Rechercher dans le site espaces.ca
  • Crédit: Antoine Stab

Carl Blondin. Le trappeur.

Trappeur, un métier du passé ? Pas pour Carl Blondin. Ce trappeur des Laurentides, aussi tanneur et taxidermiste, exerce sa passion depuis vingt ans. Loin des clichés de « tueur d’animaux », portrait d’un homme et son métier qui joue un rôle important dans l’équilibre précaire de la faune animale.

 
Antoine Stab : Pour les néophytes, le métier de trappeur est souvent associé à une pratique violente, voire même un peu barbare.
 
Carl Blondin : On visualise toujours le piège avec de grosses mâchoires métalliques. C’était le cas dans les années 60 et 70. Mais aujourd’hui, les pièges ne sont plus aussi cruels. Le trappeur capture des animaux à fourrure à l’aide de pièges dit humanitaires, sans causer de souffrance à l’animal. Le piège est mortel en une fraction de seconde. L’activité de trappage ne se fait qu’en hiver, entre octobre et mars. On ne piège pas d’animaux durant le printemps, l’été ni l’automne pendant les périodes de mise à bas, de sevrage et d’élevage.
 
A.S. : A-t-on vraiment besoin des trappeurs ?
 
C.B. : Un trappeur consciencieux et respectueux va améliorer les populations, leur qualité de vie, tout en assurant un équilibre de la faune, entre les prédateurs et leurs proies, les cervidés ou tous les autres animaux herbivores. Sans trappeurs, on ne retrouverait pas toutes les espèces. Elles ont besoin d’un coup de main pour ne pas disparaître. C’est donc aussi important de connaître la biologie des espèces à fourrure que leurs habitats, leurs habitudes, le nombre de petits pour chaque portée pour savoir combien on doit en capturer chaque hiver. Ce sont les biologistes qui déterminent les dates de piégeage et les éventuels quotas à respecter. Au Québec, on a 15 espèces d’animaux à fourrure, dont deux pour parmi lesquelles on doit respecter un quota : l’ours et le lynx. Pour le reste, on peut en capturer comme bon nous semble.
 

Crédit: Antoine Stab

Envie d’une peau ? Voici les prix moyens des fourrures brutes, avant d’être tannées, par espèce.

Écureuil roux : 1,50 $
Belette : 4 à 5 $
Mouffette : 6 $
Rat musqué : 5 $
Castor : 10 à 30 $.
Coyote : 10 à 110 $
Vison sauvage : 13 $.
Raton-laveur : 15 à 25 $
Renard (roux) : 20 $
Loutre : 45 $
Martre : 65 $
Pékan : 70 $
Ours : 105 $
Loup : 160 $
Lynx (roux) : 55 $ à 295 $
 
A.S. : N’importe qui peut exercer votre métier ?
 
C.B.  : Pour devenir trappeur, on doit suivre un cours donné par le ministère de la Faune qui permet l’obtention d’une carte de piégeur. Si on le réussit, on est piégeur à vie. Dans les années 70, on pouvait vivre de ce métier. Aujourd’hui, c’est une activité plus qu’un métier à part entière, car les fourrures ne sont pas assez payantes. Certaines espèces sont payantes, comme le lynx, le pékan ou la martre, mais d’autres, comme le castor, demandent plusieurs heures de travail pour un faible revenu. Moi, j’ai dû diversifier mon activité afin d’en vivre pleinement, en proposant des services de tannage, de taxidermie, des forfaits de chasse et de pêche, et surtout des excursions de trappage. Le but de ce service est d’arrêter de me faire juger comme un « blesseur » et un tueur d’animaux. Je fais ainsi comprendre aux gens l’importance du trappeur sur un territoire : prospecter et évaluer les proportions de chaque espèce et rétablir un équilibre entre elles. 
 
A.S. : La nature n’est-elle pas capable de s’autoréguler ?
 
C.B. : Je n’y crois pas. Je donne toujours l’exemple suivant : mettez 100 chevreuils et 10 loups dans un enclos immense d’une dizaine de kilomètres carrés.  Que va-t-il se passer? Les loups vont mourir de faim car il n’y aura plus de chevreuils, ils les auront tous mangés. C’est la même chose dans la nature. C’est donc à l’Homme de rentrer dans la forêt et de maintenir un équilibre entre tous.
 
A.S. : Combien y a-t-il de trappeurs au Québec ?
 
