Antoine Duchesne dans la cour des grands
En signant avec l’équipe française Europcar, à la fin 2013, le Québécois Antoine Duchesne entre cette année sur le circuit World Tour, la première division du cyclisme mondial. Le jeune coureur de 23 ans, natif de Saguenay, nous confie son état d’esprit, son rôle dans l’équipe et ses ambitions. Loin de vouloir suivre les traces du jeune retraité David Veilleux, il veut surtout apprendre et trouver sa propre voie parmi l’élite du cyclisme mondial.
Lors de l’annonce de votre recrutement dans une équipe du World Tour, vous disiez accomplir un rêve. Êtes-vous redescendu de votre nuage?
Mon rêve est enfin devenu réalité! Depuis deux mois, je roule 25 heures par semaine… souvent sous la pluie. Le petit nuage est bien parti! Même si je n’ai pas encore fait beaucoup de courses, j’ai hâte de pouvoir participer à celles qui arrivent, notamment les courses classiques du printemps. Les trois premiers mois de l’année ont beaucoup été consacrés à l’entrainement et la préparation de la saison, mais depuis le début du printemps, ça pédale beaucoup plus vite.
Comment se sont déroulés votre préparation hivernale et les stages avec l’équipe Europcar?
J’avais un peu peur de la charge de travail plus intense. J’étais dans l’inconnu et je m’attendais à être rapidement « dans le rouge » et hors de ma forme. Le premier stage, en décembre, ç'a été compliqué, car je suis arrivé en Europe seulement la veille, après 22 heures de voyage. Le lendemain matin, on partait rouler cinq heures à plus de 2 500 mètres d’altitude. Le reste de la semaine fut de la même intensité. Ce fut dur, mais j’ai réussi à passer à travers. Le deuxième stage, en janvier, s’est très bien passé. Je suis arrivé en Europe, une semaine et demie en avance. J’ai eu le temps de bien rouler avant. Je m’en suis mieux sorti.
Comment s’est déroulée votre intégration?
Tout s’est très bien passé. J’ai senti que j’arrivais dans une équipe prête à m’accueillir, qui en avait déjà l’habitude, comme ce fut le cas avec David Veilleux il y a quelques années. Les stages sont pratiquement les seuls moments de l’année où tous les membres de l’équipe sont réunis. Cela permet de voir des coureurs avec qui tu rouleras moins par la suite. C’est donc un bon moment pour rencontrer et connaitre tout le monde.
Après avoir participé à plusieurs courses du World Tour, quels changements avez-vous pu observer par rapport aux années précédentes?
Pour l’instant, j’ai surtout couru des courses de préparation, mais les quelques épreuves Pro Tour auxquelles j’ai participé ont été les plus dures de toute ma carrière. Ça ne roule pas forcément plus vite, c’est la même vitesse sur toutes les courses, mais sur le circuit Pro Tour, les distances de course sont plus longues. Question logistique, préparation et encadrement, tout est aussi plus professionnel. Tout ce que tu as à penser, c’est de mettre tes souliers dans ta valise avant de partir. Après ça, tu embarques dans le bus et toute l’organisation autour de toi se met en marche!
Quel type de coureur êtes-vous?
Je n’ai pas de qualités spécifiques. J’aime souvent dire que je cours dans tout, mais bon dans rien! Je ne suis pas un gros sprinteur, ni un pur grimpeur, ni un grand coureur de contre-la-montre. Je suis capable de bien préparer les sprints, mais pas de les faire. Je suis capable de passer les bosses, mais pas les grands cols. Je suis un coureur passe-partout, un équipier capable de tenter sa chance dans des échappées.
Je n’ai pas de qualités spécifiques. J’aime souvent dire que je cours dans tout, mais bon dans rien! Je ne suis pas un gros sprinteur, ni un pur grimpeur, ni un grand coureur de contre-la-montre. Je suis capable de bien préparer les sprints, mais pas de les faire. Je suis capable de passer les bosses, mais pas les grands cols. Je suis un coureur passe-partout, un équipier capable de tenter sa chance dans des échappées.
Quel sera votre rôle dans l’équipe
Comme n’importe quel coureur qui commence à ce niveau, il est encore trop tôt pour déterminer un rôle précis. Le mien va surtout être d’apprendre et d’en retirer le meilleur. Je ne sais pas si je vais être capable de bien m’adapter. Il va forcément y avoir une période d’ajustement. Pour le moment, mon rôle est d’aider l’équipe et de rouler correctement. Mon ambition est d’apprendre mon métier au contact des meilleurs coureurs.
Avez-vous quand même des objectifs de courses?
