Chilkoot trail : de la mer au ciel
Emprunté autrefois par des milliers d’hommes hypnotisés par les pépites du Klondike, le sentier historique du col Chilkoot grimpe sur le dos des montagnes côtières d’Alaska. La fièvre de l’or est passée mais les randonneurs des temps modernes marchent encore dans les pas des pionniers.
Km 0 : départ à Dyea, Alaska (niveau de la mer)
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De l’or! De l’or! L’appel est lancé le 16 août 1896 après que des prospecteurs aient trouvé les premières pépites dans le nord du Yukon. L’année suivante, près 100 000 hommes et femmes, venus du monde entier, se lancent dans l’aventure du Klondike. La plupart des chercheurs d’or sont inexpérimentés. Auparavant simples boulangers, fermiers ou banquiers, les stampeders doivent franchir le col Chilkoot, la frontière naturelle entre l’Alaska et la Colombie-Britannique, pour rejoindre les ruisseaux aurifères du Klondike. En 1897, par souci de sécurité, la Police montée canadienne doit imposer le transport d’une tonne de matériel et de vivres par personne à quiconque s’apprête à franchir le col.
Comparés à leur paquetage infernal d’une tonne, les 25 kg de mon sac à dos paraissent bien dérisoires. Il contient pourtant du matériel de camping, de la nourriture et des vêtements pour cinq jours d’expédition. Au départ de la ville fantôme de Dyea, abandonnée après les trois courtes années qu’a duré la ruée vers l’or (1896 à 1899), j’ai 53 km de marche à parcourir à travers la forêt pluviale de l’Alaska puis la toundra du nord du Canada. Les averses diluviennes des derniers jours (55 cm de précipitation en plein mois d’août) ont détrempé le terrain et fait sortir la rivière Taiya de son lit. Dès le début du sentier, l’eau glaciale des montagnes s’insinue dans mes bottes et m’arrive bientôt à mi-cuisse! Ces 12 premiers kilomètres passés davantage à patauger qu’à marcher entament déjà le moral des troupes. Arrivée en soirée au campement de Canyon City, je tombe sur une vieille cuisinière toute rouillée posée en pleine forêt. Une pancarte indique : « S’il vous plait, ne pas toucher ou déplacer les artefacts trouvés le long du sentier ». Il s’agit d’un vestige de l’immense ville de tentes qui a poussé là en quelques semaines lors du passage des premiers chercheurs d’or. Recouverte depuis par la végétation, il est difficile d’imaginer ici des centaines d’hommes, plusieurs milliers de caisses de matériel et des tentes faisant office de restaurant, d’autres de saloon, de barbier ou encore de magasin général!
Km 12,5 à km 21 : Canyon City à Sheep Camp, Alaska (300 m)
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Mes bottes ont dégoutté une bonne partie de la nuit. Le ciel d’azur laisse espérer qu’elles ne reprendront pas l’eau aujourd’hui. Plus nous grimpons dans la forêt boréale, plus nous croisons de vestiges rouillés – boîtes de conserve et vieux outils, laissés par les prospecteurs qui souhaitaient alléger leur fardeau. Si ces artefacts n’avaient pas une valeur historique, il y a bien longtemps que quelqu’un se serait chargé du ménage!
Sur chaque tronçon, il faut imaginer ces forçats l’emprunter 15, 20, et même 30 fois de suite, avec leur chargement sur le dos. Des allers-retours qui généraient un véritable embouteillage sur le sentier. Ce n’est heureusement plus le cas de nos jours. Parcs Canada et l’US National Park Service travaillent conjointement pour conserver le patrimoine de ce sentier historique. Ils limitent l’accès à la Chilkoot Trail à 50 randonneurs par jour.
En soirée, tous se retrouvent aux campements pour échanger leurs impressions sur la journée, s’informer des risques d’avalanches (possibles à l’année) ou encore de la présence de grizzlys. C’est le cas ce soir à Sheep Camp, où une femelle et son petit ont été aperçus au cours de la journée. Le garde-parc nous met en garde et indique également que les conditions au col Chilkoot seront mauvaises le lendemain : « Pluie, vent et brouillard en perspective ». Allez, on ressort le poncho…
Km 21 à km 33 : ascension des Golden Stairs et col Chilkoot (1 067 m)
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Le garde-parc avait vu juste! La météo est déplorable sur la pente rocheuse qui mène au col. C’est ici, il y a plus de 115 ans, que beaucoup d’hommes perdaient courage et espoir. Leur persévérance les avait pourtant menés si loin, aux confins du Grand Nord. Avec une inclinaison de 45 degrés, les marches géantes des « escaliers d’or » défient les fourmis humaines. L’exercice est plus facile pour nous, armés de bâtons de marche et de sacs à dos matelassés. Protégée des éléments par une veste en Gore-Tex, je ne peux m’empêcher de repenser aux célèbres photos des chercheurs d’or dans la neige lors de l’ascension du col Chilkoot. À chaque pas, dans un brouillard intense, nous mettons le pied dans les traces du passé. Bientôt, le claquement du drapeau à feuille d’érable annonce que nous sommes à quelques mètres seulement du sommet et de la ligne frontalière. Là même où la Police montée refusait cruellement le passage aux prospecteurs qui ne possédaient pas la tonne de matériel requise. Quelle injustice j’aurais ressentie après cette interminable ascension! Heureusement, c’est autour d’une tasse de thé bien chaude qu’une garde-parc nous accueille dans la cahute du poste-frontière. La suite de cette étape est la véritable récompense de la journée. Nous marchons sur des glaciers, traversons à gué des rivières sauvages au cœur de la toundra boréale. Une longue pérégrination ponctuée de lacs aux eaux cristallines.
