Courir Montréal - New York
3…2…1… Ça commence par un compte à rebours, comme dans n’importe quelle épreuve de course. Sauf que les 137 coureurs massés sur la ligne de départ en ce 28 mai 2015 au Vieux-Port de Montréal, ne vont pas participer à une compétition chronométrée. Ce qui les attend ? Une course à pied éprouvante en direction de Times Square, New York, soit plus de 600 km en moins de 72 heures, réalisée en relais, jour et nuit, par tranches de 10 km. Les participants courent 80 km chacun, l’équivalent de deux marathons en trois jours.
Voilà cette année dix ans qu’Esprit de Corps, compagnie québécoise de team building en entreprise, fait courir le monde entre ces deux métropoles. Pourquoi ? Pour lever des fonds au profit de la Fondation Esprit de Corps, soit plus de 200 000 $ amassés par les participants. Détermination, sueur et argent qui soutiennent des activités destinées surtout aux familles monoparentales et aux jeunes issus de milieux défavorisés.
Le Défi Montréal - New York est une formidable expérience sportive pour des gens qui ne sont ni athlètes, ni surhommes. Des monsieurs et madames Tout-le-monde qui veulent se dépasser, repousser leurs limites physiques et mentales.
Si Forest Gump court « sans aucune raison particulière », pour le commun des mortels, chacun a la sienne. Parmi les 137 participants, il y a autant d’histoires que de coureurs. Des plus anecdotiques aux plus profondes, comme Sabrina, 21 ans, qui veut « boire, pour la première fois, un verre sur le top d'un building ». Et Éric, diabétique type 1, en rémission d’une leucémie diagnostiquée en 2012 : « Il fallait réagir, continuer à faire des projets de vie. Ce défi est une opportunité pour aller au bout des choses ».
Pour concrétiser leur ambition new-yorkaise, chaque participant a suivi une préparation physique rigoureusement planifiée. De février à mai, répartis en groupe, ils ont tous suivi une session d’entraînement hebdomadaire avec un entraîneur, le plus souvent sur le Mont-Royal, en plus de 3 à 4 entraînements individuels. D’autres rencontres sont organisées par Esprit de Corps : conférences et ateliers sur la gestion du stress, les techniques de course, les risques de blessure… Les coureurs participent aussi à un défi préparatoire, un test grandeur nature durant lequel ils ont couru l’équivalent d’un marathon en 33 heures et des relais de 7 à 10 km, de jour comme de nuit.
Sur la route Montréal New-York, les épreuves ou embûches de toutes sortes marquent le parcours. La répétition des efforts et des relais toutes les 8 heures use le corps. Et quand la météo s’en mêle, ça fait des ravages ! Le samedi 30 mai, la chaleur était accablante sur la route de l’état de New York. Le groupe de coureur du milieu de l’après-midi a vécu un chemin de croix. Victimes d’un coup de chaleur, certains ont stoppé net leur relais et sont venus se reposer, épuisés, dans le véhicule suiveur.
Comment arrivent-ils à se surpasser ? Par l’esprit d’équipe et d’entraide qui nourrit chacun. « L’expérience de groupe et l’interdépendance sont des valeurs fondamentales dans ce défi » explique Gilles Barbot, président et fondateur d’Esprit de Corps. « Le meilleur aide le moins bon, l’encourage et le pousse. Le but n’est pas de finir premier, mais de finir tous ensemble. »
Pendant le défi, les coureurs sont répartis en plusieurs groupes selon leur rythme. Ainsi, chacun développe une conscience de groupe, avec des personnes qu’il ou elle ne connaissait pas ou peu avant l’expérience. « Durant mes relais, j’ai couru plus rapidement en poussant quelqu’un sur 10 km, que tout seul dans ma bulle, avoue Sylvain. La preuve que la course se passe surtout dans la tête ! »
Les 10 premiers km, entre Montréal et Longueuil, via le pont Jacques-Cartier, sont ouverts à tous les participants. L’enchaînement des relais se termine pour un 10 km où tous les coureurs entrent dans les rues de New York, ensemble.
Au terme des 72 heures, plusieurs mois d’efforts sont récompensés par une Manhattan qui les accueille au son d’une musique triomphante. De par la détermination qu’ils ont investie dans ce projet, on se demande qui des coureurs ou des gratte-ciels de Times Square sont les plus immenses et impressionnants. La fierté et la joie sont profondes, tandis que les larmes émergent chez quelques-uns. Avec des regards complices, ils s’enlacent avec force, entourés de touristes qui entre deux attraits touristiques, auront peut-être saisi la grandeur du défi réalisé.
La course n’est pas une fin en soi, plutôt un outil pour faire une analyse sur soi. « Le sport est un vecteur d’épanouissement global de la vie » assure Gilles Barbot, ancien étudiant en sciences de l'exercice à l'Université Concordia. Pour Nancy, participante et mère de famille : « Avant le défi, je ne faisais pas de sport. Même plus jeune, je séchais mes cours de gym. Ma seule activité physique, c’était conduire ma fille au soccer. Je n’aimais pas ça. J’étais gênée, je manquais de confiance en moi. Aujourd’hui, c’est différent. J’aimerais maintenant courir un demi-marathon. »
L’enjeu de ce Défi est de faire en sorte que sa réalisation soit le début de quelque chose : « 75 % des coureurs sédentaires continuent à faire de l’exercice 6 mois après, soutient Gilles Barbot. Ils inspirent les autres et ils ne veulent pas perdre ce statut social. Alors ils continuent et ça devient une habitude de vie ».
Encore plus
Il y a mille et une histoires dans ce Défi. Pour en lire d’autres, rendez-vous sur le site Internet d’Espaces pour lire l’article Défi Montréal - New York : paroles de coureurs.