Harricana Charlevoix : le rêve d’un passionné
En moins de trois ans, The North Face Ultra-Trail Harricana Charlevoix (UTHC) est devenu une course incontournable au Québec. Organisée par une petite équipe de passionnés, la course du UTHC constitue l’aboutissement du rêve de Sébastien Côté, un coureur-organisateur tombé amoureux de la nature, des sentiers et de la course à pied.
Dans un café de l’avenue du Mont-Royal, à Montréal, Sébastien Côté est attablé, une tasse posée devant lui. Impossible de ne pas le remarquer : casquette blanche sur ses cheveux roux, il est habillé en coureur de la tête aux pieds. Aurait-il déjà fait quelques foulées matinales avant de prendre son déjeuner? « Non, mais je pars toujours travailler en courant ». Le Montréalais de 39 ans travaille chez Radio-Canada. « Toute la journée, je suis devant un écran avec une souris et un clavier pour m’assurer que les systèmes informatiques soient opérationnels ». Un emploi à plein temps, éloigné de son autre vie : celle de coureur de sentiers, animateur du Club de trail Montréal et directeur général de l’UTHC.
La course est arrivée tardivement dans sa vie, il y a environ cinq ans. C’est d’abord par la randonnée pédestre qu’il découvre le plein air : « J’ai passé une bonne partie de ma jeunesse au Lac-Saint-Jean. Nos parents nous ont toujours amenés à visiter le Québec, pour nous sensibiliser à la nature, loin des centres urbains. Mais c’est surtout mon oncle qui m’a initié à la longue randonnée. Mon gout de l’aventure vient de là. »
Il continue ensuite à parcourir les forêts du Québec et de l’Est américain. « Moi et mes frères, on a reproduit le modèle de notre oncle : on allait dans marcher dans tous les parcs du Québec : Mauricie sur le sentier Laurentien, au fjord du Saguenay, etc. Les Adirondacks, on y allait toutes les deux semaines! » Un gout de l’aventure tellement fort qu’il se décide, avec un ami, à tenter l’ascension de l’Aconcagua (6 962 m). « Je me suis demandé ce que je pouvais faire qui ne nécessite pas trop de connaissances en alpinisme. Le choix s’est porté sur l’Aconcagua : une randonnée jusqu’au sommet, mais plutôt difficile ». Il s’y prépare pendant un an, mais la montagne aura raison de ses ambitions : « Je n’ai pas pu me rendre au sommet, car j’ai eu un œdème pulmonaire vers 4 600 m. J’avais de l’eau dans mes poumons. Le médecin m’a arrêté. La même journée, des Italiens sont morts. Tant pis, mais on a quand même acquis de l’expérience. »
Retour au Québec. Passage à vide. Quoi faire après avoir écumé tous les sentiers de randonnée de la province? L’appel de la course se fait sentir. Mais la passion ne prend pas. Du moins pas tout de suite : « J’ai commencé à courir sur la route. Ce fut difficile mentalement. Ce n’était pas moi. Je m’ennuyais, même avec ma musique aux oreilles. Un ami qui venait tout juste de courir le demi-marathon d’Ottawa m’a dit : “Choisis l’épreuve que tu veux, je t’accompagne!”Je me suis inscrit au Tour du Lac Brome pour 6-8 km. J’ai terminé dans les derniers, mais avec un grand sourire. Ce fut une révélation! »
Après le virus de la randonnée pédestre, c’est au tour de la course en sentier d’envahir le corps et l’esprit de Sébastien Côté. « J’avais désormais un nouvel objectif : courir les sentiers que j’avais parcourus en rando ». D’autres épreuves et compétitions suivront, et Sébastien est toujours accompagné de sa famille, élément central dans son parcours de vie. « J’ai découvert le XC La Vallée, une course de 20 km dans la région de Québec, et j’ai réussi à convaincre toute la famille de venir. Surtont mon oncle que j’avais initié à la course. Ce fut un beau trip familial, avec le camping sur place, manger ensemble la soupe aux gourganes... » Il crée alors un blogue pour parler de la course en sentier. « Dans un de mes textes, je me déclarais officiellement “ambassadeur du trail au Québec”! », rigole-t-il.
