Le bonheur… par la misère!
Cris primaux, choix vestimentaires discutables, insensibilité au sang, à la sueur ou à la saleté. Ce ne sont là que quelques effets secondaires d'une participation à une épreuve d'endurance extrême, où l'on puisera son énergie brute dans ses derniers retranchements.
Les participants de la Spartan Race arrivent sur le site en sachant bien dans quoi ils se sont embarqués. La trousse de course ne leur est remise qu'en échange du formulaire de décharge dûment signé et en assumant pleinement les « risques de blessures et de mort ». Ouch! Une estampille au poignet symbolise ce serment de bravoure — ou de témérité. Quelques minutes avant le départ, un bataillon costumé en guerrières spartiates inspecte les poings levés des courageux, avant qu’ils ne soient lâchés sur le sentier de la guerre.
Derrière cette mise en scène se trouvent la Montréalaise Selica Sevigny et le Britannique Richard Lee, amoureux d’adrénaline et d’endorphines et ex-participants de la célèbre Death Race; un parcours extrême américain qui mérite bien son nom. S’étirant sur plus de 24 heures, elle vise à « détruire physiquement, psychologiquement et émotionnellement les participants », selon son instigateur Joe DeSena. Avec l’aide de ce dernier, le couple Sevigny-Lee va échafauder le projet d'une version plus accessible de ce calvaire. La première Spartan Race a vu le jour en mai 2010, au Vermont, et devient rapidement le moteur derrière la popularité de ces événements qualifiés de « courses à obstacles ». « Mon mari vient de l’armée, alors que je suis une ancienne coureuse et une amoureuse de théâtre. Ces intérêts regroupés produisent les “Spartan Races”, des courses extrêmes mises en scène dans une ambiance théâtrale. On souhaitait que plus de gens puissent vivre, à un degré moindre, l’expérience de la Death Race. Ce genre d’exploit encourage aux changements de vie et pousse l'individu à sortir de sa zone de confort, pour qu’il prenne conscience de ses forces », explique Selica Sevigny.
Méchant party!
L’ambiance sur le site tient plus du banquet que du champ de bataille. Sur la ligne de départ de la première vague, pourtant la plus compétitive, on jase et rigole. Au son du « AROO! » (le cri de ralliement caractéristique de l'événement), la troupe décolle dans une effusion d'énergie. Les rires ont cessé et le souffle est maintenant conservé à d’autres fins : attaquer des côtes interminables, franchir des murs, ramper sous des barbelés, traîner de lourdes charges sur des terrains accidentés, se faufiler dans des tunnels, ou encore éviter les assauts des guerriers costumés. Les types d'obstacle varient de compétition en compétition, tirant parti des particularités du terrain, pour le meilleur ou le pire. Et impossible de les connaître d’avance.
« Qu’est-ce qu’il y a après le mur? », redoute une participante. L’appréhension des obstacles tient un rôle de premier plan dans l’expérience. « Des barbelés et beaucoup de boue! », répondra un autre participant. Les rires, même s'ils sont nerveux, entretiennent l'élan et l’entraide est encouragée, voire même nécessaire pour certains obstacles (sans coordination partagée, le passage des barbelés laisse un souvenir marquant — cicatrices à l’appui). « Dans la vie, on est confronté à toute sorte d’épreuves pour lesquelles on ne peut pas nécessairement se préparer. On doit gérer sur le coup », justifie l’organisatrice.
Le phénomène des courses à obstacles gagne de plus en plus d'engouement au Québec. Depuis 2010, la Spartan Race a été la première à fouler le sol québécois avec une épreuve au Mont-Tremblant. Un an plus tard, le nombre d’enthousiastes a triplé, grimpant jusqu’à la limite permise par les autorités de 2 500 participants. Cet engouement attire les autres bannières de courses à obstacles : le Warrior Dash et le Tough Mudder, qui partagent la même formule, promettaient tous deux un passage au Québec en 2012. Un promoteur québécois s'est également lancé dans la mêlée avec son Défi vikings, se déroulant au mont Sainte-Anne. C'est également le cas de la Buck Race qui propose une course dans les bois de type crosscountry et de Mud Hero, un parcours à obstacles dans la boue se déroulant au Mont Saint-Bruno.
La durée du défi n'a que peu d'importance : Tough Mudder ne chronomètre d’ailleurs même pas ses événements, jugeant que la quête d'un classement ou d'un temps record prend souvent trop d'importance dans d'autres compétitions. Les participants sont plutôt invités à vivre l’expérience à leur rythme. Comme les vagues de départ s’enchaînent tout au long de la journée, le classement se perd rapidement et l’angoisse de finir dernier n’existe pas. L’égo reste intact, mais pas nécessairement le reste!
Quête personnelle ou défi de samouraï
Vivre l’extrême, dans une ambiance festive mais sans la pression du classement. Le psychologue sportif Bruno Ouellette ne s’étonne pas de la popularité exponentielle de ces événements : « L’enjeu, c’est de relever le défi pour soi, de découvrir ce que l’on peut faire sans que l'autre entre dans l’équation. Les obstacles sensationnels donnent en plus aux gens une histoire à raconter. C’est valorisant et ça favorise la participation de masse. » Cette masse regroupe des profils hétéroclites : le côté innovateur attire autant les athlètes aguerris (coureurs confirmés et les triathlètes) que des profanes à la recherche d’un « coup de pied au cul » anticonformiste pour se mettre en forme. Selon les organisateurs, ce serait même plus de la moitié des participants qui en sont à leur toute première compétition sportive. « Il y a évidemment un gagnant (toujours un gars à la silhouette de marathonien), mais tout le monde a sa médaille à la fin. On se défie et on se taquine entre amis, c’est tout », souligne un participant au profil moins svelte que baraqué.
