Frédéric Dion en Antarctique: seul, au bout du monde!
Frédéric Dion ne semble pas vouloir s'arrêter. Après avoir enchainé des défis exigeants, voilà qu'il en remet, avec une première mondiale : traverser l'Antarctique en solitaire en ski, tiré par un cerf-volant. Rien de moins!
À 37 ans, Frédéric Dion a une feuille de route déjà très garnie en matière d'expéditions et de défis exigeants. Retrouver la civilisation, seul, après s’être fait larguer, les yeux bandés, dans le nord du Québec sans carte, sans GPS et sans nourriture; courir 33 marathons en sept semaines et naviguer des milliers de kilomètres sur l’océan n'en sont que quelques exemples.
Il n'hésite pas à dire que tous ces exploits constituaient une bonne préparation pour son prochain périple : « Antarctique solo ». Son but : atteindre le pôle Sud d'inaccessibilité, un endroit inhospitalier, qui représente le point le plus éloigné de toutes les côtes de l'Antarctique. Seul et sans ravitaillement. Un exploit qui n'a jamais encore été accompli.
Il entamera son périple en novembre de la base russe Novolazarevskaya, et il espère terminer son projet à la mi-janvier 2015, après avoir parcouru plus de 1 800 kilomètres tiré par le vent. Deux autres expéditions québécoises – en équipe – sont parvenues à boucler la distance en une cinquantaine de jours. Ce défi, ce n'est pas son idée : il se préparait d'abord à la traversée du nord du Québec depuis près de cinq ans. Puis, c'est sa femme qui a suggéré qu'il pourrait peut-être tenter quelque chose de plus imposant.
Mais ne va pas aussi loin qui veut : il faut un permis délivré par l'un des pays signataires du traité de l'Antarctique. Pour l'obtenir, Frédéric Dion a dû soumettre un plan d'urgence, un suivi médical, un plan de gestion des déchets, et assurer aux autorités qu'il sera en complète autonomie. Sans oublier les couts : pas moins de 150 000 $ sont nécessaires pour ce projet (ndr : financement participatif de son expédition via son site internet).
L'athlète est maintenant familier avec le cerf-volant à traction, un moyen de déplacement qu'il dit apprécier. Plus tôt cette année, l'aventurier a parcouru 600 kilomètres en cerf-volant à traction en 24 heures sur la glace du lac Saint-Jean – en établissant au passage un record mondial. Cet accomplissement ne s'était pas fait sans douleur : après neuf heures, ses chevilles lui faisaient mal, en raison de la vibration. « Après les 24 heures, je me sentais comme si j'avais 100 ans », avait-il alors affirmé à un quotidien.
Cette fois, le parcours sera plus long, et plus difficile. « Ça pourrait être très rapide si j'ai de bons vents », dit-il. Mais il s'attend aussi à ce que les choses ne soient pas de tout repos : « il y a une partie d'inconfort et de douleur que je devrai gérer. »
« Quand on parle de l'Antarctique, c'est l'isolement, les dangers, le froid extrême. Mais pour moi, dans mes préparatifs, j'ai isolé ces dangers-là et j'ai trouvé des solutions à chacun de ces problèmes. » Il admet qu'il a peur, mais que c'est son travail de préparation qui lui permet de limiter les risques : « La sécurité, elle est dans les préparatifs », explique-t-il.
Cette préparation lui permet d'anticiper les difficultés : il sait déjà que la direction des vents pour les 400 premiers kilomètres n'est pas à son avantage. Quelques mois avant son départ, les préparatifs ne sont toutefois pas encore complétés et il lui reste des décisions à prendre. Le choix de sa voile, notamment, est critique : une voile plus large lui permettrait d'aller plus vite, mais pourrait également l'emporter. En fait, c'est tout son équipement qui fait l'objet d'une intense réflexion pour parvenir à un équilibre entre la rapidité et la sécurité. Chacun des 130 kilos de matériel qu'il aura avec lui est pesé, réfléchi, analysé aux 10 grammes près. Apportera-t-il une voile supplémentaire, qui pourrait l'alourdir, mais lui servir en cas de problème? Ce n'est pas encore décidé. Il sait par contre qu'il aura l'équivalent de 65 jours de nourriture – et qu'il peut éviter de manger certains jours. Une dizaine de pièces d'équipement qu’il a inventées voyagera aussi avec lui. Ces dernières ont été conçues durant ses expéditions pour répondre à des besoins spécifiques, comme cette pulka indestructible. « Cela me permet de réduire considérablement le poids de ce que j'aurai avec moi.
