Grimper entre quatre murs
Qu’on se le dise : l’escalade est plus populaire que jamais. Pas celle entre la Corée du Nord et les États-Unis; celle qui se pratique entre quatre murs, sur des prises multicolores. Désormais, toute l’Amérique du Nord se passionne pour l’ascension du parcours vertical, et le Québec n’est pas épargné par la fièvre de la grimpe. Exploration.
Un jeudi soir, non loin d’un complexe commercial désert à cette heure, dans une rue anodine de Montréal. Seuls une porte et un panneau laissent deviner qu’il y a de l’activité dans le coin. Mais à l’intérieur du Bloc Shop, une foule compacte se presse, dont beaucoup de jeunes.
Alexis, Alexandre et Camille sont du nombre. Les trois compères tentent de trouver une solution à un « problème » — une série de prises de couleurs qui détermine les contorsions que les grimpeurs doivent effectuer. Le trio se lance en escalade.
C’est à force de voir des amis s’adonner à l’escalade intérieure et publier des images sur les réseaux sociaux qu’Alexis s’est laissé entraîner. « C’est l’fun! » dit-il. Alexandre, lui, en est à sa première fois, mais il pense revenir. « Mais je dois me refaire les mains », explique le jeune en regardant ses doigts amochés et couverts de craie.
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Les clients types? Il n’y en a pas vraiment : entre ceux qui veulent se garder en forme, ceux qui sont sérieux ou qui cherchent à s’amuser, les étudiants et les professionnels, les grimpeurs de tout type se côtoient. « Il y en a beaucoup qui deviennent accros assez rapidement et qui vont devenir des grimpeurs, explique Cloé Legault, l’une des copropriétaires du centre Bloc Shop. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui incluent ça dans leur routine pour faire du sport, s’amuser et bouger. »
L’endroit représente bien tout ce qui a changé avec l’escalade intérieure en moins de dix ans. Au début des années 2000, la plupart des salles avaient des murs en bois, des prises parfois peu confortables pour les doigts et, souvent, la craie y flottait dans l’air presque en permanence. Ceux qui les fréquentaient assidûment étaient souvent des adeptes d’escalade de rocher qui, faute de pouvoir grimper dehors, s’entraînaient à l’intérieur.
© Bloc Shop Hochelaga © Mathieu Elie
Aujourd’hui, c’est devenu un tout autre monde : les gymnases baignent dans la lumière, les murs sont de grands canevas où s’étalent des dizaines de prises des plus colorées. Sans oublier la musique entraînante sur des haut-parleurs dernier cri, le café et la nourriture servis sur place, les cours de yoga ou d’entraînement. De quoi attirer jeunes et moins jeunes, qui se relaient sur les voies ou les blocs.
Au Québec, de 5000 à 8000 personnes fréquentent quotidiennement les salles d’escalade intérieure, affirme Éric Lachance, de la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade (FQME). « L’escalade à l’intérieur, c’est facile, accessible, peu dispendieux. C’est un peu comme la course à pied », souligne-t-il.
Autre aspect intéressant de l’activité, selon lui : une grande variété de mouvements dans un même rayon, difficilement imaginable à l’extérieur. L’expérience s’avère gratifiante : un débutant pourra évoluer rapidement vers des parcours plus difficiles. « Il y a aussi le volet social, qui est très important », relève Éric Lachance. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour créer une activité attractive, encore et encore.
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C’est apparemment le bloc, cette discipline épurée de l’escalade (voir ci-dessous), qui semble pousser cette croissance. Les coûts moins élevés pour exploiter une salle et le peu de matériel nécessaire en seraient les facteurs déterminants. Mais l’intérêt pour la grimpe encordée ne se dément pas non plus.
En quelques années seulement, le nombre d’endroits où novices et grimpeurs expérimentés peuvent tâter du vertical a explosé. À Montréal, le Mouv’ espace bloc y est le dernier-né. La philosophie y est différente : « On veut que les gens progressent chez nous, et que leur progression leur serve à l’extérieur. Notre façon d’ouvrir est spécifique pour ça », affirme Laurent Fornier, l’un des trois fondateurs de la salle. Et c’est peut-être là où se dirige l’escalade : offrir une expérience unique que les grimpeurs pourront choisir selon leurs intérêts. « Il va falloir que l’offre se diversifie pour satisfaire tous les types de clients », croit Laurent Fornier.
Délire Escalade Ste Foy © Francis Fontaine
Ce phénomène de croissance débridée n’est pas que montréalais : les salles en région se multiplient comme des champignons après la pluie. C’est le cas à Trois-Rivières, Rimouski, Repentigny, Bromont ou en Abitibi, sans compter des projets en gestation dans plusieurs autres villes. L’engouement pour le vertical semble avoir gagné toute la province.