C’est difficile à dire. Je ne me suis fixé aucun objectif, parce que je nage encore trop dans l’inconnu. Mon souci n’est pas de faire un top 10 ou un top 5, mais de prendre ma place dans l’équipe et de bien faire mon travail. Après, si je peux tirer mon épingle du jeu, me glisser dans une échappée et essayer d’aller chercher une place, pourquoi pas! Mais je n’en fais pas un objectif prioritaire.
Y a-t-il des épreuves auxquelles vous aimeriez participer dès cette année?
Je suis sur le programme de toutes les Classiques en Belgique. On est environ 10 coureurs pour toutes ces épreuves. J’ai donc 80 % de chances de les faire presque toutes. Si je roule moins bien, je vais peut-être en sauter quelques-unes. Je vais courir les courses que j’ai toujours rêvées. C’est dur d’en demander plus! Je n’ai pas d’autres courses en tête. Pour les Grands Tours (NDLR Tour d’Italie, Tour de France et Tour d’Espagne), j’ai moi-même demandé de ne pas en faire cette année, parce que je sens que je ne suis pas prêt. En plus des Classiques, je suis aussi très impatient de refaire les Grands Prix Cyclistes de Québec et Montréal, en septembre. J’ai couru deux fois à Québec, une fois à Montréal et il n’y a rien qui puisse décrire la sensation que ça procure : pourvoir courir devant sa famille sur des courses qui font partie du plus haut niveau mondial, voir les pancartes d’encouragement à ton nom et les gens crier à ton passage. C’est un feeling incroyable! En plus, ce sont deux très belles courses, avec une très bonne organisation et une logistique impeccable. De plus en plus de coureurs veulent venir sur ces courses, car ils savent que c’est une belle course, où l’on est bien reçu.
Intégrer l’équipe du Canada pour participer aux championnats du monde, c’est quelque chose auquel vous aspirez?
Oui! Cela m’arrive d’y penser quelquefois, mais pas tout le temps. Si l'on me sélectionne, j’irai avec grand plaisir, mais cela dépend quel rôle j’aurai. Si c’est pour aider Ryder Hesjedal (vainqueur du Tour d’Italie en 2010, 6e sur le Tour de France 2010) pourquoi pas? Mais y aller sans véritables ambitions, juste pour finir la course, ce n’est pas quelque chose qui m’intéresse. En revanche, je voudrais bien participer au Grand Prix cycliste de Saguenay et au Tour de Beauce avec l’équipe nationale, parce que je serais au Québec pendant cette période. Cette année, j’aimerais aussi faire les Jeux du Commonwealth, pour vivre l’expérience d’une compétition comme celle-là.
Et les Jeux olympiques, au Brésil en 2016?
Oui, vraiment! Beaucoup de gens parlent du Tour de France, comme l’épreuve reine en cyclisme, mais il en existe plein d’autres tout aussi intéressantes. D'ailleurs, le Tour de France et les autres grands Tours restent des compétitions avec des expériences similaires à d’autres courses du calendrier. En revanche, participer aux Jeux, c’est une expérience totalement différente, que j’aimerais connaitre. La course olympique reste une course comme une autre, mais j’espère pouvoir dire un jour : « Je suis un olympien »!
Depuis l’annonce de la retraite de David Veilleux, sentez-vous qu’il y a une place à prendre dans le leadership du cyclisme pro au Québec?
Pas vraiment... il n’y a pas un coureur qui se ressemble. Si je suis capable d’atteindre la carrière de David, tant mieux parce que la sienne est superbe. J’entends ici et là que l’on me compare à lui, des propos comme « il a pris la place de David » ou des choses dans le même genre. Mais, je ne cherche pas à suivre ses traces ou à ce que l’on m’arrête dans la rue pour me dire que j’ai mieux ou moins bien que lui. Je veux faire ma propre carrière et trouver mon propre chemin.
Comment jugez-vous l’évolution du cyclisme professionnel québécois?
Il s’améliore. Il n’y a qu’à voir comment des gars comme David, François Parisien (NDLR : membre de l’équipe UCI World Tour Argos-Shimano en 2013) ou Guillaume Boivin (NDLR : actuel coureur l’équipe UCI World Tour Cannondale) sont allés aussi loin. Cela démontre que les Québécois et les Canadiens méritent pleinement leur place. On n’est pas juste une gang de joueurs de hockey!
Plus que de suivre les traces de David Veilleux, votre rôle pourrait surtout être d’inspirer les jeunes Québécois.
Totalement! C’est cette image que je voudrais apporter. Depuis cette année, je suis l’ambassadeur du club cycliste de l’Acidose lactique de Saguenay. J’essaye d’y retourner pour être proche des jeunes et m’entrainer avec eux. C’est un bon groupe, ils sont motivés comme moi je l’étais à leur âge. Être capable de montrer aux jeunes que c’est possible et que l’on peut y arriver en travaillant fort, c’est ce que j’essaye de faire.