Si l’envie de faire la promotion de la course est forte, l’élément déclencheur de l’UTHC ne fut pas direct et il faut encore le chercher dans le cercle familial. Mais cette fois-ci, avec un drame : son beau-frère, Sébastien Boivin, atteint de la sclérose en plaques, est atteint d’une encéphalite herpétique, une infection qui touche le cerveau. Il passe trois jours dans le coma, puis reste un an dans un centre spécialisé de réadaptation. « Ce fut une grosse épreuve, mais c’est par la famille que l’on s’en est sorti. On s’est fait un devoir de réintégrer Sébastien dans la vie de tous les jours. On s’est demandé quoi faire. On a eu l’idée d’organiser un événement de trail : une opportunité pour ramasser de l’argent pour la sclérose en plaques, mais aussi lui redonner des responsabilités, en s’impliquant dans l’organisation de l’événement, en tant que président d’honneur. Il était important qu’il retrouve sa fierté ».
Bâtir une toute nouvelle course a demandé un an de préparation et d’organisation : monter le plan d’affaires, convaincre les partenaires et les acteurs locaux, faire la reconnaissance du terrain et débroussailler des sections inédites de l’arrière-pays de Charlevoix, amasser des fonds notamment en organisant des soirées cabarets (les sœurs Boulay sont venues y chanter), etc. « Les gens de la communauté nous ont soutenus, Québec Trail s’est mobilisé pour la cause. The North Face a aussi embarqué. Certes, c’était une première, mais on n’avait pas le sentiment d’être des imposteurs, car tout le monde nous disait que notre projet tenait la route ». En février 2012, quelques mois avant la première édition, c’est la répétition générale, la « Course des Pirates » au parc national d’Oka. « Il y avait une cinquantaine de coureurs. On a fait plein d’erreurs, comme perdre les coureurs un peu partout à cause du balisage pas au point, mais ce fut un beau travail d’équipe, avec les amis et la famille ».
Le 8 septembre 2012, 250 coureurs s’élancent sur les 5, 10 ou 28 km de l’UTHC, alors batipsé XC Harricana, et un peu plus de 5 000 $ sont amassés pour la lutte contre la sclérose en plaques. Une belle réussite qui se poursuit l’année suivante pour la deuxième édition : environ 700 coureurs, un nouveau nom, une nouvelle distance (65 km) et une certification comme épreuve qualificative à la prestigieuse course Ultra-Trail du Mont-Blanc (UTMB) en Europe : les coureurs du 65 km de l’UTHC gagneront un point, alors qu’il en faut minimum sept pour s’y inscrire. « On n’est pas les premiers au Québec à recevoir cette certification, mais on a beaucoup surfé là-dessus. Les réseaux sociaux et la communication ont fait la force d’Harricana au début. On n’organisait pas juste un événement : on était capable d’aller chercher les coureurs là où ils étaient, par des rencontres, des salons, des tournées et ainsi montrer notre existence au plus grand nombre ».
Mais tout n’est pas aussi facile qu’il n’y parait. Sébastien Côté avoue que l’année entre les deux premières éditions fut difficile. D’abord à cause d’une vilaine blessure au tendon d’Achille qui l’empêche de courir pendant sept mois. Aussi à cause de la rupture avec sa copine qui était chargée de l’image de marque de l’événement, donc l’un des piliers sur lesquels il reposait. « Le cœur d’Harricana était en rupture. Je me retrouvais à gérer l’événement tout seul. Tous mes repères étaient perdus. Comment livrer l’édition 2013 dans ce contexte-là? Personne ne l’a vraiment su autour de nous, mais on a quand même réussi. On s’est remis ensemble moi et ma copine depuis, mais ça a été une dure année! »
Il y aussi l’arrivée dans l’équipe de l’organisation de Martin Vallières, un Charlevoisien qui fait le lien entre UTHC et les acteurs locaux : « Il est devenu la quatrième personne d’Harricana en prenant sur ses épaules tout l’aspect logistique. Il m’a soulagé d’une bonne partie de la charge de travail, même si lui aussi a un emploi à plein temps comme coordonnateur de Vélo Charlevoix. Il nous a permis de nous rapprocher de cette organisation. »
Des projets d’avenir, Sébastien Côté en a plein la tête. D’abord livrer la prochaine édition, le 13 septembre 2014, avec une nouvelle distance : un ultra-trail de 80 km! « On attend environ 1 000 athlètes. Cela veut dire 3 200 visiteurs sur le site, il faudra donc offrir une expérience magique à chacun, pas seulement aux coureurs. On a élaboré une programmation en conséquence : une soirée dansante le samedi soir, une zone de camping, des ateliers de yoga, des conférenciers, etc. » Mais les idées ne s’arrêtent pas là. Pour 2015, une nouvelle distance est déjà prévue : 40 km et la volonté de proposer 100-120 km. « Dès le début, on avait une vision pour le long terme avec un objectif clair : promouvoir le trail running au Québec et faire de l’Harricana une course de calibre international ».
C’est tout le mal qu’on lui souhaite!
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harricana.info