Wild Raven : nomades à pagaie
Tout quitter, partir et… prendre l’eau ! C’est le choix de vie entrepris par Jennifer Gosselin et Pierre Pépin. Le 29 mars dernier, ce couple de Québécois, accompagné de leur chienne Jasmine, a entamé un voyage de 20 mois et de 14 000 km en canot, d’est en ouest à travers le Canada.
Cette expédition, Odyssée NorAm, suivra les traces de l’explorateur canadien Alexander Mackenzie, premier à avoir traversé l’Amérique du Nord et qui a donné son nom au célèbre fleuve des Territoires du Nord-Ouest. « Ce voyage se veut un retour sur l’histoire de notre pays, explique Jennifer Gosselin. On veut passer par les mêmes rivières et les portages que les trappeurs canadiens français, il y a deux siècles ».
Ces deux Québécois n’en sont pas à leurs premiers coups de pagaie. Entre le 6 juin 2014 et le 31 août 2015, ils ont parcouru 11 000 km sur l’eau, entre Ottawa et la Floride. Leur canot les a menés sur les Grands Lacs, la rivière Hudson et le fleuve Mississippi, jusqu’au golfe du Mexique et l’océan Atlantique.
« De ces 15 mois de voyage, c’est le côté humain qui nous a le plus marqués, confie Pierre Pépin. Nous avons tellement appris sur l’histoire et la nature des lieux en écoutant les gens nous parler de leur coin de terre… Nous espérons la même chose pour le Canada, notamment avec les premières Nations ».
Sept mois après leur retour, les voilà donc repartis sur les cours d’eau d’Amérique du Nord. Au total, leur expédition va durer trois ans, et on peut sans nul doute les considérer comme des nomades modernes. Pour eux, la mobilité est un mode de vie : ils se sont séparés de tous leurs biens immobiliers et ils ont trouvé leur équilibre dans le mouvement, plutôt que dans la sédentarité. « On se sent à la maison sur notre canot ou dans notre tente ; on est maître de nos journées, sans les obligations de la vie ordinaire ». La liberté, en somme ! Celle de choisir ses contraintes et de prendre son temps, et ce même si l’itinéraire précis est déjà fixé.
Partis de Winnipeg, ils pagayeront vers le nord et l’ouest (lac Winnipeg, Grand Rapids, The Pas, Cumberland House, Stanley Mission, Île-à-la-Crosse, La Loche, Fort McMurray, Fort Chipewyan, Fort Vermillon, Peace River, Prince George et Kemano) pour gagner la côte ouest canadienne et pagayer sur l’océan Pacifique, avant de redescendre vers Vancouver et d’entamer, en 2017, une traversée complète du Canada jusqu’à Moncton (Nouveau-Brunswick), en passant par Kamloops, Lac Louise, Calgary, Medecine Hat, Fort Qu’Appelle, Winnipeg, Kenora, Fort Frances, Sault Ste. Marie, North Bay, Ottawa, Montréal, Québec, Rivière-du-Loup, Edmundston, Fredericton et Saint-Jean.
« Nous savons exactement par où nous allons passer, mais nous demeurons flexibles, explique Pierre. Nous nous laissons une certaine marge de manœuvre, en fonction de ce que nous diront les gens sur place ». Leur voyage n’est pas une course contre la montre, mais une nouvelle opportunité pour aller à la rencontre de leurs compatriotes. Et leurs échanges sot grandement facilités par leur mode de transport.
« En plus d’être un objet qui fait corps avec la nature, le canot facilite la discussion, il interpelle, assure Jennifer Gosselin. Les gens sont curieux de nous parler ; de là, une conversation s’engage. Ce voyage est aussi une opportunité d’écouter leurs histoires. Surtout que nous allons nous aventurer dans des endroits où il y a de vifs débats, comme les sables bitumineux de l’Alberta… »
Cela dit, leur « croisière » ne sera pas de tout repos, et quelques défis devraient pimenter le voyage. Jennifer les a déjà bien en tête : « Nous allons pagayer toute l’année 2016 à contre-courant. Nous allons être confrontés à la vie sauvage, notamment les ours. Nous espérons simplement qu’ils seront tranquillement en train d’hiberner pendant les portages, surtout dans les Rocheuses… Nous sommes prêts à affronter toutes les situations ! »
Des défis et des rencontres. Voilà de quoi noircir facilement quelques pages de leur projet de livre et nourrir leur envie de réaliser un film sur leur aventure, mais aussi sur les changements climatiques et leurs impacts sur les populations rencontrées durant leurs pérégrinations nautiques. Une histoire à suivre…