Pour ceux qui prennent la chose plus au sérieux, la préparation devient un élément clé pour profiter pleinement du défi offert. Yannick Miron, propriétaire de centres d'entraînement spécialisés à Montréal et en Estrie, a vu arriver cette vague sportive : « Ces événements sont populaires non seulement parce qu'ils proposent un contexte moins stressant, mais aussi parce qu'ils font appel à des aptitudes physiques terre-à-terre. Les gens qui s’entraînent recherchent maintenant une forme fonctionnelle – pour être capable de faire plein de choses différentes – plutôt qu’une silhouette parfaite. Ils veulent devenir des ninjas — et ces événements sont un beau terrain de jeu pour se tester. »
Selon Miron, le compétiteur ambitieux doit remettre à l'avant-plan la notion de course : « l’idée, c’est de passer à travers le parcours le plus rapidement possible. Et pour ça, il faut courir vite et s'assurer que les obstacles nous ralentissent (et fatiguent) le moins possible. » Le travail d’endurance en course à pied est donc le nerf de la guerre. Et comme les épreuves se déroulent en terrain naturel et souvent montagneux, il est préférable de s’entraîner en sentier. Ensuite, sachant que l'on sera confronté à des obstacles via une surface instable ou un passage inconfortable, on prêtera une attention particulière au développement de la puissance des jambes (plus que celle du haut du corps), tout en cherchant à aiguiser son sens de l'équilibre. Et compte tenu des nombreux passages étroits, tant mieux si l'on ne souffre pas de claustrophobie! « Un parc offre tout ce dont vous avez besoin pour vous préparer : des tables à pique-nique pour les sauts en puissance, des estrades pour se hisser, des bancs à enjamber à la course, etc. Un entraînement en circuit est idéal pour apprendre au corps à enchaîner différents efforts, à s’adapter rapidement et à gérer les obstacles dans un état d’essoufflement », conseille Yannick Miron.
Les courses Warrior Dash et Tough Mudder suggèrent de brefs plans d’entraînement sur leur site web. La Spartan Race offre de s'abonner à ses corsés WOD (workout of the day) ou encore de s'inscrire à des camps d’entraînement intensifs (cinq semaines d'entraînement tri-hebdomadaire), qui seront vraisemblablement proposés dans la région montréalaise dès l’année prochaine.
Les conseils de notre journaliste (nouvellement initiée)
- Si vous êtes un bon coureur, considérez partir dans le premier tiers de votre vague (ou même dans la première vague), afin de ne pas être ralenti par les autres participants.
- Choisissez des vêtements ajustés, qui ne s'accrocheront pas au premier barbelé, mais protègeront tout de même un peu votre peau. Par contre, ne soyez pas surpris s'ils sont hors d'usage en fin de course.
- Ne portez que l’essentiel : pas de casquette, lunettes de soleil, iPod, etc.
- Si vous souhaitez finir le circuit avec vos deux souliers, pensez à faire une double boucle!
Choisir la bonne course extrême
Niveau débutant
>> Spartan Sprint
Parcours : environ 5 km avec une dizaine d’obstacles secrets.
Événements : Mont-Tremblant, fin mai; parc de la Gatineau, début juillet; Vermont, début août.
Prix : entre 45 et 60 $.
>> Warrior Dash
Parcours : environ 5 km, et une douzaine d’obstacles connus avant l’inscription.
Événements : en Ontario et en Nouvelle-Angleterre au mois de juillet.
Prix : environ 50 $.
>> Défi vikings
Parcours : environ 5 km, avec obstacles secrets.
Événement : mont Sainte-Anne, au mois de septembre.
Prix : entre 50 et 60 $.
Niveaux intermédiaire / expert
>> Spartan Super
Parcours : environ 13 km avec une quinzaine d’obstacles secrets.
Événements : à venir au Québec en 2012, New York, fin septembre.
Prix : entre 75 et 125 $.
>> Spartan Beast
Parcours : environ 16 km et près d’une vingtaine d’obstacles secrets.
Événement : Vermont, début août.
Prix : entre 105 et 125 $.
>> Tough Mudder
Parcours : environ 16 km avec une quinzaine d’obstacles, dont certains secrets.
Événements : Toronto, début juin; Vermont, début juillet; New Jersey, fin octobre; en attente de confirmation pour Montréal.
Prix : entre 80 et 180 $.
Niveau « malade mental »
>> Death Race
Parcours : inconnu (30 km ou plus), durée inconnue (24 heures ou plus) et obstacles inconnus.
Événement : Vermont, fin juin.
Prix : entre 400 et 700 $.
Encore plus
spartanrace.com • warriordash.com • toughmudder.com • youmaydie.com • mudhero.com
Plus encore : Course extrême : obstacles, bouette et sourires