C.B. : Environ 15 000 ont suivi le cours du ministère de la Faune, mais des pratiquants comme moi, je ne sais même pas si on en compte plus d’une cinquantaine dans la province. Le reste des trappeurs piègent de manière très occasionnelle. C’est pour cela que je fais aussi des conférences dans les écoles, pour essayer de trouver une relève, car le cas du métier de trappeur est en train de disparaître.
 
A.S. : Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir trappeur ?
 
C.B. : Je trippe sur les animaux depuis que je suis jeune. J’aimais découvrir des empreintes dans la forêt et essayer de savoir de quel animal elles provenaient. C’est une passion personnelle, mais pas familiale. Mon père était barbier et ma mère, secrétaire médicale. Mon arrière-grand-père paternel était un chef amérindien. Peut-être que ce désir d’aller dans le bois me vient de là ! Après le cours de trappage, j’ai suivi des formations en survie, en orientation en forêt, sur les plantes comestibles... Tout ce qui était relié à la faune et à la flore. J’aime toujours en savoir plus sur la forêt.
 
A.S. : Si je voulais devenir trappeur, ça me prendrait quoi comme talents ?
 
C.B. : Il faut être passionné… surtout quand il faut partir à moins 30 degrés dans la neige pour installer des pièges. Solitaire. Minutieux. Souvent, poser un piège va nous prendre du temps et il faut éviter de briser une branche d’arbre, car ça pourrait alerter l’animal et le rendre encore plus méfiant. Discipliné. Piéger certaines espèces exige de suivre des contraintes particulières : porter un imperméable lavé spécialement avec un savon à l’odeur de sapin, des gants et des bottes de caoutchouc préalablement ébouillantés pour neutraliser mes odeurs.
 
Crédit: Antoine Stab
 
A.S. : On fait le trappage de la même façon aujourd’hui qu’à l’époque de votre grand-père ?
 
C.B. : Les appâts, leurs visuels et les éléments olfactifs sont de plus en plus efficaces. On apprend des techniques par le biais de cours de perfectionnement, très dispendieux, pour améliorer nos captures. Les pièges et les leurres évoluent d’année en année. Autrefois, on utilisait des pièges à pattes qui blessaient l’animal, qui cassaient des ligaments. Maintenant, ce sont des pièges entourés de caoutchouc qui ne se ferment pas complètement. Il y a une ouverture qui retient l’animal. S’il tire après le piège pour s’en dégager, il y a un ressort pour éviter des déchirements musculaires. C’est comme un chien attaché à une laisse. C’est la même chose pour les pièges à ours. Désormais, on peut sélectionner la grosseur de l’ours. Les biologistes suivent toujours cette évolution en testant si le piège ne blesse pas l’animal. On doit se plier aux nouvelles conformités en n’utilisant plus les anciens pièges.
 
A.S. : Quels sont tes meilleurs souvenirs en 20 ans de piégeage ?
 
C.B. : J’en ai plusieurs. Capturer un loup, c’est un bel exploit pour un trappeur, car c’est un défi en soi. Ça demande beaucoup de discipline, notamment au niveau du régime alimentaire. Je ne peux pas manger deux œufs bacon, oublie ça ! Je vais sentir même si je prends une douche après. Le loup est un animal très intelligent, à l’odorat très développé, celui qui est le plus difficile à attraper. C’est aussi toujours impressionnant de voir un ours pris dans un piège à pattes. Un peu stressant aussi. Plus il est gros, plus il est mauvais et agressif, plus il ne t’aime pas et veut te charger. C’est une sacrée dose d’adrénaline !
 
Encore plus
cblonletrappeur.com
 
Commentaires (3)
Participer à la discussion!

Marjorie Cadieux - 14/11/2015 11:00
Le seul commentaire que je pourrais émettre à propos de cet article est que la trappe et la chasse ont toujours existé et que malheureusement, pour certain, ça continuera toujours d'exister. Je suis une aimante profonde des animaux et la dernière chose que je veux savoir est qu'ils souffrent. Vos propos m'interpellent car vous jugez sans vraiment savoir tout ce qu'il y a en arrière de tout ça. Vous vous basez seulement sur cet article.

Je vais vous citer l'utilité d'un trappeur:
"Les activités de piégeage ont une
grande influence sur l’ensemble de la faune et
piéger de façon responsable et consciencieuse
contribue à un équilibre qui, malgré le fait que
peu de gens en soit conscient, profite à la société
en général.