Km 33 à km 42 : de Happy Camp à Lindeman City, C.-B. (850 m-700 m)
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À Happy Camp, qui porte si bien son nom, le pâté chinois lyophilisé est succulent ce soir-là. Le lendemain, nous démontons la tente encore trempée. Il n’a quasiment pas cessé de pleuvoir depuis le 2e jour d’expédition. Nous poursuivons la route vers Lindeman City, dernier arrêt nocturne. Ce tronçon est jonché d’artefacts abandonnés. Un véritable musée à ciel ouvert! Des os de cheval, de vieux câbles de remorqueurs (utilisés lors des ultimes mois de la ruée vers l’or comme solution ultime pour le transport des marchandises). D’innombrables semelles en cuir étonnamment bien conservées. Nous faisons un bout de chemin aux côtés d’une famille alaskienne. Des vétérans de la Chilkoot trail, avec trois traversées à leur palmarès. « C’est devenu un pèlerinage pour nous. Dès que l’un de nos enfants est capable de la faire au complet, nous l’y emmenons. Cette fois, nous sommes venus avec notre fils de 8 ans. » Un sacré bonhomme, ravi par son cours d’histoire à ciel ouvert. En fin d’après-midi, après plus de 40 kilomètres, nous atteignons les rives de sable blanc de Lindeman Lake. J’aurais besoin d’un bon massage.
Km 53 : arrivée à Bennett, C.-B. (650 m)
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Bennett, à la fin du 19e siècle, était la plus grande ville de tentes au monde! À part une belle église en bois, quelques vestiges de coques de bateau et la gare du Yukon & White Pass Route Railroad, il n’en reste plus rien. Construit en 1901, le chemin de fer facilitait le trajet à travers le col White. Une autre voie d’accès vers l’arrière-pays et le Klondike. Nous parcourons nos derniers kilomètres dans le sable d’un petit désert sur les rives du lac Bennett. La fin du voyage pour nous, mais seulement la fin d’une étape pour les chercheurs d’or. Ceux-ci devaient encore affronter les dangereux rapides de la Yukon River. Huit cents kilomètres jusqu’au fameux ruisseau Bonanza, à Dawson City, là où fut découverte la première pépite d’or du Klondike. Une autre expédition historique pour un futur voyage au cœur du Yukon, peut-être?
Infos
- Site web de Parcs Canada
- Permis d'accès à la piste Chilkoot (permis de camping inclus) : 61,30 $ pour les adultes, 30,60 $ pour les jeunes.
Liste d’équipements requis en 1898 par la Police montée au poste de douane du col Chilkoot
Nourriture : 150 livres de bacon, 400 livres de farine, 200 livres de lard, 100 livres de sucre, 100 livres de haricots secs, 100 livres de fruits secs, 100 livres de pommes de terre, 50 livres de maïs et de riz, 25 livres de café, 5 livres de thé, 15 livres de sel, 1 livre de poivre et 48 boîtes de crème.
Équipement de cuisine : un poêle (pour 4 pers.), 1 boîte d’allumettes, des casseroles, des assiettes, 1 tasse, 1 théière, 1 fourchette, 1 couteau, 1 récipient pour l’eau.
Habillement : 1 parka, 3 sous-vêtements en laine, des tricots, un manteau, 4 couvertures, 7 paires de chaussettes, 1 tente (pour 4 pers.), 1 bâche en caoutchouc, 4 mètres de moustiquaire, 1 sac de couchage, 1 paire de chaussures à crampons, lunettes de protection contre la neige.
Outils : 2 tamis, 2 pelles, 1 pioche, 3 seaux, 1 marteau, 2 rabots, 3 scies, 6 livres de clous, 1 mètre pliant, 3 livres d’étoupe, 6 livres de poix, 50 pieds de corde.
Je vais faire la Chilkoot en debut août avec mon conjoint. Nous avons réservés l'excursion avec un guide, mais je me demande si c'est nécessaire. Ce sera notre première vrai grosse expédition.
Crois-tu que c'est possible de la faire seulement en couple ou on mieux de rester avec le guide?
As tu des conseil pour nous?
Combien de pairs de bas apportée? Quoi mettre comme vêtements de rechange... bref, le matériel de ton sac à dos avait l'air se quoi?
Merci
Ps si on décide de faire l'excursion en couple, serait-il possible de se rencontrer *si tu es à Montréal ou alors de faire une rencontré sur skipe pour nous aider à nous préparer
Merci :) lyne