Récupération sportive : moins = mieux!
Immersion dans un bain glacé, port de vêtements de compression, ingestion de composés antiinflammatoires… les moyens ne manquent pas pour atténuer la fatigue causée par l’entrainement et accélérer sa remise sur pied. Mais cette course effrénée à la récupération est-elle aussi bénéfique qu’elle le parait?
Peu importe l’activité sportive pratiquée, la récupération constitue un arrêt obligé pour améliorer ses performances. C’est après un repos que l’organisme humain devient plus fort et plus vigoureux. Négliger la récupération ou même l’omettre empêche le corps de s’adapter au stress de l’entrainement. À long terme, cette situation provoque blessures d’usure ainsi que des contre-performances.
La récupération est indissociable de l’entrainement
C’est de ce constat que sont nées diverses modalités de récupération. Que l’on parle de bains contrastes, d’ingestion d’antioxydants ou de massothérapie, l’objectif est toujours le même : dissiper la fatigue créée à l’entrainement afin d’accélérer la récupération. Rares aujourd’hui sont les organisations sportives qui ne disposent pas d’un programme comprenant une ou plusieurs techniques de récupération.
Or, à trop vouloir intervenir sur le cours naturel de la récupération, on peut carrément lui nuire. Dans les dernières années, plusieurs études ont démontré l’interférence de divers moyens de récupération avec le processus d’adaptation à l’entrainement. En 2006, des chercheurs japonais ont rapporté que des sujets qui prenaient un bain glacé après leur entrainement obtenaient moins de gains en force que d’autres qui en étaient dispensés. Des études sur les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibuprofène) ainsi que sur les antioxydants ont également abouti à des conclusions similaires.
Selon Jonathan Tremblay, professeur adjoint au Département de kinésiologie de l’Université de Montréal, ce phénomène d’interférence est particulièrement marqué avec les méthodes de récupération anti-inflammatoires : « Tout stimulus d’entrainement enclenche une cascade de processus qui amènent l’organisme à s’adapter. L’inflammation fait partie de ces processus normaux au travers duquel elle se doit de passer », explique-t-il. Atténuer l’inflammation revient donc à nuire aux effets de l’entrainement.
Pour Blaise Dubois, physiothérapeute spécialisé dans la prévention et le traitement des blessures en course à pied et président fondateur de La Clinique du Coureur, rien ne met mieux en lumière ce paradoxe que les anti-inflammatoires non stéroïdiens : « Rien n’est plus puissant et efficace pour réduire l’inflammation que ces molécules. Elles stoppent la prolifération cellulaire qui est responsable de l’adaptation des tissus à l’entrainement. » Il y va d’ailleurs d’une analogie colorée pour illustrer son propos : « Les mêmes Pac-Man qui viennent manger les tissus endommagés à l’entrainement sont également ceux qui les reconstruisent plus fort par la suite. Mais si l'on prend un anti-inflammatoire, on empêche leur arrivée, ce qui rend impossible toute reconstruction adéquate. »
Même s’il est d’avis qu’il peut être contre-productif de nuire au processus de récupération naturel de l’organisme, François Billaut, superviseur scientifique à l’Institut national du sport du Québec (INS), ne condamne toutefois pas toutes les modalités de récupération : « De toute façon, dit-il, il n’existe pas de consensus scientifique quant à l’efficacité de la grande majorité d’entre elles. »
Selon lui, c’est cette absence d’unanimité qui pousse chaque entraineur à proposer ses propres formules aux athlètes. Dans tous les cas, le choix des techniques, des durées d’exposition et de la fréquence d’utilisation doit se faire en tout respect des sensations et des préférences de l’athlète.
Jonathan Tremblay abonde dans le même sens. Tout en avouant que « certaines études » ont démontré récemment que plusieurs méthodes de récupération ne battent pas l’effet placebo, il pense néanmoins qu’elles en valent la peine : « Dans le sport de haut niveau, les écarts entre les athlètes sont souvent de l’ordre de quelques centièmes de secondes, ce qui correspond grosso modo à leurs effets », analyse-t-il.
Blaise Dubois apporte quant à lui quelques nuances sur la nature des méthodes utilisées : « Quelqu’un qui porte des bas de compression, je m’en moque un peu, car je ne suis pas sûr que c’est très aidant ou très nuisible. Les anti-inflammatoires par contre sont très problématiques », avoue-t-il. Pourtant, ces composés sont très populaires dans les cercles d’athlètes d’endurance où ils sont utilisés pour réduire les courbatures post-entrainement. Certaines études rapportent même des taux d’utilisation à l’entrainement et en compétition de plus de 50 % chez les adeptes de sports de distance!
Opter pour la simplicité
Afin d’occasionner le moins d’interférence possible avec l’entrainement et tirer le meilleur parti possible des méthodes de récupération, Jonathan Tremblay préconise d’en moduler la fréquence selon les différentes phases d’entrainement. L’idée, soutient-il, c’est de faire correspondre leurs effets sur l’entrainement désiré.
Phase entrainement |
Contenu entrainement |
Emphase sur la récupération |
Contenu récupération |
Préparation physique générale |
Mettre en place les adaptations physiques de base. Accent mis sur le volume. |
Basse |
Nutrition et sommeil adéquat. Utiliser les autres modalités de récupération avec parcimonie. |
Préparation physique spécifique |
Développer les qualités physiques spécifiques. Accent mis sur l’intensité. |
Moyenne |
Expérimenter quelques méthodes de récupération afin de les incorporer graduellement dans son programme. |
Compétition |
Réduire la charge d’entrainement. Accent mis sur l’entretien des acquis. |
Élevée |
Aucune restriction : à ce stade, meilleure est la récupération, meilleures seront les performances. |
« Si tu es dans un moment de l’année où tu cherches à maximiser tes adaptations à l’entrainement, peut-être est-il plus judicieux de se contenter du strict minimum en matière de récupération. Par contre, poursuit-il, si ton but c’est de connaître les meilleures performances possible en compétition, il vaut mieux mettre le paquet sur la récupération pour réduire ta fatigue. »
Les seuls « incontournables » qui doivent être appliqués à longueur d’année, pense François Billaut, c’est le sommeil et la nutrition : « On a tendance à facilement les oublier, mais un sommeil suffisant et une nutrition adéquate constituent les bases de la récupération. Si vous mangez mal et que vous coupez généreusement dans votre sommeil, un bain de glace ne servira absolument à rien! »
Autant lui que Jonathan Tremblay soulignent l’importance de ces méthodes qui, la plupart du temps, sont déficientes. « C’est surprenant de voir les meilleurs athlètes utiliser des méthodes parfois franchement farfelues alors qu’ils ne maitrisent même pas les besoins fondamentaux », note ce dernier.
De l’avis de Blaise Dubois, le paradoxe de la « surrécupération » est un exemple flagrant de la propension humaine à interférer avec le cours naturel des choses. « Ça me fait toujours rire de savoir comment nous adoptons certaines interventions parfois très complexes sans réellement savoir quels en sont les effets exacts », dit-il.
En récupération sportive comme en entrainement, la conclusion est la même : plus, c’est souvent trop, et moins, c’est souvent mieux. À méditer la prochaine fois que l’envie vous prendra de « pimper » votre récupération!