Laissez-moi vous démonter les conséquences
d’un déséquilibre et les répercussions
qu’un tel déséquilibre peut entraîner…
Pensons seulement aux sommes investies
par les municipalités pour refaire les ponceaux
et les chemins endommagés par la présence des
castors. Les piscicultures et les pourvoyeurs qui
voient leurs poissons disparaître à cause du trop
grand nombre de loutres et visons dans leurs
lacs. Les agriculteurs et les fermes d’élevage de
chevreuils se plaignent du stress de leur bétail
causé par les coyotes et les ours à proximité. Et
que dire des récoltes de maïs englouties par les
ratons ou les ours… Pensons également aux
chevreuils et orignaux qui subissent la pression
des ours, des coyotes et des loups. Dans certaines
régions du Québec, la population d’ours
est rendue telle qu’elle affecte sérieusement le cheptel d'orignaux"( Yvon Rudacovitch). Et ce n'est que quelques exemples.

Mon conjoint et moi s'alimentont principalement des produits de la chasse et de la trappe. On ne gaspille absolument rien de l'animal. Tout est récupéré... jusqu'aux ossements. On remercie à chaque fois la Terre de nous apporter cette nourriture et nous respectons l'esprit de l'animal en prenant soin qu'il n'y ait aucun gaspillage. Enfin, ceux qui se nourrissent de viande d'élevage et qui s'indignent façe à cette pratique... veillez vous abstenir de commentaires car vous encouragez l'abatage non éthique des animaux qui est 100x plus inhumaine que la chasse et la trappe. Nous avons pris la décision de se nourrir sainement de la nature.
Mylène - 13/11/2015 12:38
Je ne me suis ouvert un compte sur cette page que pour applaudir la réponse de Maxdesbois. Je n'aurais su mieux faire.
Maxdesbois - 13/11/2015 10:38
Il fut un temps, ou, dans nos contrées, la chasse ou la trappe était une question de survie. Puisque l'hiver rendait impossible de se nourrir de cueillette et d'agriculture et exigeait la fourrure pour se vêtir pour ne pas mourir de froid. De nos jours, ce n'est plus le cas, à tout le moins pour l'immense majorité d'entre nous.

Nos ancêtres, je suis aussi algonquin, ne prenait la vie qu’en dernier recours. Ils prenaient le temps de prier pour l’animal qui se sacrifie pour leur survie. Pour l’honorer, rien ne se gaspillait.

La chasse et la trappe sont devenues des sports, des sports de la mort ou de l'exploitation de la faune pour divers usage de plus en plus douteux. On lève les filets mignons et on jette le reste. Tué pour se sentir vivant, pour se détendre, parce qu’on aime la nature…

S’il existe, un déséquilibre, c’est bien l’homme qui l’a créé. Vous me direz que le trappeur veut rétablir le déséquilibre que l'homme à causer, je dis laisser la nature faire, elle le sait mieux que nous se rétablir, comme elle l'a toujours fait.

Cette idée de que la nature à besoin de l'homme pour la réguler révèle d'une prétention ahurissante. Le bilan de l'homme en matière de gestion de l'environnement est un désastre à tout point de vue. Malgré tout, l'homme continue de se considérer supérieur et se donne le droit d'enlever la vie, de gérer la nature à sa place, comme un enfant abandonné.

Que les loups mangent tous les cerfs? C’est ainsi. De quoi je me mêle? C’est à nous de décider quelle espèce doit survivre? On n’a pas à sauver la nature d’elle même.

Arrêtons de se raconter des histoires à la Disney Word, on va se le dire, la réelle fonction du trappeur de nos jours est de gérer la cohabitation de la faune et de l'homme à la satisfaction de celui-ci et seulement celui-ci. C’est une tache ingrate et quelqu’un doit le faire, mais de la à parler d’un sauveur de la nature…

L’art de l’affut, de lire les traces et essayer d’imaginer ce qu’elle ont à nous dire, apprendre à connaitre suffisamment la faune pour pouvoir s’en approcher, de vivre et survivre est certes passionnant, je le sais je le pratique. Mais pour quoi ne pas sortir son appareil photo et tirer de belle images?

Nous sommes aussi des mammifères, nous respirons le même air, buvons la même eau. La meilleure façon de cohabiter avec la faune, c’est de ne pas tout ramener à soi, c’est de l’utiliser avec le plus de parcimonie possible. Moins on s’en mêle, mieux elle se porte.

Quand on aime la vie, la nature, on la laisse tranquille, on l’observe et l’apprécie.