Madrid à la course
Madrid. Un vendredi matin de septembre. Au fil de mes pas rythmés, je découvre la capitale espagnole aux aurores. J’ai une journée bien chargée de visites touristiques, mais cette course matinale me remplit d'énergie et c'est aussi la meilleure façon de me réveiller solidement.
Écouteurs en place, à la porte de mon hôtel, j’ai descendu l'avenue grouillante La Gran Via (La Grande Voie). D'un bond de gazelle, je fais mes premiers pas de course le long de cette artère, l'une des plus animées et encombrées de la capitale. Saturée de voitures et piétons à toute heure, je me réjouis de la découvrir à son meilleur, tôt le matin. Étendue sur 1,5 kilomètre, La Gran Via offre pignons sur rue à des centaines de restaurants, théâtres, hôtels, cinémas et magasins. C'est là que se trouvent par exemple, le plus grand ZARA de Madrid, H&M et des boutiques de luxe. À cette heure, tout est fermé et c'est tant mieux. Mes premiers pas de course me permettent d'apprécier ce qui caractérise La Gran Via : son architecture élégante et grandiose. Je découvre la ville en ayant constamment les yeux en l’air.
Construite entre 1910 et 1930 pour relier la Plaza de Espana à la rue de Alcala, la rue rassemble des édifices magnifiques. Il y a le Telefonica, premier gratte-ciel de Madrid, érigé en 1929, admirable pour sa façade néoclassique d'inspiration new-yorkaise. Je note aussi les courbes et contre-courbes du bâtiment néobaroque Casino Militar ainsi que l'Edificio Metropolis avec ses statues et colonnes corinthiennes. Je suis sous le charme de sa tourelle et sa coupole influencées par le style pompier français avec sa statue ailée Victoire.
Comment courir sans s'arrêter devant tant de beauté? Entre les Madrilènes en cravate, les élégantes femmes d'affaires, les autos à vive allure, les nettoyeurs de rue des fêtes de la veille et les cadavres de bouteilles, j'avance à petits pas. Je bifurque vers la gauche pour sillonner les rues étroites du quartier Chueca, plus intime avec ses pubs, restos à tapas et petites boutiques. Je reprends le rythme pour revenir vers La Gran Via. Je me sens interpelée par la déesse de la terre, Cybeles qui, sur son char conduit par deux lions massifs, séduit depuis 1780 les piétons au carrefour de La Plaza de Cibeles. Ce lieu est sans doute le rond-point le plus célèbre et l'une des plus belles places de Madrid. À l'arrière-plan : le Palacio de Comunicaciones, pompeux édifice. On m'a parlé de son intérieur de vitraux, de ses colonnes et de son sol en marbre. Je poursuis ma course me promettant de m'y arrêter au retour. Les battements de mon cœur sont maintenant réguliers. Continuons!
Je suis un peu perdue et j'aime ça! Quelle direction prendre dans une ville qu'on arpente pour une première fois? Le brouhaha urbain commence à m'étourdir. Il fait chaud, mais la quiétude n'est pas loin. Madrid compte quatre grands poumons pour se purifier et contrer l'effet polluant des milliers de voitures qui y circulent.
J’arrive enfin dans le Parque del Retiro, plus de 108 hectares, si cher au cœur des Madrilènes. Jardin de retraite du souverain Philippe lV au 17e siècle, il fut rendu public en 1869. Je cours en zigzaguant sans trop penser à mon itinéraire. Dans ce labyrinthe fait de chemins de petites roches, de sentiers verts étroits, d'avenues, d'escaliers, j'apprécie ces multiples face à face avec le passé. Je me retrouve au bord d'un romantique lac artificiel (estanque) – où l'on peut louer des barques – bordé de quelques cafés-terrasses. Je découvre un magnifique jardin à fleurs, puis une allée de cyprès. Je me permets du surplace pour quelques clichés pris sur le vif. Ça sent bon et le chant des oiseaux caresse mes oreilles!
En voyant les statues en marbre dans le Paseo de las Estatuas, j'ai l'impression que les rois Alphonso l, Charles ll, et Sanches lV m'encouragent à courir! Les pieds sur la petite roche, je m’essouffle vers le Palacio de Cristal, tout de verre et de métal, en brillance et transparence. J'avance. Le sourire suspendu et l'envie de crier mon enthousiasme. Courir dans le parc où les rois et les reines espagnoles du 17e siècle se détendaient me donne des ailes et éveille mon imaginaire. Je croise d'autres coureurs. Jogger dans une ville étrangère, c'est s'y fondre et oublier un moment qu'on est touriste.
J'entrevois des terrains de tennis à travers la verdure et des appareils d'exercices extérieurs attirent mon attention. Je ris seule en testant les pédaliers fixés aux pieds des bancs de parc, et qui permettent de faire du vélo stationnaire! Les structures en métal sont défraichies, mais fonctionnelles.
Il est temps de penser au retour à l'hôtel. Je me promets de revenir demain, car je n'ai vu que la moitié du parc! Sur le plan, je localise la Rosaleda, une roseraie de 4 000 rosiers, réalisée en 1915, une pépinière municipale tout au sud, plusieurs autres portes d'accès et une petite chapelle du temps où Madrid était encore un village. Et demain, c'est samedi! Le parc aura un tout autre visage : familles, musiciens, jongleurs, amuseurs de rues se rassembleront près du lac et les terrasses fourmilleront à l'heure du lunch.
À bien y penser, je laisserais mes écouteurs à l'hôtel demain. Après tout, la musicalité de cette ville est bien assez entrainante pour me faire courir à sa découverte!
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