Un exemple : après des années sans aucune salle, la Ville de Saguenay en comptera bientôt deux. Catherine Picard pilote ainsi le projet de la Boîte à Grimpe, qui devrait voir le jour en 2018. « Il y a vraiment beaucoup de grimpeurs dans la région, les commentaires enthousiastes sont nombreux, et les grimpeurs paraissent contents à l’idée de pouvoir choisir entre deux salles », dit-elle.
Ironiquement, le boum de l’escalade intérieure ne se vérifie que peu sur les parois extérieures. Situation paradoxale : pendant longtemps, grimper sur du plastique était considéré comme un simple entraînement pour la « vraie » escalade, celle qui se pratiquait dehors. « Ceux qui grimpent à l’intérieur, ça ne les intéresse pas forcément d’aller dehors », explique Éric Lachance, de la FQME. Peut-être y aura-t-il plus de grimpeurs présents sur la roche au cours des prochaines années, dit-il, mais l’escalade sur plastique semble être devenue une discipline à part entière. Et avec l’escalade qui sera au programme des Jeux olympiques de Tokyo en 2020, il y a fort à parier que la popularité du sport ne se démentira pas de sitôt…
Petit glossaire de la grimpe
Vous avez un ami amateur d’escalade et vous ne saisissez pas exactement ce qu’il fait? Certains termes peuvent paraître abscons et, chose certaine, tous les grimpeurs ne visent pas à monter l’Everest. Entre les alpinistes et les adeptes du bloc, il y a un monde de différence! Voici un petit glossaire pour vous aider à vous y retrouver.
Délire Escalade © Francis Fontaine
Voie ou problème
Lorsqu’il est encordé, un grimpeur va tenter de « faire une voie », c’est-à-dire un tracé — généralement connu — du sol jusqu’à un point fixe sur le mur. En bloc, chaque « parcours » est un problème à résoudre, qui se termine le plus souvent avec le grimpeur qui se tient au sommet d’une roche.
Escalade sportive
La grimpe se fait ici sur des parcours déjà établis, avec des protections fixes dans la roche, où un mousqueton est inséré, avant de passer sa corde dans le mousqueton.
Bloc
Le genre d’escalade le plus dépouillé : la seule protection, ici, est un matelas assez épais déposé au sol, au pied d’une roche de quelques mètres de haut.
Escalade traditionnelle
La voie est généralement dépourvue de protections — le grimpeur les installe au fur et à mesure. Ce sont des pièces de métal, mécaniques ou pas, insérées dans des fissures de la roche qui permettent d’absorber une chute, retirées après l’ascension.
Escalade de glace (et mixte)
Les grimpeurs s’attaquent à des cascades de glace avec piolets et crampons, sur du terrain vertical ou déversant. Les grimpeurs sont protégés par des points vissés dans la glace. L’escalade devient « mixte » quand une voie est également sur de la roche.
Big wall
Le plus souvent, il s’agit de l’escalade traditionnelle dans un environnement alpin — de grands murs de roche grimpés en plusieurs longueurs.
Vertige © Gary Lawrence
Quelques bonnes adresses intérieures
Bloc Shop
Gym de bloc qui possède bon café, beaux problèmes et ambiance décontractée, idéal pour tester sa force de doigts. Deux adresses à Montréal. A-t-on mentionné le café?
blocshop.com
Allez Up
Référence sur la scène de l’escalade dans la métropole, avec ses grands murs et ses blocs adjacents. Les grimpeurs de tous les niveaux pourront y trouver leur compte.
allezup.com
Allez Up © Alex Trudeau
Zéro Gravité
Endroit fort sympathique, bien situé en plein Plateau Mont-Royal. Il est possible d’y faire des « chiens tête en bas » avant d’avoir la tête en bas dans une voie.
zero-gravite.ca
Délire
Le nom incontournable à Québec, avec deux adresses, l’une consacrée au bloc, l’autre qui combine escalade sportive et bloc.
delirescalade.com
Altitude Gym
Pour les gens de l’Outaouais, c’est la salle où trouver de l’escalade sportive et du bloc, maintenant avec deux succursales, dont une à Ottawa.
altitudegym.ca
Vertige
Ou comment atteindre le septième ciel à la force du bras, dans une ancienne église convertie de Sherbrooke.
vertige-escalade.com
Le Mouv’ espace bloc
3500 pi2 de plaisir vertical sur circuits de bloc, pour les niveaux débutant, intermédiaire ou très avancé.
lemouv.ca
Canyon Escalade
Le plus grand centre d’escalade intérieur du Québec, établi à La Prairie, sur la Rive-Sud de Montréal.
canyonescalade.com
Campus Escalade
Salle d’escalade de bloc et d’entraînement intérieur, à Trois-Rivières.
facebook.com/pg/campusbouldering
Horizon Roc
Ouvert depuis 1994, ce centre compte 300 voies, dont une de 15 mètres pour l’escalade de vitesse.
horizonroc.com
Retrouvez une liste complète de tous les endroits où pratiquer l’escalade (intérieure) au Québec sur dewor.ca/gymgrimpe.