Survivre comme un Primitif
Si certains aiment se costumer en soldat de la guerre de Sécession lors de reconstitutions historiques, d’autres préfèrent se transformer en homme de Cro-Magnon, fabriquer des abris de fortune et manger des insectes. Bienvenue dans l’âge de pierre 2.0, celui des Primitifs, ces maniaques de survie qui recréent un art de vivre ancestral.
Pendant plusieurs années, Bruno a vécu dans la forêt de manière autonome et semi-autarcique. Jean-François, un habile artisan, maîtrise particulièrement bien la taille de la pierre. Gérald, lui, se passionne pour les plantes sauvages comestibles du Québec. Quant à Mathieu, il est consultant en survie et pistage pour la Défense nationale canadienne... en plus d’être le fondateur des Primitifs du Québec.
Plusieurs week-ends par mois, cette tribu d’une quinzaine d’instructeurs organise des ateliers thématiques ouverts au grand public. Au programme : fabrication de cordages ou d’abri sans corde ni couteau, démarrage d’un feu par friction, purification de l’eau, pistage et piégeage, survie en hiver, etc. Ces ateliers s’adressent aux militaires, aux scouts, aux chasseurs en région éloignée, mais surtout à quiconque souhaite affiner ses connaissances de survie en forêt.
Qu’on ne s’y trompe pas, les instructeurs savent de quoi ils parlent : tous ont suivi des formations poussées et obtenu de nombreuses certifications, que ce soit à la Tracker School, à la Cybertracker Conservation International ou encore aux ateliers de Practical Primitive, des organismes nord-américains qui évaluent les compétences des survivalistes. Mais d’où vient leur intérêt pour un pareil retour aux sources ?
Entre tradition et modernité
« Dans la nature, l’homme moderne est parfois tel un primitif face à un ordinateur : il est ignorant », ironisent les Primitifs du Québec sur leur site Internet. « Aujourd’hui, nous ne faisons que traverser la nature en randonnée, en canot ou à vélo… sans jamais prendre le temps de nous y arrêter », estime Mathieu Hébert, qui a développé la philosophie primitive chez nous.
« L’expérience qu’on propose va au-delà du cours de survie traditionnelle, poursuit-il. Elle consiste à rétablir une relation pure avec la nature et à devenir autonome en forêt, sans tous les gadgets technologiques et bébelles de plastique. Notre vision de la nature n’est pas naïve ni romantique, nous enseignons simplement comment vivre en harmonie avec elle, comme le faisaient nos ancêtres. »
En grande partie inspirés de techniques préhistoriques, les enseignements font appel aux principes de base de la chasse, de la trappe et de la cueillette. Un pont entre la tradition et la modernité, soit, mais surtout une manière de réaliser à quel point nous sommes aujourd’hui déconnectés de la vie sauvage. « Se mettre en situation de survie nous replace dans une position de fragilité, là où règne la nature. Et cet enseignement du milieu naturel permet à l’homme moderne d’améliorer son approche du monde actuel, qui peut être tout aussi hostile, et d’intégrer cette sagesse en l’adaptant à sa vie quotidienne. »
Parmi les gens qui suivent les ateliers et stages de survie depuis la création des Primitifs, en 2007, nombreux sont ceux qui n’ont que de bons commentaires à formuler, après la formation. « Ils vont certainement vous faire souffrir, mais ils vont aussi s’assurer que vous n’en mourrez pas », résume Julien Boivin à la suite de sa participation à un stage. « En un week-end, ils m’ont appris comment survivre à une nuit d’hiver à l’extérieur, sans sac de couchage. C’est une expérience de survie, pas du camping d’hiver ! »
Pour les pleinairistes, les avantages d’une formation poussée en survie semblent nombreux : meilleure observation de l’environnement lors d’excursions, acquisition de connaissances à partager avec ses proches, apprentissage des gestes à poser en cas d’urgence, mais également meilleure gestion du stress lors de circonstances difficiles.
Car ces stages techniques axent une grande partie des apprentissages sur la résistance mentale en milieu inconnu. Des mises en situation plutôt exigeantes, qui apprennent aux participants à relativiser, le moment venu : ne pas se laisser abattre lors d’une nuit de camping passée sous un déluge, résister au froid ou à la faim au milieu d’une longue randonnée, ou encore savoir garder son sang-froid en cas d’urgence. Un état d’esprit débrouillard et positif à transmettre à son entourage, et surtout aux plus jeunes.
À l’école de la survie
Dès l’âge de trois ans, les enfants sont les bienvenus aux ateliers des Petits Primitifs. « Grâce à la pédagogie du jeu et de la découverte, ils apprennent à chercher pour connaître, explique Mathieu Hébert. Les thèmes sont abordés en fonction de l’âge et les cours – d’une durée de quelques heures à une journée –, visent à développer un goût pour la nature, son exploration et sa conservation. » Comme les adultes, les jeunes apprentis sont sensibilisés à la survie et au pistage, mais également à l’archéologie et aux traditions amérindiennes.
Des stages thématiques sont également offerts, en partenariat avec Gourmet Sauvage. Fondée en 1993, cette petite entreprise assure la récolte et la transformation, à des fins culinaires, des plantes sauvages comestibles du Québec. En contact étroit avec les peuples autochtones ojibwé, inuit et innu, son fondateur Gérald Le Gal partage ses connaissances des champignons, des racines, des fleurs et… des insectes comestibles à trouver en sol québécois.
Mieux : on peut même participer à un stage de « survie urbaine » : pendant deux jours, on apprend à se déplacer, à se nourrir, à s’hydrater et à se protéger en cas de catastrophe naturelle, de pandémie, d’acte de terrorisme ou bien d’accident nucléaire. Des thématiques déjà très populaires aux États-Unis, où plusieurs clubs de survie proposent de véritables camps d’entraînement « spécial catastrophe ». À quand un stage de survie pour parer à une attaque de zombies ? C’est certain, les Primitifs auraient une sacrée longueur d’avance sur les morts-vivants…
TROIS ACCESSOIRES INDISPENSABLES EN RANDO
1. Un ruban réfléchissant
Fixé autour d’une branche d’arbre, il permet de marquer son chemin, hors sentier. On peut aussi en disposer près du campement pour retrouver son chemin la nuit, à l’aide d’une lampe torche. Des marques sur les arbres ou des tas de pierres, de mousse ou de branches peuvent également servir de repères.
2. Une bâche
Grâce à elle, on peut rapidement mettre une victime d’hypothermie à l’abri du froid, des intempéries ou des insectes, en l’y enroulant « comme un burrito » et en y insérant des feuilles mortes ou de la mousse pour créer une couche isolante. La bâche permet également d’effectuer d’autres tâches, comme transporter de l’eau.
3. Un sifflet
Il est indispensable, qu’on soit seul ou en groupe. En effet, crier épuise les réserves d’énergie et le son ne porte jamais très loin. Le sifflet aide à signaler plus facilement sa présence à ses proches ou à une équipe de sauvetage.
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