Tour du globe à la rame, à pied, à skis et à vélo
Après 720 jours et 43 000 kilomètres parcourus sans aucune autre source d’énergie que la sienne, l’explorateur canadien Colin Angus, 34 ans, est devenu le premier homme à réaliser ainsi le tour de la terre.
« C’est une façon d’inspirer le grand public à réduire ses propres gaspillages énergétiques », explique Colin Angus de retour dans son home sweet home à Vancouver, après deux ans d’un incroyable périple. Des limites du cercle polaire à l’océan Atlantique, « partout, nous avons été témoins de catastrophes écologiques dues au réchauffement climatique global », s’indigne‑t-il, blâmant au passage l’inaction politique du gouvernement Harper dans le protocole de Kyoto. Car cette aventure à pied, à la rame, à skis et à vélo, initialement prévue de Vancouver à Moscou avec Tim Harvey, est d’abord celle d’un homme engagé! Associée à la fondation David Suzuki, l’expédition avancera grâce à une seule énergie : celle de l’humain! Un an avant la conférence de Montréal sur les changements climatiques, leur pari ancré dans le réel prenait aussi valeur de symbole.
Ainsi, dès l’Alaska, les fumées suffocantes causées par les incendies qui ravagent fréquemment la forêt boréale depuis quelques étés, contraignent les aventuriers à modifier l’itinéraire de l’expédition. Obligés de troquer leurs vélos contre un canot, ils descendent finalement la rivière Yukon jusqu’à son embouchure dans la mer de Béring.
Puis ils embarquent en septembre sur un voilier sans voile acheté sur eBay et atteignent à la rame le nord-est de la Sibérie. Rejoints par Yulia, une exploratrice russe qui sera leur traductrice, ils commencent un mois plus tard le premier tronçon de 800 kilomètres d’une marche infernale en région subarctique.
Goulag sibérien
Depuis quelques années, une des conséquences les plus préoccupantes du réchauffement global est la fonte du pergélisol, transformé en marais boueux jusqu’au mois de novembre. Pendant des semaines, l’équipe contourne ce piège mouvant en passant par les rivières, progressant sur de fines couches de glace qui se dérobent sous leurs pieds, maintenant leurs vêtements mouillés des jours durant, sous des températures moyennes de -15˚C. Du « rough and tough! » qui rentre dans le corps et use la machine, se souvient Colin. Après un mois de ce régime, une infection aiguë du rein le contraint à un rapatriement d’urgence au pays pour y subir une opération. Mais pas question d’abandonner! Le périple reprend à son retour en janvier 2005 à skis et à vélos.
Les infinies solitudes glacées dans lesquelles le trio progresse pas à pas à l’aide de cartes souvent erronées sont soumises à d’implacables blizzards. Les rideaux de neige opaques qu’ils soulèvent abaissent la température à d’inimaginables - 100˚C… Pris seul dans une tempête, Colin passe sept heures sous la neige avant d’être retrouvé in extremis par ses compagnons. Rudesse des éléments, promiscuité, conflits, minent quotidiennement le moral du trio, pesant sur les énergies et les esprits. Au printemps 2005, après 7000 kilomètres d’expédition, l’entente se brise entre les deux anciens compagnons. Colin annonce officiellement sa poursuite en solitaire, deux mois avant son arrivée à Moscou en juillet. Il y est rejoint par sa compagne Julie Wafaei, qui devait entreprendre avec une autre canadienne la traversée de l’Atlantique à la rame. Mais cette dernière s’est désistée.
Pour le couple, la boucle est bouclée! Ils vont réaliser ensemble l’ambitieux projet de Colin et rejoindre le point de départ de l’expédition, Vancouver, pour réaliser la première circumnavigation non motorisée et sans autre énergie que celle du corps humain. Le couple quitte la Russie et franchit, pendant l’été, 5200 kilomètres à vélo à travers l’Europe sous des températures caniculaires. C’est sur le rivage du Portugal, qu’ils prennent la mer en septembre, une saison « normalement » calme sur l’Atlantique Nord...
Ébullition océane
Les 10 000 km qui les séparent du continent américain sont programmés en 100 jours. Ils mettront un mois de plus, essuyant deux ouragans et deux cyclones. « Le second ouragan s’est formé dans une zone où ça ne s’était encore jamais produit! », raconte l’aventurier. « Seul au milieu de l’océan, on ressent infiniment sa vulnérabilité quand tous les cargos de marchandises désertent en quelques heures la route exposée ». Le bateau à rames de 24 pieds ballotte alors sans relâche les galériens volontaires pendant des heures, des jours. Quand les rivages de Limon au Costa Rica apparaissent enfin, Julie devient la première canadienne à avoir réalisé une telle traversée! Après cet exploit, les derniers 7500 kilomètres jusqu’à Vancouver ont des airs de cyclotourisme. Cela dit, « nous avons réalisé à quel point l’aménagement d’espaces sécuritaires pour marcher ou pédaler était le meilleur moyen d’encourager ces modes de transports "alternatifs" », remarque Julie. Le couple collecte d’ailleurs des fonds pour contribuer à la réalisation prochaine du Trans Canada Trail. Car « faire du vélo ou marcher n’aide pas seulement l’environnement, mais les gens eux-mêmes à entretenir une bonne santé physique et psychologique », de conclure le premier homme à avoir fait le tour de la terre par lui-même!
Encore plus
expeditioncanada.com