir des choses. La fondation nous montre à ne pas s’acharner sur le côté maladie. On est de jeunes adultes qui peuvent avoir du fun », témoigne la jeune professeure qui souhaite transmettre un message inspirant à ses étudiants.

Pour plusieurs jeunes en rémission du cancer, l’aventure leur permet de sortir de la dynamique de la maladie. Selon Michel Leblanc, ça permet aux jeunes d’être autre chose qu’un malade dont on doit prendre soin. Ça leur prouve qu’ils sont capables de faire des choses par eux-mêmes. Ils sont capables de relever des défis, de vivre une expérience de groupe, de prendre le temps d’avoir des amis.

Lors du séjour de Roxanne, le groupe de participants est rapidement devenu un groupe soudé. « C’est difficile pour les gens qui nous entourent de comprendre ce que l’on vit. Avec les participants du groupe, on réussissait à se comprendre sans se parler. C’est devenu des amis qui vont rester. Chaque fois qu’on se voit, c’est comme une petite capsule de bonheur », raconte-t-elle aujourd’hui.

La thérapie d’aventure fait des petits

Pionnière dans le créneau de la thérapie d’aventure, la Fondation Sur la pointe des pieds a mis la table pour la création d’autres entreprises spécialisées dans le domaine, mais qui offrent leurs services à d’autres types de clientèle.

Crédit: Fondation Sur la pointe des piedsFondée en 2006 à Saguenay, la coopérative INAQ (Intervention par la nature et l'aventure-Québec) travaille principalement avec les jeunes qui ont des problèmes de santé mentale. Elle est bien ancrée dans le milieu, et 48 organismes sont des membres utilisateurs de ses services. Selon les besoins, des écoles ou des organismes prennent contact avec l’INAQ pour monter des programmes sur mesure qui mènent à des expéditions allant de deux jours à plusieurs semaines.

« On propose des activités qui offriront des défis aux jeunes. Ces défis les aident à bâtir leurs compétences, dont l’estime de soi et le travail d’équipe. Ils apprennent à vivre ensemble et à se respecter », explique Michel Tremblay, guide pour l’INAQ.

Au cours des dernières années, l’INAQ a entre autres réalisé deux expéditions avec des jeunes autochtones sur le sentier des Jésuites en canot (entre le Lac-Saint-Jean et Québec) et un trek au Népal avec un groupe de jeunes dysphasiques. Des documentaires ont été réalisés sur ces deux projets.

« On offre la nature en cadeau aux jeunes. Ça leur ouvre de nouveaux horizons », souligne M. Tremblay. Depuis six ans, l’INAQ a réalisé plus de 100 programmes d’intervention qui ont touché plus de 2 000 personnes.

Réinsertion sociale en plein air

Le succès de la coopérative de solidarité de la vallée Bras-du-Nord réside aussi dans la thérapie par l’aventure. Depuis 2001, plus de 140 jeunes ont participé activement au succès de la vallée Bras-du-Nord. « Sans le travail effectué par tous ces jeunes, on n’aurait jamais eu les reins assez solides pour devenir l’un des plus gros réseaux de sentiers pédestres hors parc dans la province. C’est eux les réels bâtisseurs de la vallée Bras-du-Nord », souligne Étienne Beaumont, directeur adjoint de la coopérative et responsable du programme de réinsertion professionnelle. La coop offre aujourd’hui 85 km de sentiers pédestres et 80 km de sentiers de vélo de montagne.

En partenariat avec Emploi-Québec, douze jeunes de 16 à 30 ans en réinsertion professionnelle travaillent chaque été pour la coopérative. Pendant six mois, ils entretiennent et développent de nouveaux sentiers. Ils ont aussi droit à des ateliers d’escalade, de survie en forêt ainsi qu’à une ou deux expéditions de cinq à sept jours en canot, en voilier ou en randonnée. « On se sert du contexte du travail dans la nature et des expéditions pour améliorer la dynamique d’équipe et l’estime de soi. Le jeune est constamment dans un contexte d’apprentissage où il dépasse ses limites. On développe ses habiletés pour qu’il soit bien dans son élément de travail », ajoute Étienne Beaumont.

Et tout indique que la formule fonctionne, car 75 % des jeunes retrouvent le chemin du travail ou retournent à l’école après leur séjour dans la vallée!

Crédit: Fondation Sur la pointe des piedsL’aventure arrive en ville

L’entreprise Face aux vents vient de voir le jour dans la grande région de Montréal, pour offrir des services aux jeunes de 18 à 30 avec des problèmes de santé mentale. Pour Jean-Philippe Leblanc, président et fondateur de Face aux vents, la nature n’est que la trame de fond : « On cherche à faire vivre des défis pour développer l’estime de soi des participants », dit-il. Plusieurs jeunes avec qui il intervient ne sont jamais sortis de la ville. La nature devient un excellent prétexte pour l’exploration et l’aventure.

Pour les clients psychotiques, un séjour de randonnée ou de canot en groupe permet d’améliorer leurs habiletés sociales, estime le guide. « À chaque fois, on voit qu’il se passe quelque chose. Sur le terrain, on voit aussi le regard des intervenants changer quand ils s’aperçoivent que les participants peuvent aller plus loin qu’ils le pensaient ».

« Ces aventures n’aideront pas les participants à guérir, mais ça les aide à mieux vivre, à mieux entrer en contact avec le milieu qui l’entoure », conclut-il.

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