Au chapitre physique, il se dit prêt. Jusqu'à son départ, en novembre, il continuera de pratiquer plusieurs sports. Mais d'ici là, le mot d'ordre c'est d'éviter les blessures. Ses marathons successifs – 33 en sept semaines, en 2011 – lui ont permis de construire une bonne base d'endurance, et plus récemment, il a aussi fait la traversée des White Mountains, aux États-Unis, pour se garder en forme. « Je suis pas mal au sommet de ma forme », affirme-t-il.
Aventurier, touche-à-tout et papa
« Si tu regardes mes aventures l'une à la suite de l'autre, ce n'est jamais la même chose », et c'est exactement ce qu'il apprécie. Il ne veut pas devenir un spécialiste : il préfère se confronter à l'inconnu. Chaque nouvelle discipline qu'il essaie lui permet de devenir un meilleur sportif dans un autre domaine. « C'est en faisant du paramoteur que je suis devenu meilleur au kite. En volant, j'ai compris la dynamique des courants d'air. »
Ses expéditions se financent par des conférences, notamment dans les entreprises. Ce genre de discours de motivation teinte la façon dont il parle. « En conférence, je dis d'oser l'aventure, de passer à l'action. Quand on sort de sa zone de confort, c'est là qu’on obtient nos plus belles victoires. » Il est interrompu par une de ses deux petites filles, qui lui demande de faire un nœud sur un collier – le genre de demande impossible à refuser pour un père, même lorsqu'il est en entrevue! C'est un peu pour elles d'ailleurs qu'il a attendu avant d'amorcer un projet d'une telle envergure, parce que la famille compte parmi ses priorités. « Pour ma blonde et mes filles, le fait que je disparaisse pendant trois mois devenait trop exigeant pour elles, donc j'avais retardé ça », dit celui qui est aussi porte-parole des scouts du Canada.
L'avis du guide
Paul Landry est son mentor pour cette expédition. Le guide polaire et son fils Éric sont les deux seules autres personnes qui ont fait la traversée que s'apprête à tenter Frédéric Dion – à la différence qu'ils n’étaient pas seuls. « Oui, c'est extrêmement difficile, ce qu'il va tenter », affirme Paul Landry. « Il continue à repousser la frontière de l'expédition polaire. » Selon lui, le jeune aventurier devra se méfier de deux sections : une partie du périple traverse un champ de crevasses pour atteindre un plateau de près de 3 000 mètres de dénivelé. Là, les températures vont s'abaisser. Avec le facteur éolien, le mercure pourrait descendre jusqu'à -50 degrés, amenant des risques d'engelures. « Comme il est en pleine autonomie, il n'y a pas de possibilités d'arrêter et d'échanger une pièce d'équipement qui ne fonctionne pas bien ou qui est brisée », explique Paul Landry. Tout doit donc être très bien pensé, des skis au linge en passant par le réchaud et la tente. Mais tout est réfléchi. « Quand tu pars en expédition, c'est un peu monotone parfois, parce que c'est la même chose au jour le jour. L'aventure, souvent, c'est dans la préparation, on essaie ça, on modifie un morceau de linge, c'est un peu à ce moment-là qu’on apprend et qu'on prend des décisions. Je trouve que Frédéric est vraiment engagé dans la préparation », note Paul Landry.
Encore plus
Durant tout son périple, Frédéric Dion alimentera son blogue, et on peut également suivre son aventure sur Facebook ainsi que sur Twitter : @fdionaventurier