Une traversée du Canada... en canot et kayak!
Partis le 5 mai 2013 de Prince-Rupert, en Colombie-Britannique, les Québécois Guillaume Normandin et Déreck Pigeon ont tracé leur route vers l’est, sur les rivières et les cours d’eau du Canada en direction du Québec. Mais 179 jours plus tard (soit le 30 octobre dernier), ils ont posé leurs rames à Thunder Bay, arrêtés par des conditions climatiques trop difficiles. Mais ces deux pagayeurs comptent bien reprendre leur périple cet été pour compléter leur traversée fluviale des terres canadiennes.
Quel était l’objectif de cette traversée du Canada en canot et kayak?
Guillaume Normandin : Notre idée était de tester nos limites, voir jusqu’où l’on pouvait se rendre et ce que l’on pouvait encaisser. On voulait faire ce voyage par nos propres moyens. On est partis avec cet esprit d’aventure et d’autonomie. Et puis, à travers le Web et les réseaux sociaux, on a raconté notre voyage dans le but d’inspirer les gens. Je pense que cela a fonctionné, car plusieurs personnes l’ont été.
Comment vous est venue cette envie?
GN : On se connait depuis environ huit ans. On s’est d’abord dit que l’on ferait la traversée du Canada en vélo. Mais avec le temps, en voyant différents projets et des gens qui avaient fait le chemin en rabaska, j’ai proposé à Déreck cette idée plus aventureuse de se lancer dans une traversée du territoire canadien par ses rivières et ses fleuves. C’était moins accessible et plus sauvage.
Quels ont les bons moments de ce voyage?
GN : La première chose qui nous a marqués, c’est notre premier portage pour franchir les Rocheuses. La vue était phénoménale. C’était aussi un moment difficile : on se rendait compte que l’on allait prendre plus de temps que prévu pour rallier notre premier point de ravitaillement. On devait donc faire attention à ne pas trop manger. On avait faim, on était endolori par nos sacs de portage, qui pesaient jusqu’à 125 livres. Les deux derniers jours, on évoluait dans la neige, mais il y avait ce paysage à couper le souffle avec les montagnes. On a également rencontré des gens formidables tout le long du voyage. Je ne pouvais pas imaginer à quel point ils pouvaient être aussi généreux et accueillants.
Déreck Pigeon : Et ce n’est pas nous qui venions à eux, mais l’inverse! Quand on arrivait dans un village, le mot se passait très vite. Tout le monde venait nous voir. À Fort Chipewyan, le village le plus au nord de l’Alberta, on a même été invité à un mariage autochtone. On y a passé du bon temps!
Comment vous êtes-vous préparés?
GN : L’envie était là depuis plusieurs années, mais le plus gros de la préparation s’est fait seulement quelques mois avant le départ. C’est beaucoup d’énergie investie.
DP : Le début du projet a véritablement commencé en 2011, après la lecture d’un livre écrit par Ilya Klvana : Le Coureur des Bois. C’est un Québécois qui, en 1999, a fait le même trajet que nous. Parti de Prince-Rupert, il s’est rendu jusqu’à Terre-Neuve. Ce livre n’était pas un guide, mais il était assez détaillé pour que Guillaume puisse prendre des notes et déterminer ensuite le trajet avec les cartes. C’est essentiellement lui qui a géré les questions d’organisation avant notre départ.
L’itinéraire a-t-il été difficile à tracer?
GN : J’ai eu principalement recours à une compagnie de GPS, dont j’ai acheté les cartes pour le Canada. Mais, même avec cette technologie, l’ordinateur et la capacité de zoomer à volonté, il y a plusieurs endroits imprécis. Notamment en Saskatchewan et dans le nord de l’Ontario : quand on y regarde de trop près, tout devient bleu! Il y a tellement d’eau que c’est une sorte de labyrinthe. En dépit des outils modernes, ça a pris beaucoup de temps pour trouver le chemin exact afin que tout se passe bien. Par exemple, en Saskatchewan, il y a le fleuve Churchill. C’est une série de lacs. Parfois, on se ramasse dans des ruisseaux, parfois sur une grosse rivière, parfois sans courant. Et la décharge ne se situe pas forcément au sud, mais par moments à l’est ou à l’ouest. C’est un vrai casse-tête!
