La Laponie à ski
Imaginez le hurlement du vent qui souffle à 100 km/h, pendant que vous essayez de monter votre tente dans la neige épaisse, après une journée entière à faire du ski de fond... Ce fut le quotidien de deux jeunes Rimouskois, durant un projet de vacances qui consistait à traverser la Laponie en ski de fond pendant 52 jours en autonomie complète. Benjamin Grégoire et Emma Malin Larsson peuvent maintenant cocher cette case sur leur liste d’aventures à réaliser.
La Laponie, c'est le nord du Nord. Une région de la Scandinavie qui englobe la Finlande, la Norvège et la Suède, où il y a plus de légendes que d'habitants. Nos deux aventuriers, Benjamin Grégoire et Emma Malin Larsson, sont respectivement coordonnateur de stages chez Katimavik et professeur de philosophie au cégep de Rimouski. Ironiquement, le couple s'est rencontré lors d'un voyage de ski!
L'idée de leur pèlerinage en pays blanc est venue d'un premier voyage de ski de fond dans cette région. Emma, originaire de Suède, connaissait bien l'endroit et les deux tourtereaux voulaient y effectuer une plus longue expédition, en terrain sauvage, pour profiter de l'hiver. La Scandinavie se prêtait plutôt bien au projet.
Après quelques expéditions d'une dizaine de journées, le défi était maintenant d’un tout autre ordre. Faute d'avoir des amis québécois à qui demander conseil, Emma et Benjamin se sont tournés vers la Toile pour trouver des renseignements. C'est notamment pour inspirer d'autres skieurs que le couple a tenu un blogue sur son expérience, histoire de montrer les différentes étapes de la préparation et de leur progression sur le terrain.
Bien avant d'entamer le périple en février dernier, ils se sont beaucoup d'entrainés; comme skier avec un pneu derrière eux, pour simuler l'effet d'un traineau et préparer des semaines complètes de nourriture déshydratée à l'avance. Arrivés sur place, skis aux pieds, les premiers jours ont été l'apprentissage à la dure – entre autres pour les jambes et la gestion du poids. Avec leurs traineaux de 75 kilos chacun, les 20 premiers mètres de leur périple, en pente assez raide, ont été pénibles. Par la suite, l'équipée a trouvé son rythme de croisière et a pu apprécier les steppes blanches de la Scandinavie.
Le froid a été une préoccupation au départ, puis c'est le vent qui est devenu leur pire ennemi du duo durant le voyage : plusieurs vallées, dépourvues d'arbres, laissent danser les bourrasques, au grand déplaisir des skieurs.
Le parcours emprunté par Benjamin et Emma était en grande partie sur un terrain peu balisé, et peu fréquenté : « Il y avait de longues périodes où l'on ne voyait personne », relate Benjamin. Mais rapidement, les anecdotes se multiplient : une femme qui les invite à prendre un sauna dans son refuge, une nuit passée à l'abri d'un gigantesque mur de neige pour se protéger du vent, l'anniversaire d'Emma, célébré entre deux coups de bâtons. À leurs visages un peu euphoriques quelques jours après la fin de leur périple, on constatait bien que ce dernier avait été exaltant. « La plupart des jours, on n'avait pas de destination quand on commençait la journée. On amorçait notre journée et quand on était fatigués, on s'arrêtait. Si tu n'as pas de point final, c'est beaucoup plus facile d'apprécier tout ce que tu fais. J'ai vraiment réalisé ça! mentionne Emma. Ça a été une bonne chose de ne pas se fixer d'objectif quotidien. »
Avec les éléments, le froid, la neige, la fatigue, ce sont les petits trucs anodins qui deviennent des sources de pur plaisir. Se réchauffer les pieds pendant les journées froides, c'est le bonheur. Un repas chaud le soir, bien dormir, difficile de demander mieux. « Quand tu as juste à gérer le froid, la faim et le sommeil, tout devient plus facile, dans un sens. C'est vraiment être dans le présent. C'est un peu cliché, mais c'est ce que ça fait. On n’a pas besoin de grand-chose, finalement, pour être bien », souligne la prof de philo.
À peine le voyage terminé, Benjamin a constaté que tout était plus compliqué au retour dans la vie quotidienne. Avoir une assiette pour manger, éviter les dégâts, décider ce que l'on va manger et boire. « En camping d'hiver, on ne se pose jamais la question sur ce qu'on va manger! » « Et le jour, tu sais ce que tu as à faire, renchérit son amoureuse. Tu te lèves, et tu vas skier. Toute la journée, c'est ce que tu vas faire. »
« En fait, c'est très libérateur pour l'esprit, note Benjamin. Tu as juste à gérer les petites urgences de la vie. C'est fantastique! »
Il y a eu peu de problèmes durant leur voyage. Une fixation brisée ici, des bottes qui craquent là, du salami qui pourrit, quelques journées où le thermomètre est descendu à -30 degrés. Des obstacles qu'ils ont pu surmonter. « En gros, je pense qu'on a été très chanceux. Je m'attendais à un peu plus de souffrances, en fait! », s'esclaffe Emma.
Au retour, il n’a suffi que de quelques jours pour que les deux skieurs se mettent déjà à penser à d'autres périples.
Les possibilités
Dans ce coin-là du monde, « tout est possible » pour les skieurs, précise Benjamin Grégoire. En Scandinavie, le ski est plus présent dans la culture, et plusieurs infrastructures sont construites autour de sa pratique. Des systèmes de refuge sont notamment accessibles en Norvège, en Finlande et en Suède, et les parcs nationaux sont praticables sans auto. Les parcours que peuvent emprunter les skieurs sont nombreux, et avec des difficultés variables. Tous les skieurs peuvent donc trouver ce qu'ils cherchent. Les lois des trois pays traversés par le couple permettent aussi une très grande liberté : tout le territoire est ouvert à la population et les parcs ne sont pas payants. « On peut camper où l'on veut sauf dans le jardin de quelqu'un. Tu es chez vous partout! C'est difficile à imaginer dans le sud du Québec », estime Benjamin.