Jean-François Fullum : le Québécois qui fait courir le monde
L’homme qui est à l'origine de la chaussure de course la plus légère au monde vient… d’Abitibi! Jean-François Fullum n'a pas terminé de faire parler de lui et de ses créations.
« La semaine passée, j'étais à Tokyo, au Japon. C'est sûr que ça fait un peu bizarre de voir des gens au marathon de Tokyo porter tes chaussures! », dit Jean-François Fullum en riant. Son métier consiste à fabriquer les meilleures chaussures de course possible. C'est lui, le génie derrière le soulier RC 5000 de New Balance, une paire de chaussures plus légère qu'une cannette de thon. À 175 grammes, c'est aussi la chaussure de course la plus légère au monde!
Pour le jeune homme de 35 ans, le chemin a été long avant d'en arriver à la course. « En fait, je me suis promené pas mal depuis que je suis parti de Val-D'Or! », dit le principal intéressé. Passionné de sport et diplôme de design industriel de l'Université de Montréal en poche, Jean-François Fullum commence sa carrière chez Nike, à Saint-Jérôme, en 1996. Il fait ses premières armes sur des patins à roues alignées, pour ensuite s'attaquer à l'équipement de hockey. Après avoir travaillé sur des chaussures de soccer, c'est en 2004 qu'il s'attaque à la course à pied. Il se joint à l'équipe de New Balance en 2008, pour devenir gestionnaire du groupe de la course à pied, à Boston.
Il arrive au moment où le monde de la chaussure de course est en plein changement. L'industrie se fait bousculer par le mouvement de la course pieds nus, le barefoot running. L'engouement soudain pour les chaussures minimalistes force New Balance à revoir ses modèles : « Auparavant, les chaussures étaient traditionnelles. C'était 24 millimètres de semelle à l'arrière, 12 à l'avant, explique Jean-François Fullum. On a passé beaucoup de temps là-dessus au cours des dernières années, à réévaluer ce qu'on faisait, et pourquoi. Le consommateur se montre aussi plus ouvert à toutes sortes d'idées. »
La course dans le monde C'est le même sport, mais il est pratiqué différemment selon que vous vous trouvez en Espagne, en Norvège, au Japon ou au Canada. C'est le constat que fait Jean-François Fullum, après ses sauts de puce un peu partout sur la planète. « C'est totalement différent, c'est incroyable! s'exclame-t-il en parlant des différences géographiques. Le climat n'est pas le même, les disciplines pratiquées non plus. Ce sont quelques-uns des facteurs qui influencent les chaussures que les gens vont acheter. Les Espagnols préfèrent les couleurs vives, éclatantes, parce qu'il fait chaud, explique le designer. Ils sont également de plus petite stature, ils portent donc des chaussures plus légères, du type racing flats. Alors qu'en Suède ou en Norvège, ils veulent des chaussures plus sportives, orientées davantage vers l'entraînement, la biomécanique et le côté technique. Et tu vas en Allemagne, en France ou en Italie, et c'est complètement différent! » Avec l'Inde qui se met aussi à la course – le nombre de participants a doublé au marathon de Mumbai depuis 2004, et le pays compte un nombre incalculable de courses – il va sans dire que le marché mondial est encore en pleine expansion, et que Jean-François Fullum n'a pas fini de se promener sur le globe. |
C'est le côté « technique » de la course qui branche le designer, qui doit tenir compte de plusieurs facteurs pour ses conceptions : biomécanique, épaisseur des semelles, poids et durabilité. « Ça fait 12 ans que je fais de la chaussure et chaque année, on trouve toujours quelque chose à améliorer! » Jean-François Fullum compte parmi ses créations le 890, un modèle devenu assez populaire. Ces jours-ci, il travaille à la quatrième mouture de cette chaussure.
Avec son rôle de gestionnaire chez New Balance, il prend plus de temps pour développer chacun des modèles sur lesquels il pioche. Le jeune homme ne conçoit plus que quatre ou cinq chaussures par année, en travaillant davantage sur l'innovation. Le gros du travail, c'est l'équipe de quatre designers sous sa responsabilité qui s'en charge.
