Travailler dur, jouer dur… et le payer cher ?
La semaine, ils abattent le boulot, volent d’un rendez-vous à un autre et assurent le bonheur de tout un chacun. La fin de semaine, ils gravissent des montagnes, domptent les kilomètres ou enchaînent les matchs. Ce sont les weekend warriors.
L’expression anglaise a plus de gueule que le péjoratif « sportif du dimanche », qui se classe juste au-dessus du « sportif de salon » et dont le dimanche tombe souvent la semaine des quatre jeudis!
Le lundi, Rebecca Gagné, physiothérapeute à la clinique Stadium PhysiOstéo, a un agenda bien rempli : « Le weekend warrior est typiquement dans la trentaine ou quarantaine, généralement un homme. C’est un sportif qui était plus actif dans sa jeunesse, mais dont les occupations professionnelles et familiales lui laissent de moins en moins de temps pour bouger. La fin de semaine, il compense en étant très intense », définit la physiothérapeute.
« Le weekend warrior ne s’entraîne pas : il pratique une activité sportive », continue Nicolas Boisclair, kinésiologue à Myocardio. Et comme les longs treks, les centaines de kilomètres sur deux roues et les tournois de basketball se glissent difficilement à l’horaire du lundi au vendredi, vivement le week-end.
Sportif à temps partiel, intense à temps plein
Par manque de temps ou d’intérêt, le « guerrier de fin de semaine » confine ses prouesses athlétiques à la fin de semaine. Ses membres se reposeront lundi, se dit-il. « Le problème, ce n’est pas seulement leur intensité sportive la fin de semaine, c’est l’intensité de leur rythme de vie tout au long de la semaine. Souvent, leurs responsabilités font en sorte qu’ils accumulent du stress, ne dorment pas assez et ne mangent pas sainement. Le corps ne fait pas la distinction entre la vie et l’entraînement. La charge de stress s’additionne. Un corps fatigué risque davantage de tomber malade, et de se blesser », met en garde Rebecca Gagné.
Ce ne sont donc pas que des muscles endoloris qui peuvent ralentir la sortie du lit le lundi. Les blessures traumatiques, comme les claquages musculaires, les ruptures de tendon et les fractures, sont fréquentes et nécessitent plus que quelques jours de repos, une ou deux ibuprofènes et de la glace « quand on y pense ».
« Les guerriers qui pratiquent un sport de groupe entre amis sont particulièrement à risque : ils ont la confiance de leurs exploits passés, ils n’ont plus la forme physique qui y était associée, ils pratiquent un sport où les risques de chute ou d’accrochage sont élevés et ils se retrouvent dans un contexte compétitif où ils n’écoutent pas les signaux de leur corps. Si en plus leurs réflexes sont moins bons à cause de la fatigue, les risques se multiplient! » explique la physiothérapeute.
Les sportifs qui s’adonnent à des sports plus calmes pendant de longues heures ne sont pas exemptés de tout danger. Des blessures de surutilisation (comme les fasciites plantaires) peuvent se développer en quelques heures, voire quelques minutes lors de la pratique de sports répétitifs à forte demande comme la course à pied. Qu’elles résultent d’un traumatisme ou d’une surutilisation, ces blessures prennent en moyenne quatre à six semaines pour guérir, si elles sont relativement mineures. Autrement, le temps de guérison peut se compter en nombre de mois. La récupération devra donc prendre plusieurs lundis…
Mais, pourquoi?
Faire du sport contribue au développement d’une meilleure forme physique. Mais être en bonne forme physique est important pour pratiquer bien des sports. S’enliser dans une réflexion paradoxale sans fin (du genre de « l’œuf ou la poule ») n’est pas la solution. La forme se développe progressivement, et on peut pratiquer un sport à tout niveau de forme. C’est son intensité qui doit être apprivoisée tranquillement.