Comment se sont organisées la logistique et la nourriture?
DP : On avait calculé que cela prendrait 20 jours pour le premier trajet. On est donc partis en conséquence avec la nourriture requise. Mais cette première partie, sans villages sur le chemin, a été la plus longue : ça nous a pris 28 jours! Par la suite, on a un refait un gros ravitaillement pour un mois dans la grosse ville de Prince Georges, puis on allait chercher de la nourriture dans les petits villages. Le problème, c’est que leurs épiceries n’ont presque rien. C’est majoritairement du surgelé. On a acheté une partie de la nourriture sur place. Pour le reste, on demandait à nos familles de nous envoyer par la poste ce que l’on ne pouvait pas trouver, comme des barres protéines ou de la nourriture déshydratée.
Au milieu de votre voyage, vous êtes passés du canot au kayak. Pourquoi ce changement d’embarcation?
GN : Dans son livre, Ilya Klvana raconte que son voyage s’est fait en kayak. Nous, on voulait partir en embarcation ouverte. Je suis guide de canot, donc c’est une embarcation de choix pour moi. Mais on redoutait beaucoup les Grands Lacs. En arrivant sur le lac Winnipeg, il était nécessaire de ramer sur un kayak : on descendait vers le sud, avec un méchant vent de face. Cela amenait de grosses vagues d’un mètre qui montaient parfois jusqu’à trois mètres. En kayak, on diminuait notre facteur de risque par rapport au canot.
Avez-vous subi un entrainement physique spécifique?
DP : Il n’y a pas eu de préparation physique ciblée pour pagayer. Cela s’est fait naturellement au gym, en courant ou peu importe l’activité. Guillaume travaille comme guide de canot. Moi, j’ai eu besoin de me remettre un peu en forme. Mais c’est tout. Pas besoin d’un entrainement intensif pour un voyage de ce genre.
GN : On n’était déjà des gens actifs régulièrement. En forme, mais pas en superforme. C’est au fil des mois que cela nous est rentré dans le corps et que cela s’est fait.
Votre traversée s’est arrêtée à Thunder Bay. Pourquoi?
DP : Il y a plusieurs facteurs qui nous ont empêchés de rallier le Québec. D’abord, la température : il faisait -10 °C la nuit. Il y avait de la glace et de la neige. On entrait sur le lac Supérieur qui est assez dangereux à cette période de l’année. Durant la traversée, on était aussi en apprentissage, pour devenir des « grands explorateurs ». Il y a beaucoup de choses que nous avions mal calculées : le poids des embarcations, le type de nourriture. Certains éléments extérieurs ont ralenti notre progression, comme les inondations en Alberta au début de l’été. Le débit de l’eau était plus important. On progressait à contre-courant. Au mois de septembre, on a subi le vent de face pendant plusieurs semaines…
GN : Au départ, l’idée était de partir au début du mois de mai et d’arriver à Québec vers la fin du mois d’octobre. On se donnait six mois pour traverser le Canada. Mais plus on avançait, plus on voyait que cela nous prenait davantage de temps. En arrivant dans la région des Grands Lacs, on s’est dit que c’était suffisant pour cette année. On aurait pris le risque de faire quelques centaines de kilomètres de plus dans des conditions très difficiles. Un petit gain pour un risque bien trop grand!
Il y a donc l’envie de reprendre et finir la traversée l’été prochain.
DP : Oui, c’est certain! Il nous reste 30 à 40 jours pour finir cette traversée, en juillet ou aout prochain. Mais il va falloir regarder nos disponibilités avec nos employeurs.
Quels sont vos projets après ce voyage?
DP : Quand on est partis, on ne savait pas vraiment dans quoi on s’embarquait. Mais j’étais certain d’une chose : réaliser un film. J’ai filmé toute la traversée, avec plusieurs prises de vues. J’ai suffisamment de photos et de vidéos pour le faire, toutefois, ce sera après avoir terminé la deuxième partie du voyage. On veut également donner des conférences, toujours dans l’idée d’inspirer et d'inviter les gens à se dépasser et à réaliser leurs rêves.
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traverseecanada2013.com