Ce métier, c'est avant tout une passion avant d'être un travail de 9 à 5 : « Des fois, tu te réveilles en plein milieu de la nuit, parce que tu essaies de résoudre un problème! » Contrairement à d'autres designers qui restent dans l'ombre, il n'est pas rare de lire un commentaire signé Jean-François Fullum sur des sites Internet ou sur un blogue de mordus de la course. Il n'hésite pas non plus à répondre à des questions sur le site de la compagnie. Grâce à cette interaction virtuelle, il dit apprendre beaucoup : « Quand on sort de nouvelles chaussures, je suis curieux d'aller voir ce qui se dit. C'est toujours bon de savoir ce que les gens pensent. Ça m'aide à choisir une direction pour nos prochains produits. »
Poids plume
Ironiquement, Jean-François Fullum préfère le vélo à la course. Ce n'est donc pas surprenant d'apprendre qu'il s'est inspiré d'un vélocipède pour créer ses fameuses chaussures ultralégères, les RC 5000. « J'étais à une exposition de vélo, à Las Vegas, en 2010, et j'ai vu ce vélo-là, qui pesait 6 ou 7 livres. En revenant au bureau, je me suis mis au défi de concevoir les chaussures les plus légères au monde. »
L'exploit n'est pas le seul intérêt derrière le poids plume : « Cette chaussure-là, c'est la même raison pour laquelle les compagnies automobiles s'impliquent en formule 1. C'est pour développer de nouvelles technologies, tester nos limites en termes de production. Éventuellement, ce que tu développes en F1, tu vas le retrouver un jour sous le capot de ta voiture dans cinq ans. » La chaussure du futur est donc déjà en train de se faire fabriquer. D'après le jeune homme, les matériaux et les méthodes de construction seront les deux facteurs qui changeront ce que nous porterons bientôt pour faire notre course du matin ou nos demi-marathons. Les matériaux sont de plus en plus légers, tout en étant plus résistants. Par exemple, la nouvelle technologie développée par New Balance pour ses racing flats est la combinaison de deux matériaux superlégers qui, fusionnés ensemble, donnent un ensemble résistant. La technologie « sans coutures » change également la donne. Cela crée une chaussure mieux adaptée au pied, donc plus confortable.
Le futur, c'est aussi une chaussure « plus intelligente » à son avis. Plus spécifique pour un type de coureur, un type de pied, un produit plus « personnalisé », explique-t-il. Pour y parvenir, il échange beaucoup avec les athlètes de New Balance. « Ça nous aide à développer de nouveaux trucs qui vont éventuellement se retrouver sur les tablettes pour monsieur madame Tout-le-Monde. »
Va-t-il tenter de créer des chaussures encore plus légères? « On continue de regarder côté légèreté et souplesse, explique-t-il, mais il y a des limites. On a fait des prototypes de chaussures qui pesaient 2,5 onces (à peine 110 grammes!), mais on sacrifiait beaucoup de durabilité, donc elles auraient duré à peine 50 kilomètres... »
Constamment à la recherche de nouvelles idées, les designers de New Balance n'hésitent pas à grappiller ailleurs : un morceau de vêtement par ci, une nouvelle technologie automobile par là. « On voyage beaucoup pour essayer de voir ce qui se passe dans d'autres domaines que la chaussure. On va dans des shows de voiture, de plein air, de vélo. Ce sont des domaines techniques, donc ça se rapproche assez de ce qu'on fait », dit-il.
L’année 2012 sera chargée pour Jean-François Fullum : les années olympiques signifient généralement l'arrivée de beaucoup de nouveautés sur le marché. « Les Olympiques s'en viennent cet été, on sait que tout le monde va sortir quelque chose d'impressionnant. Ça va être assez “agressif” pour les nouveaux lancements. On sait ce que nos compétiteurs font, mais en même temps, on essaie de ne pas juste les suivre... »
Félicitations pour cette détermination et ce beau travail. Réussir à se démarquer dans une compagnie de niveau mondial comme il le fait mérite toute notre admiration