« Les weekend warriors dépassent les balises confortables d’adaptation du corps et poussent dans les zones de blessure. Souvent, ils se mettent dans une situation où ils ne peuvent pas faire autrement à cause de la pression de l’équipe ou du sommet d’une montagne à atteindre. À toujours jouer dans les zones extrêmes, sans être préparé physiquement, on s’expose aux risques de blessure », prévient Rebecca Gagné.
Mais avant, ça fonctionnait!
Ce qui fonctionnait pendant la vingtaine fonctionne moins bien à la fin de la trentaine, et puis plus péniblement après la quarantaine. En vieillissant, nombreux sont ceux qui ont remarqué la diminution du rythme de récupération du corps après une soirée bien arrosée. Le foie n’est pas le coupable : tout le métabolisme ralentit au-delà du cap de la trentaine. Du coup, le corps récupère plus lentement de tout effort physique. La perte musculaire s’ajoute aussi à ce déprimant scénario, de sorte que le corps moins soutenu musculairement devient plus fragile.
« Dans la vingtaine, rares sont les weekends warriors qui se blessent, à moins d’un accident quelconque ou d’une fragilité causée par une condition particulière, par exemple une blessure antérieure. Vers quarante-cinq ans, ils sont aussi moins nombreux, parce qu’un bon nombre travaille en mode prévention. Le pire âge, c’est la trentaine, car on se croit alors toujours invincible, et l’on n’a pas encore eu sa leçon », décrit Rébecca Gagné.
Faire ses devoirs avant d’avoir sa leçon
D’abord, tous les professionnels s’entendent : être actif une fois par semaine, c’est beaucoup mieux que d’être sédentaire à temps plein. Le danger en étant intense qu’une fois par semaine est de se blesser, et de retourner à une sédentarité forcée. Pour que le corps soit prêt à accepter une grosse charge ponctuelle, en volume ou en intensité, il doit être préparé. Et comme l’entraînement se définit justement comme une préparation physique, on n’y échappe pas!
La musculation est particulièrement importante pour freiner la perte musculaire associée au « temps qui passe ». Toute personne qui aime pousser la machine humaine à ses extrêmes devrait s’assurer d’avoir une masse musculaire solide pour encadrer son ossature et ses tendons.
Les étirements permettent quant à eux de réduire les effets néfastes de la sédentarité, afin de se présenter le samedi avec un corps qui tient la route. Toute activité physique quotidienne, comme promener le chien ou se déplacer à vélo, a aussi ce même impact positif, en plus des bienfaits cardiovasculaires, particulièrement si l’on fait pomper le cœur de temps à autre.
Il vaut donc mieux se fier à son horaire et à ses intérêts que de s’imposer un plan. « L’important pour la forme générale, c’est la constance. Il est donc préférable de trouver une fréquence et un genre d’entraînement qui nous convient, et de les maintenir », suggère le kinésiologue, Nicolas Boisclair.
« Certains vont préférer un exercice et trois étirements à faire tous les jours, pendant un petit dix minutes et d’autres suivront une séance de musculation dirigée une fois par semaine avec leur équipe de football. Un petit peu, chaque jour, c’est mieux, et un peu plus qu’un peu moins, mais un plan préférable qu’on ne suit pas ne vaut rien », explique Nicolas Boisclair.
Et la fin de semaine…
Si la préparation du corps au cours de la semaine se glisse difficilement à l’horaire, il faut encadrer l’effort intense d’un échauffement et d’un retour au calme. Selon votre sport de prédilection, l’échauffement peut prendre la forme d’un court jogging, d’une marche, de moulinage, etc. Échauffés, les muscles sont plus souples et moins vulnérables. Un retour au calme après l’activité permet quant à lui d’accélérer le processus de récupération du corps en activant le rejet des toxines et de ralentir doucement le rythme cardiaque, réduisant ainsi le dangereux risque de malaise post-effort. Une utilisation régulière et un entretien de base de votre équipement le plus important, votre corps, vous permettront de vous éclater dans vos projets fous de fin de semaine encore longtemps!