Entraîner son tube digestif pour mieux performer
L’intestin est un organe souvent sous-estimé par les sportifs. Dans les épreuves d’endurance de longue durée, il est pourtant très fréquent que ceux-ci ressentent des troubles digestifs, surtout par temps chaud et humide. Puisque notre corps jouit d’une extraordinaire capacité à s’adapter, voici comment entraîner son intestin pour améliorer la digestion et l’absorption des nutriments, et ainsi optimiser la performance en compétition.
Adapter son tube digestif à l’entraînement
Lorsqu’on s’entraîne pour un marathon, on prépare ses poumons, son cœur et ses muscles à résister à un exercice intense de longue durée. L’entraînement en endurance permet d’agrandir les cavités cardiaques pour qu’elles puissent accueillir plus de sang et laisser plus de nutriments et d’oxygène circuler. Dans le muscle, les enzymes qui accélèrent certaines voies métaboliques augmentent, ce qui permet de produire de l’ATP (adénosine triphosphate, la première source d’énergie) plus rapidement ou plus efficacement. Le tube digestif s’adapte également à ce type d’effort.
Pendant l’exercice, le sang est redistribué aux muscles afin de leur fournir suffisamment d’oxygène et de nutriments, mais il irrigue aussi la peau afin de faciliter la perte de chaleur et de maintenir une température corporelle stable. Le débit cardiaque au repos équivaut à environ 5 litres de sang par minute et le tube digestif en reçoit environ 20%, mais lors d’un exercice de haute intensité, ce même débit passe à environ 30litres par minute pour fournir environ 80% de sang aux muscles.
De la sorte, bien que la quantité absolue de sang qui circule dans l’intestin ne diminue pas beaucoup pendant un exercice intense, le pourcentage relatif du débit sanguin qui atteint le tube digestif, lui, diminue. En ajoutant les pertes de liquides dues à la transpiration, le flux sanguin intestinal est donc encore plus réduit, ce qui explique la fréquence accrue de symptômes digestifs.
Heureusement, plus on s’entraîne, moins le système nerveux va percevoir l’exercice comme un état de stress, ce qui va atténuer la réduction du flux sanguin intestinal qui se produit généralement lors d’un effort intense. C’est ce qui explique qu’en général, les athlètes d’expérience présentent moins de symptômes digestifs. Il faut donc être patient lorsqu’on se prépare pour une épreuve d’endurance, car le corps a besoin de s’adapter à l’entraînement, autant physique que nutritionnel.
À lire aussi : Dis-moi ce que tu manges, je te dirai comment tu vas
Consommer davantage de liquides
Afin de limiter les troubles digestifs et leur impact négatif sur la performance, il est préférable de consommer suffisamment de liquide pendant l’effort, pour éviter une perte de plus de 2% du poids corporel. Si l’exercice est intense, de longue durée et exécuté par temps chaud et humide, le taux de transpiration peut être très élevé. La quantité de liquide à boire pour éviter la déshydratation peut facilement entraîner des ballonnements et des inconforts.
En ingérant un volume de liquide approximativement égal au taux de transpiration pendant l’entraînement, le confort gastrique s’améliore au fil du temps. Si on prévoit consommer plus de 500ml de liquide par heure durant une compétition, il serait préférable de s’exercer à consommer ce même volume pendant l’entraînement, tout en s’assurant d’avoir un apport suffisant en sodium (environ 500mg de sodium par litre de liquide) pour éviter les risques d’hyponatrémie (faible taux de sodium dans le sang).
Consommer davantage de glucides
À mesure que les réserves de glucides diminuent pendant l’effort, la production d’énergie et de contraction musculaire diminue aussi, car les acides gras deviennent une source de carburant de plus en plus dominante. Ainsi, pour un exercice pouvant durer jusqu’à deux heures, un apport en glucides d’environ 60g par heure est recommandé, mais lorsque l’exercice perdure deux heures ou plus, jusqu’à 90g de glucides par heure seraient recommandés pour maintenir la performance.
Dans l’intestin, ce sont les transporteurs (des protéines qu’on appelle SGLT1 et GLUT5) qui déterminent la vitesse à laquelle les glucides sont absorbés. On peut faire une analogie simple avec une sortie d’autoroute. La vitesse à laquelle les voitures peuvent en sortir en empruntant une bretelle est limitée, et lorsqu’il y a trop de circulation, les véhicules ralentissent et créent une congestion, tout comme la surconsommation de glucides va en entraîner une accumulation dans le tube digestif. La quantité de glucides qu’on peut digérer et absorber se limite généralement à 60g par heure, alors un apport supérieur crée un surplus de glucides dans l’intestin, ce qui mène à des crampes abdominales, des flatulences et de la diarrhée.
Si on prévoit consommer plus de 60g de glucides en compétition, il est préférable de s’y exercer plusieurs semaines à l’avance en ingérant les quantités d’aliments qu’on prévoit consommer pendant l’effort pour s’assurer que le tube digestif s’adapte et puisse les assimiler plus rapidement. Pour ce faire, il est préférable d’ingérer un mélange de glucose et de fructose pendant l’effort, afin d’accélérer l’absorption des glucides par les transporteurs.
On peut atteindre cette combinaison grâce aux boissons sportives commerciales contenant un mélange de glucose et de fructose, ou encore en avalant un sandwich au miel ou des boules de riz collé avec de la confiture. De plus, une alimentation élevée en glucides (féculents, fruits, sucre) dans les jours précédant une compétition permettra non seulement de favoriser une bonne réserve d’énergie dans les muscles, mais aussi d’augmenter la vidange gastrique, de même que la quantité et l’activité des transporteurs de glucides dans l’intestin.
À lire aussi : Suppléments de protéines : bénéfiques ou risqués?
Consommer davantage de gras
Contrairement aux glucides, les gras consommés pendant l’effort ne contribuent pas à améliorer la performance. Toutefois, pour un athlète qui doit performer à une faible intensité pendant plusieurs heures ou plusieurs jours, l’absorption de gras peut être bénéfique comme source de calories. Comme ceux-ci forment un nutriment dense en énergie, ils permettent d’emporter avec soi moins de nourriture, ce qui est particulièrement apprécié lors d’épreuves en autosuffisance alimentaire. Dans ce cas, le fait de privilégier une alimentation riche en gras, soit plus de 55% de l’apport énergétique, peut aider à accélérer leur vidange de l’estomac et faciliter le confort digestif pendant l’épreuve. Toutefois, l’adaptation peut être plus longue que pour les glucides.
En conclusion, l’intestin est un organe qu’on peut entraîner à boire et à manger en plus grande quantité, et qui s’adapte aux nutriments que l’on consomme. Entraîner son tube digestif permet d’améliorer principalement le confort gastrique pendant l’effort, mais peut aussi accélérer la vidange de l’estomac et l’absorption des nutriments, permettant ainsi de réduire les risques ou la sévérité des symptômes digestifs en compétition.